Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Mortalités maternelle et infantile: des progrès à faire en Inde et dans le monde

Une mère et son enfant à ChennaiUne mère et son enfant à Chennai
Rachel Matalon
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 22 mai 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Selon un rapport de l’ONU sur les mortalités maternelle et infantile, l’Inde est le pays qui compte le plus de naissances par an dans le monde mais aussi le plus de décès maternels et infantiles.

 

Réduction des décès maternels et infantiles, un des objectifs de développement durable de l’ONU qui risque de ne pas être atteint en 2030

Les dernières estimations publiées par les différents pays font état de 4,5 millions de décès maternels et infantiles dans le monde : 290 000 décès maternels, 1,9 million d’enfants morts à la naissance et 2,3 millions décès de nouveau-nés. 

L'Afrique subsaharienne et l'Asie centrale et méridionale sont les régions qui connaissent le plus grand nombre de décès. Bien que toutes les régions connaissent des variations concernant le rythme auquel les pays progressent dans leurs efforts pour atteindre les objectifs mondiaux pour 2030. 

En 2020, les 10 pays les plus touchés représentaient 60 % des décès maternels, des enfants morts à la naissance et des décès de nouveau-nés dans le monde, et 51 % des naissances vivantes dans le monde. 

L’Inde est en tête de liste avec 17 % des naissances vivantes dans le monde en 2020 mais aussi 17 % des décès maternels et infantiles.

 

Nombre de décés maternels et infantiles en Inde et dans les 10 pays les plus touchés

 

En Inde, selon les données du dernier National Health Family Survey (5) qui couvre la période 2019 - 2021, des progrès substantiels au niveau national ont été faits pour réduire la mortalité à la naissance ainsi que le taux de mortalité infantile si on compare avec les données nationales de l'enquête précédente (NFHS-4) qui couvrait la période 2015 - 2016 :

 

Mortalité infantile en Inde entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données pour 1000 naissances vivantesZones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Taux de mortalité néonatale (28 premiers jours de vie)18,027,524,929,5
Taux de mortalité infantile (avant le 11ème mois)26,638,435,240,7
Taux de mortalité avant 5 ans31,545,741,949,7

 

Cependant, le différentiel entre les zones urbaines et les zones rurales est très important, particulièrement en ce qui concerne le taux de mortalité avant 5 ans ainsi que les différences entre les États.

 

Par exemple, dans le Jharkhand, un État dont 76 % de la population vit dans les zones rurales (selon le dernier recensement national de 2011), les disparités dans les taux de grossesse avant 18 ans et les taux de mortalité infantile entre villes et campagnes sont extrêmement importantes

 

Mortalité infantile au Jharkhand entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données pour 1000 naissances vivantesZones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Taux de mortalité néonatale (28 premiers jours de vie)17,730,428,233,0
Taux de mortalité infantile (avant le 11ème mois)22,241,137,943,8
Taux de mortalité avant 5 ans27,349,245,454,3

 

Et dans le Tamil Nadu, un État du sud de l’Inde dans lequel le système de santé publique est plus développé, les écarts sont aussi importants entre les villes et les zones rurales mais la moyenne de l’État est bien plus faible que la moyenne nationale pour les taux de mortalité infantile.

 

Mortalité infantile dans le Tamil Nadu entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données pour 1000 naissances vivantesZones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Taux de mortalité néonatale (28 premiers jours de vie)8,516,112,714,0
Taux de mortalité infantile (avant le 11ème mois)14,921,718,620,2
Taux de mortalité avant 5 ans17,326,422,326,8

 

 

Une femme et son enfant coiffé d'un turban en Inde
Anne-Mathilde Thévenin

 

Des investissements dans la santé maternelle et néonatale encore trop faibles

Selon le tout premier rapport de suivi conjoint du plan d'action pour chaque nouveau-né (ENAP) et de la campagne "Ending Preventable Maternal Mortality" (EPMM) de l’ONU, les progrès mondiaux en matière de réduction des décès de femmes enceintes, de mères et de bébés stagnent depuis huit ans en raison de la baisse des investissements dans la santé maternelle et néonatale.

