Alors que le Queensland accueille le Festival mondial de la Science durant tout le mois de mars, lepetitjournal.com est allé à la rencontre de scientifiques français exerçant leur métier en Australie.
Voici le second portrait de la série, celui de Méven Huiban, ingénieur en mécanique des fluides, spécialisé en génie côtier. Nous vous racontons son parcours et son travail dans une entreprise danoise implantée en Australie. Nous l’avons rencontré à Gold Coast où il travaille actuellement.
Un breton voyageur
Breton d’origine, Méven Huiban, 34 ans, a grandi et effectué sa scolarité dans une petite ville située près de Lorient jusqu’au lycée. Puis c’est la prépa au lycée Lesage de Vannes, avant de rejoindre les bancs de MATMECA, l’école d’ingénieurs en modélisation mathématique et mécanique de l’Université Bordeaux 1 - devenue en 2014 l’ENSEIRB-MATMECA.
Dans le cadre de son cursus d’ingénieur, Méven doit effectuer des stages en entreprise. C'est alors qu'il fait part de son attrait pour la Scandinavie à l’une de ses professeurs qui lui donne un contact au Danemark. Il candidate spontanément et décroche ainsi son stage de 2ème année dans un institut d’hydraulique à Copenhague où il restera 4 mois. Nous sommes en 2007, la capitale danoise est encore peu touristique et Méven est séduit par l’ambiance qui y règne ainsi que par le temps estival exceptionnel cette année là.
L’année suivante, il demande ainsi à retourner dans la même entreprise pour effectuer son stage de fin d’études. L’école d’ingénieur, qui souhaite que ses étudiants diversifient leurs expériences, le lui déconseille, mais finit par accepter à une seule condition : qu’il obtienne une promesse d’embauche à l’issue de son stage. Offre acceptée.
Méven sera embauché avant même la fin de son stage et ne rentrera en France que pour soutenir son projet de fin d’études et recevoir son diplôme.
Il travaille désormais dans l’entreprise danoise DHI, qui est un groupe danois implanté à l’international. Une aubaine pour le breton, passionné de voyages. Ainsi, en 2011, il fait un séjour de 9 mois à Singapour où il travaillera sur un gros projet de recherche pour le groupe. Après son retour, on lui proposera déjà d’aller rejoindre le bureau de Perth en Australie, mais il refuse : « J’avais besoin de passer du temps en Europe après mon expérience à Singapour ».
Deux ans plus tard, c’est en France qu’on a besoin de ses compétences. En plus d’être français, il a l’expérience et le profil recherchés pour travailler sur un gros projet géré par la filiale française, située à Nantes. Il accepte pour 6 mois. Il restera finalement 1 an et demi.
« C’était l’occasion pour moi de travailler en France pour la première fois »
En 2016, il rentre au Danemark mais l’envie d’ailleurs le démange sérieusement. Il exprime son désir de mobilité auprès de ses supérieurs et aura plusieurs pistes telles que l’Inde ou la Norvège. C’est finalement le bureau de Gold Coast, en Australie, qui lui offre l’opportunité de venir remplacer un collègue parti en congé sabbatique pendant un an.
« J’ai du donner ma réponse du jour au lendemain. J’ai appelé ma copine pour lui demander si elle était partante pour partir vivre en Australie. Elle a dit oui, et j’ai accepté ! »
Sponsorisé par DHI en Australie, Méven obtient un visa de travail pour l’Australie et arrive à Gold Coast en avril 2018.
Un intérêt pour les sciences et l’environnement
Méven nous explique qu’il a toujours été sensibilisé aux sciences à la maison, avec un père professeur de biologie, et un grand frère en prépa scientifique quand lui, était au collège. Il n’était pas mauvais en maths ni en physique, et s’est dirigé assez naturellement vers une classe préparatoire scientifique maths physique (MP).
« J’ai adoré la prépa. J’aimais bien ce qu’on apprenait, la diversité des matières. Si tu arrives à te détacher des mauvaises notes, tu apprends énormément de choses. »
Après un premier échec au concours d’entrée en école d’ingénieur, la deuxième tentative sera la bonne et Méven a le choix entre plusieurs écoles. Il choisit MATMECA à Bordeaux car il s’agit d’une école relativement généraliste. Il y étudie les maths et la modélisation numérique.
«J’ai aussi choisi Bordeaux car ça représentait pour moi le soleil, la culture gastronomique, la proximité de l’océan et de la Bretagne »
En dernière année d'école d'ingénieur, son intérêt pour l’environnement a guidé son choix de spécialisation. Il nous explique qu’il a choisi la mécanique des fluides car il y trouvait un intérêt pour les applications liées au milieu marin.
