Avec Adrian Paunescu, décédé vendredi, c'est l'une des figures les plus complexes et controversées de la scène culturelle roumaine qui disparaît. Retour sur la vie et l'engagement d'un poète très présent dans la société roumaine pendant plus de 40 ans
Le poète a rejoint son ancienne "muse". Connu pour ses poèmes à la gloire de Nicolae Ceausescu, Adrian Paunescu est décédé vendredi à Bucarest d'une insuffisance cardiaque. Il avait 67 ans. Devant le cercueil du poète, exposé à l'Union des écrivains à Bucarest, ses admirateurs ont défilé, emplis d'une émotion fervente, et les condoléances policées, comme celle de Traian Basescu, se sont succédé, louant l'artiste sans évoquer son passé politique. Les détracteurs de Paunescu sont eux en colère devant ces larmes versées. Ils ne lui ont jamais pardonné son allégeance à l'ancien dictateur roumain.
Poésie et politique
Même par delà la mort, le parcours ambigu et controversé du poète suscite la polémique.
Car toute sa vie, Adrian Paunescu aura mêlé ses deux passions, la poésie et la politique. Grand, tonitruant, Paunescu était d'abord une plume, souvent mélancolique, qui aimait évoquer la mort et l'amour dans ses poèmes. Mais son œuvre, qui comporte plus de 50 poèmes, est aussi fortement empreinte de thèmes patriotiques et de messages politiques. Malgré le passé de son père, ancien prisonnier politique, il entre au Parti communiste roumain en 1968, et son image sera définitivement attachée à celle du parti, avec lequel il entretiendra des relations ambigües. Parfois visé par la censure, il n'hésite pas à critiquer le régime, mais fait également preuve d'une admiration sincère envers Nicolae Ceausescu, auquel il consacre de nombreux poèmes. Symbole de cette ambivalence : Flacara (la flamme), une revue et un cercle littéraire et musical qu'il créé en 1973. Pendant 12 ans, ces spectacles qui mélangent poèmes nationalistes et chansons folks subversives vont attirer des dizaines de milliers de jeunes Roumains, pour qui ces shows sont une alternative bienvenue à la propagande officielle. Voilà alors Paunescu érigé en mentor pour les jeunes artistes et en figure (légèrement) subversive. Mais en 1985, la mort de 5 adolescents dans une bousculade lors d'un de ces concerts va provoquer l'interdiction du cénacle et la disgrâce du poète. Un an plus tard, Paunescu écrira une lettre devenue célèbre au Conducator, "héros sublime et unique salut de la nation", où il jure notamment fidélité "jusqu'à la mort". Et effectivement, Adrian Paunescu restera jusqu'au bout fidèle à ses idéaux.
Une réhabilitation difficile
Après la révolution de 1989, où il doit trouver refuge à l'ambassade américaine pour échapper à la foule, il s'inscrit au Parti socialiste du travail (PSM), successeur du PCR, et est élu sénateur, en 1992, sous cette étiquette. Il se lance dans l'aventure présidentielle en 1996 mais n'obtient même pas 1% des voix. Il s'éloigne du PSM et rejoint finalement le futur parti social-démocrate, en 1998. Proche de Ion Iliescu, il sera sénateur sous les couleurs du PSD jusqu'en 2008. Souvent critiqué pour son passé communiste et ses écrits enflammés sur le Conducator, Adrian Paunescu déclarait encore il y a un an : "Je ne renie rien de ce que j'ai écrit. Ceausescu a eu une contribution importante à l'histoire de la Roumanie." Le poète a été enterré hier au cimetière Bellu de Bucarest.
Marion Guyonvarch (www.lepetitjournal.com/Bucarest) lundi 8 novembre 2010







