Édition internationale

MARC GUIBERT - ''Ce que j'ai vu dans les hôpitaux roumains m'a rassuré''

Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2015

Dans le contexte de la chaîne de solidarité mise en place par l'ambassade de France en Roumanie et la Société Française d'Etude et de Traitement des Brûlures (SFTB) pour le suivi des victimes de l'incendie du club bucarestois Colectiv ? celle-ci prévoit l'envoi, par rotation, d'équipes de deux médecins pendant les 8 à 10 semaines à venir, le chirurgien plastique français Marc Guibert a passé la semaine dernière aux côtés de ses collègues roumains. Le dernier bilan de la tragédie fait état de 55 morts.

Photo : Jonas Mercier

Le Petitjournal.com/Bucarest - Pouvez-vous nous décrire la situation que vous avez trouvée en Roumanie ?

Marc Guibert - Je suis venu sans aucun à priori. J'ai plutôt essayé de m'imaginer comment nous aurions géré un tel scénario en France. Et sincèrement, je pense que ça aurait été aussi difficile pour nous. Du coup, j'étais curieux de voir comment les Roumains avaient pris un charge un tel afflux de patients ? au total 180 blessés, dont la moitié très grave. Et ce que j'ai vu m'a beaucoup rassuré. J'ai même été surpris de l'efficacité des autorités sanitaires, notamment sur les transferts à l'étranger de certains patients. Cette question s'est posée pour décharger les équipe de soins qui étaient sur le terrain depuis une semaine, 24h sur 24, et qui avaient besoin d'être aidées.

Et les conditions d'accueil hospitalière...

C'est sûr qu'il y a des différences entre les pratiques françaises et roumaines, mais elles sont peu signifiantes. En France, on trouve des centres entièrement dédiés aux brûlés, car il s'agit de patients très particuliers, qui possèdent un risque infectieux plus important que n'importe quel autre traumatisé. Mais sur le plan de la réanimation et de la prise en charge chirurgicale, j'ai été impressionné par la qualité des soins.

En quelques mots, quel est l'état des blessés ? 

Les plus graves d'entre eux ont des brûlures respiratoires, causées par les produits toxiques qu'ils ont inhalés. C'est pour cela qu'il a eu tant de décès. En ce qui concerne les brûlures cutanés, on retrouve à peu près toujours le même schéma. Les patients sont brulés au niveau des deux membres supérieurs, car ils ont voulu se protéger des flammes qui venaient du plafond en portant leurs mains au niveau du visage. Il s'agit de brûlures très graves. On parle de carbonisation et d'amputations probables. Les patients qu'on a vu ont tous entre vingt et trente ans.

Vous avez également pratiqué une intervention chirurgicale...

Oui, la deuxième partie de notre mission a été d'aider nos collègues dans la prise en charge chirurgicale de ces patients. Nous sommes venus avec des substituts dermiques, qui permettent de retrouver une qualité de peau plus proche de la normale. Il s'agit de produits très chers et pas forcément accessible ici. Nos collègues roumains étaient ravis de pouvoir en utiliser. C'est toujours intéressant de partager des expériences, même pour nous. D'ailleurs, nous avons la même approche chirurgicale.

Reste-t-il encore beaucoup de blessés graves ?

En dehors des patients qui ont été transférés dans des pays européens ces derniers jours, il restait quatre patients dans un état très graves, avec des pronostiques très sombres. Les risques d'infection du système respiratoire sont très importants et cela ne tient pas de la qualité des soins prodigués.

Il y a d'ailleurs eu une tentative de transfert vers la France...

Oui. Le patient qu'on a transféré avait la même typologie que les autres brûlés : des brûlures cutanées sur les membres supérieures et une brulure respiratoire très grave. Son état s'était stabilisé, il était conscient et avait un bilan biologique normal sur tout les points. Il pouvait parler. On lui a demandé s'il était favorable à un transfert vers Paris, et il a été d'accord. Sa famille aussi était d'accord. On ne les a pas du tout poussés et on a pris toutes les précautions qui s'imposaient. Mais il existe toujours des risques dans ce genre d'opération. Malheureusement, il est décédé à l'atterrissage, après une tentative de réanimation des médecins roumains et français. On a tous été très surpris.

Avez-vous déjà rencontré une telle situation durant votre carrière ?

Non. C'est une situation exceptionnelle qu'on peut comparer à une situation de guerre. 

Entretien réalisé par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 16 novembre 2015

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Publié le 15 novembre 2015, mis à jour le 14 novembre 2015
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