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CARNET DE VOYAGE- Bucarest Istanbul sur les traces de l’Orient Express

traintrain
train Orient Express
Écrit par Adrien Le Noel
Publié le 13 septembre 2017, mis à jour le 21 septembre 2017

Il y a des trains classiques et des trains mythiques. Des noms qui ont marqué une époque, un temps et plusieurs générations. Rendu célèbre par le 7ème art et par l’ouvrage d’Agatha Christie, l’Orient Express, dans sa forme originelle, a cessé de traverser l’Europe d’Ouest en Est un jour de mai 1977. Depuis, le trajet est toujours fréquenté par des aventuriers férus de train, mais l’appellation Orient-Express elle, n’est plus.

 

 

 

12h30, quai numéro deux de la gare du Nord de Bucarest. Le grand écran à l’entrée des voies annonce un départ pour Sofia dans 15 minutes. La foule de globe-trotteurs, allongés au sol et profitant de l’ombre et d’une brise légère, se lève soudainement et se dirige en direction de ce fameux quai numéro 2. Alors que la gare est bercée par des discussions en roumain, sur ce quai, c’est une langue à la tonalité beaucoup plus internationale qui est entendue. De l’espagnol au français en passant par l’anglais et le turc, plus aucun doute, le train en direction d’Istanbul est bien ici.

 

Les derniers retardataires arrivent sur les coups de 13h. Dans la foulée, les portes se ferment, laissant sur le quai un vacarme ambiant et faisant plonger les voyageurs dans un silence profond, que seuls les frottements des rails avec le train brisent. Les heureux élus, présents à bord, vont pouvoir profiter d’une portion de tracé historique : celui de l’Orient Express. De Paris à Constantinople (devenue Istanbul), ce train vous permettait de rejoindre l’autre extrémité européenne en passant par Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest et Bucarest avant d’arriver sur les rives du Bosphore.

 

Premier arrêt à Videle avant un contrôle des passeports en gare de Giurgiu, à la frontière bulgare. Il est autorisé de sortir du train en attendant que les contrôles d’identités soient faits. Certains en profitent pour se dégourdir les jambes quand d’autres s’allument une cigarette, les premières discussions débutent. Après de rapides présentations, le sujet de l’Orient Express arrive rapidement dans toutes les bouches. La première à évoquer le sujet est une Anglaise voyageant avec son fils. Partis de Londres il y a un peu moins d’une semaine, ils ont transité par Paris, Zurich, Innsbruck, Vienne, Budapest, Bucarest et sont en route pour leur décision finale : Istanbul.

 

« Voyager pendant une semaine, c’est vraiment long. Mais l’avantage, c’est qu’en plus d’emprunter un tracé historique, on prend le temps de faire les choses et de les apprécier. Tout va trop vite avec l’avion. » Son fils, resté à l’écart du groupe et faisant grise-mine, semble être plus mitigé sur la question. Un coup de sifflet retentit, tout le monde est invité à regagner ses sièges afin que les autorités bulgares puissent remettre les passeports. Les policiers aussitôt descendus, le train repart de plus belle en direction de la Bulgarie.

 

 

Le wagon pour Istanbul étant en queue de train, aucun obstacle visuel ne peut vous obstruer la vue de ce formidable spectacle. Au moment de quitter la ville de Giurgiu pour rejoindre la gare de Ruse, les voyageurs arrivent sur le pont de l’Amitié. Le train survole alors le Danube, et dans son vacarme, fait envoler des dizaines d’oiseaux qui s’étaient installés sur les rives du fleuve. Pendant de longues secondes, il semble planer au-dessus du Danube avant de s’enfoncer progressivement dans la végétation bulgare.

 

Nouvel arrêt à Ruse pour un autre contrôle d’identité avant de s’arrêter deux heures après dans la ville de Gorna Oryahovitsa. Plongée immédiate dans un nouveau monde. L’alphabet latin disparaît et laisse place à l’alphabet cyrillique. Deux immenses bâtiments cernent la gare, tout deux surplombés d’une inscription en Bulgare. Il est 18h, la gare est vide, et seul le tic-tac des horloges anime ce lieu froid et austère. Certains voyageurs ayant déjà fini leurs provisions, décident de s’aventurer en dehors au sein du village, à la recherche d’un épicier ouvert et qui, surtout, accepte la carte bleue. Choc des cultures.

 

Une fois rassasiés, retour dans le train avant de progressivement rejoindre la frontière turque. Sur les coups de 21h, alors que la nuit commence à tomber, le chef de cabine défile et toque à chaque couchette. « C’est l’heure du thé, il y en a dans ma cabine si vous voulez. » Seules 5 personnes répondent à l’appel, et partagent, une heure durant, le fameux « Turkish Tea ». Le chef de cabine ne parlant pas anglais, un des voyageurs d’origine turque, assure la traduction.

 

Les questions fusent alors sur le mythe de l’Orient Express et l’œuvre d’Agatha Christie. Le chef de Cabine, se faisant appeler Bekir, officie depuis plus de 20 ans sur la portion Bucarest – Istanbul. « Il m’arrive certaines fois de remonter vers l’Europe de l’Ouest, mais je n’ai jamais dépassé l’Allemagne. Lors de mon premier voyage, j’avais très vaguement entendu parler de l’Orient Express, et on m’a harcelé de questions tout au long du voyage (rires). » Depuis, Bekir aborde le sujet directement avec ses invités, et essaye de récolter le plus d’informations possibles.

 

« Est-ce que, comme dans l’œuvre d’Agatha Christie, vous avez déjà entendu ou assisté à une histoire un peu sordide ? » s’interroge la mère de famille anglaise, verre de thé à la main. La réponse de Bekir est négative, mais il révèle avoir une anecdote, plutôt croustillante. « Il y a une dizaine d’années, un voyageur m’a annoncé être un descendant de George Nagelmackers. Je n’avais aucune idée de qui ce monsieur était. En arrivant à Istanbul, j’ai fait quelques recherches, et il s’avère qu’il était le « créateur » de l’Orient Express. Il semblait très étrange et n’avait parlé à personne durant le voyage. J’aurais adoré lui poser un tas de questions. »

 

Un peu après 22h, Bekir invite tout le monde à rejoindre sa couchette, car la frontière avec la Turquie sera passée vers 2h du matin. Tout le monde pense alors qu’un simple contrôle des passeports sera fait au sein même du train. Grossière erreur. Arrivés à Kapikule, les voyageurs sont réveillés avec hâte puis sont amenés au poste-frontière. Quelques questions du douanier, un coup de tampon sur le passeport, et les voilà de nouveau dans le train, prêts à rejoindre Istanbul.

 

6h du matin. La nuit fut courte et le réveil brutal. Les voyageurs sortent un à un de leurs cabines et tous s’accordent sur un point : être bercé dans son sommeil par les vibrations du train est une sensation unique. Bekir passe dans chaque cabine, y récupère la literie, puis quelques minutes après, le train arrive en gare d’Halkali, à une vingtaine de kilomètres d’Istanbul. Après avoir aidé chaque voyageur à descendre ses sacs ou bagages, Bekir les salue une dernière fois. Lui repartira dès ce soir pour faire « Istanbul – Bucarest » et pourra ainsi de nouveau conter aux intéressés, l’histoire d’un train mythique : l’Orient Express. 

Publié le 13 septembre 2017, mis à jour le 21 septembre 2017

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