Dans les pays les plus touchés d'Afrique subsaharienne et d'Asie centrale et méridionale, moins de 60 % des femmes bénéficient de quatre contrôles prénataux sur les huit recommandés par l'OMS.

En Inde, selon les données du dernier National Health Family Survey (5) qui couvre la période 2019 - 2021, seulement 58,1 % des femmes enceintes ont bénéficié d’au moins quatre contrôles prénataux, la différence entre les femmes vivant dans les zones urbaines et les zones rurales est aussi importante.

 

Surveillance des femmes enceintes en Inde entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données pour la dernière naissance dans les 5 années précédant l'enquête en %Zones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Mères ayant eu un contrôle prénatal durant le 1er trimestre de la grossesse75,567,970,058,6
Mères ayant eu au moins 4 contrôles prénataux durant la grossesse68,154,258,151,2
Mères ayant eu un contrôle postnatal dans les 2 jours suivant la naissance84,675,478,062,4

 

Les disparités entre les États sont aussi très fortes. Dans le Jharkhand, seulement 38,6 % des femmes ont pu avoir au moins quatre contrôles prénataux (48,5 % en ville et 36,4 % dans les zones rurales alors que dans le Tamil Nadu, 89,9 % des femmes avaient suvi au moins 4 consultations avant la naissance comme le prescrit l’OMS (88,8 % en ville et 90,8 % dans les zones rurales).

 

Le rapport de l’ONU souligne que les déficits de financement et le sous-investissement dans les soins de santé primaires peuvent réduire à néant les perspectives de survie.

Dans  le cadre du programme Integrated Child Development Services (services intégrés de développement de l'enfant) visant à lutter contre la faim et la malnutrition chez les enfants, le gouvernement indien a développé depuis 1975 un programme de centres de santé pour mères et enfants dans les zones rurales, les anganwadi (qui signifie en hindi "abri”). Au 31 mars 2021, 1,387 millions de centres anganwadi et mini-anganwadi étaient opérationnels. Les agents et leurs assistants qui travaillent dans les anganwadis sont généralement des femmes issues de familles pauvres et ils n'ont pas d'emploi permanent assorti de prestations de retraite complètes comme les autres fonctionnaires. Dans le budget 2022 du gouvernement national, le ministère indien des finances avait déclaré que les salaires seraient augmentés pour les travailleurs de ces centres, mais le budget global des anganwadis n’a été que très faiblement augmenté.

 

Parents avec enfants en Inde
Photos Nondini et Anne-Mathilde Thévenin

 

Naissances prématurées, en hausse selon un rapport de l’OMS

Avec 3,2 millions de naissances, l'Inde a enregistré le plus grand nombre de naissances prématurées en 2020, selon le rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé intitulé "Né trop tôt : une décennie d'action contre les naissances prématurées". Publié le 9 mai 2023, ce rapport analyse les naissances prématurées dans le monde et suggère des changements à apporter aux systèmes de santé et aux sociétés pour les éviter.

 

Naissances prématurées dans le monde

 

Les bébés nés vivants avant la fin de la 37e semaine de grossesse sont appelés prématurés. En fonction de l'âge gestationnel, il existe trois catégories de naissances prématurées, telles que définies par l'OMS :

  • très grande prématurité en dessous de 28 semaines
  • grande prématurité de 28 à 32 semaines
  • prématurité modérée à tardive de 32 à 37 semaines

Les naissances prématurées peuvent se produire spontanément ou pour plusieurs raisons médicales, notamment une infection ou d'autres complications de la grossesse qui nécessitent un déclenchement précoce du travail ou une césarienne.

La prématurité est la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. Selon les estimations, environ un million de nouveau-nés mourront de complications liées à la prématurité en 2020.

 

Parmi les facteurs de risque connus dans les naissances prématurées spontanées, on trouve la malnutrition et l’âge de la mère au moment de la grossesse.