Travailler pour protéger le littoral
Depuis qu’il travaille à Gold Coast, Méven arrive au bureau vers 8h comme la plupart de ses collègues australiens. Pour cet ingénieur, une journée type commence par le traitement de ses mails et la vérification des résultats des modèles numériques qu'il a fait ‘tourner’.
En effet, une partie de son travail consiste à développer des modèles numériques qui simulent les conditions de courant et de vagues dans les zones littorales ou les rivières. Ces modèles peuvent être ensuite utilisés pour étudier les phénomènes d’érosion, la qualité de l’eau ou les conditions de navigation.
En fonction des paramètres étudiés et du niveau de détail attendu, ces modèles de calculs sont longs à réaliser et peuvent donc durer ('tourner') de quelques secondes à plusieurs semaines.
Une autre partie de son travail d’ingénieur consiste à répondre aux questions des clients et assurer un support technique à l’équipe commerciale. Les clients de l’entreprise peuvent être des autorités publiques et des organisations gouvernementales (councils, gouvernement local, universités…) mais aussi des industries (ports, centres de traitement et d'approvisionnement, entreprises liées au secteur énergétique, aux infrastructures et au transport, etc.)
Méven est ainsi en charge de piloter pour ces clients la réalisation d’études telles que, par exemple :
- des études d’impact environnemental d’un projet de construction, d’aménagement
- des études pour déterminer les cause de l’érosion d’une plage
- des études pour optimiser le design d’une structure (pont, digue,...) de manière a minimiser son impact sur l’environnement
Un domaine scientifique impacté par le changement climatique
Aujourd’hui, l’évolution de l’informatique permet de réaliser des études de plus en plus détaillées mais beaucoup de phénomènes demeurent inexpliqués. De nombreux travaux de recherche sont en cours à travers le monde. Le sujet est très complexe car il s’agit notamment de comprendre les interactions entre les phénomènes météorologiques, océaniques, et les activités humaines.
Le changement climatique a ainsi un impact sur cette activité d'études car de plus en plus de projets visent à étudier des solutions permettant de se préparer au changement climatique (montée des eaux, fréquence des tempêtes qui ont un effet sur les vagues et le niveau d’eau, augmentation des précipitations, augmentation de la température des océans qui a un effet sur les courants,...).
Travailler à Gold Coast
Le bureau dans lequel Méven travaille est situé à Surfers Paradise, au coeur de la Gold Coast et à 100 mètres de la plage. La zone est ultra touristique, ce qui fait que la vie professionnelle et la vie de bureau y est bien différente de celle que l’on peut avoir dans les grands centres urbains.
« C’est très agréable car il fait hyper beau, ça change du Danemark ! Ca remplit mes attentes en termes de nouveauté et de contraste »
Le bureau de DHI est donc idéalement situé pour aller déjeuner dehors, aller se baigner ou même surfer pendant les pauses, nous raconte Méven. Ses collègues vont régulièrement surfer quand les conditions sont bonnes à la pause de midi ou le matin. Les locaux sont équipés de douches et de vestiaires pour se changer après le sport.
« Moi, je vais au bureau en courant sur la plage »
Gold Coast est aussi le paradis du surf, « Dès que tu parles à un client ou à n’importe qui ici, la première question posée dans la discussion est : ‘est ce que tu as été surfer ce week end ?’ Surtout dans le milieu ds lequel je travaille, les gens sont attachés à la mer. » s’amuse Méven.
Ce qui a aussi surpris le breton, c’est la familiarité des gens dès le premier contact. « Ici, ils s’appellent par leur diminutif (Matt, Tim, Jess,…) dès le premier échange, même avec un client ». Et leur facilité à organiser les réunions dans ou autour d’un café, c’est très fréquent.
Méven note aussi que l’équilibre entre vie perso et vie pro est moins prononcé qu’au Danemark, même si les Australiens ne restent pas très tard au bureau. La principale différence professionnelle réside dans le nombre de jours de congés, qui est moins important en Australie qu’au Danemark ou en France.
Sensé rester un an et demi en Australie, le français envisage désormais de prolonger son séjour. DHI Australie s’est développé et on lui a proposé de rester pour contribuer au développement de son activité. L’entreprise a plusieurs bureaux en Australie, Méven réfléchira sans doute à poursuivre son aventure australienne, pourquoi pas dans un nouvel environnement.