 

Anémie en Inde

En Inde selon les données du dernier National Health Family Survey (5) qui couvre la période 2019 - 2021, 52,2 % des femmes enceintes entre 15 et 49 ans sont anémiques (le seuil utilisé par le NHFS est l’hémoglobine inférieure à 11g/dl pour les enfants, 12g/dl pour les femmes enceintes et 13g/dl pour les hommes).

De plus, il semblerait que l'anémie ait augmenté depuis la dernière enquête de la NFHS (NFHS-4 pour la période entre 2015 et 2016).

 

Anémie chez les femmes enceintes et les enfants en Inde entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données en %Zones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Enfants âgés de 6 à 59 mois anémiques64,268,367,158,6
Femmes enceintes entre 15 et 49 ans anémiques45,754,352,250,4
Femmes entre 15 et 49 ans anémiques53,858,557,053,1
Hommes entre 15 et 49 ans anémiques20,427,425,022,7

 

 

Femmes avec leur bébé en Inde
Anne-Mathilde Thèvenin

 

Grossesses précoces en Inde

De même, 6,8 % des femmes entre 15 et 19 ans avaient déjà un enfant ou étaient enceinte au moment de l'enquête NFHS 5. 

Les disparités entre les Etats sont importantes. Dans le Jharkhand, par exemple, le taux est de 9,8 % au total et de 11,2 % dans les zones rurales.

Dans le Tamil Nadu, dans lequel le nombre d’enfants qui terminent le cursus scolaire est plus important, le pourcentage de femmes enceintes avant 19 ans est plus faible particulièrement dans les zones rurales.

 

Grossesses précoces en Inde entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données en %Zones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Femmes entre 15 et 19 ans enceintes ou ayant un enfant au moment de l'enquête de la NFHS en Inde3,87,96,87,9
Femmes entre 15 et 19 ans enceintes ou ayant un enfant au moment de l'enquête de la NFHS au Jharkhand5,211,29,812,0
Femmes entre 15 et 19 ans enceintes ou ayant un enfant au moment de l'enquête de la NFHS dans le Tamil Nadu4,28,26,35,0


 

Limiter la pratique des mariages précoces est une priorité pour l’Inde, et même si le nombre de ces mariages est en diminution, il reste encore élevé dans les Etats à forte population rurale comme le Jharkhand où selon la dernière enquête NFHS-5, 32,2 % des femmes entre 20 et 24 ans se sont mariées avant l'âge légal de 18 ans et 22,7 % des hommes entre 25 et 29 ans se sont mariés avant l’âge légal de 21 ans. Et ces pourcentages sont beaucoup plus faibles dans le Tamil Nadu où seulement 12,8 % des femmes de 20 à 24 ans se sont mariées avant l’âge légal de 18 ans et seulement 4,5 % des hommes se sont mariés avant l’âge légal de 21 ans.

 

Mariages précoces en Inde entre 2019 et 2021
NFHS-5 - Données en %Zones urbainesZones ruralesTotalNFHS-4
Femmes entre 20 et 24 ans qui se sont mariées avant 18 ans en Inde3,87,96,87,9
Hommes entre 25 et 29 ans qui se sont mariées avant 21 ans en Inde3,87,96,87,9
Femmes entre 20 et 24 ans qui se sont mariées avant 18 ans au Jharkhand19,436,132,237,9
Hommes entre 25 et 29 ans qui se sont mariées avant 21 ans au Jharkhand10,226,922,730,5
Femmes entre 20 et 24 ans qui se sont mariées avant 18 ans dans le Tamil Nadu10,415,212,816,3
Hommes entre 25 et 29 ans qui se sont mariées avant 21 ans dans le Tamil Nadu6,03,34,59,0

 

 

 

Le rapport de l'ONU conclut que les défis mondiaux posés par la pandémie de Covid-19, le changement climatique, les conflits et autres situations d'urgence, ainsi que l'augmentation du coût de la vie dans les pays, risquent de ralentir encore les progrès au cours de cette décennie, ce qui justifie une plus grande urgence et des investissements plus importants pour atteindre les objectifs en matière de santé maternelle et néonatale.

 

 

Une mère et son bébé à moto
Rachel Matalon

 

Sujets du moment

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions