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Entretien avec Hélène Kessous, co-commissaire de l’exposition “Bollywood Superstars”

Jusqu’au 14 janvier au musée du quai Branly – Jacques Chirac, l’exposition "Bollywood Superstars, Histoire d’un cinéma indien" retrace plus d’un siècle de cinéma indien, depuis ses sources mythologiques jusqu’aux icônes du “star-system” contemporain. Nous avons eu le plaisir de rencontrer Hélène Kessous, docteure en anthropologie sociale et ethnologie et co-commissaire de l'exposition. Elle nous explique le concept de l’événement, qui met en dialogue œuvres d’arts, objets historiques et projections sur grand écran, et nous parle du cinéma indien passé, présent et à venir.

affiche coupéeaffiche coupée
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 5 décembre 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Lepetitjournal.com : Comment est née l’idée de cette exposition ? Comment avez-vous rejoint le projet ? Combien de temps a demandé sa conception ?

Hélène Kessous : Cette exposition est le fruit d’un partenariat entre le musée du quai Branly Jacques Chirac, le Louvre Abu Dhabi et France Muséums. Le Quai Branly avait déjà fait deux expositions autour du cinéma asiatique, Enfers et Fantômes d’Asie et Ultime combat. Arts martiaux d’Asie, dont Julien Rousseau, responsable de l’unité patrimoniale Asie du musée, était le commissaire. Il a donc été proposé au Quai Branly de travailler sur Bollywood Superstars. 

Ensuite, Julien Rousseau, chargé du projet, a recherché un co-commissaire, quelqu’un qui connaît le cinéma indien, et il s’est adressé à moi en avril 2020. L’idée n’est donc pas venue de Paris, mais d’Abu Dhabi, qui a plus de liens avec l’Inde et Bollywood que la France. L’exposition a d’abord été présentée là-bas en janvier 2023 sous une forme différente, plus petite, et nous l’avons adaptée pour le Quai Branly. 

Y a-t-il eu des difficultés ?

Les prêts d'œuvres sont parfois refusés, si l'œuvre est trop fragile, si elle a été prêtée récemment, ou si elle est réservée pour une autre exposition. Les régisseurs des collections nous préviennent également si l'œuvre peut être prêtée pendant toute la durée de l’exposition, ou si elle doit retourner en réserve et être remplacée par une autre. Il faut prévoir en conséquence.

Comme nous avons commencé à travailler en 2020, la pandémie m’a empêchée de me rendre en Inde pour repérer des œuvres. De plus, il y a une loi en Inde qui fait que les trésors nationaux ne sortent pas facilement du pays et ça complique grandement les échanges et les prêts.

Demander les droits des films a été le plus gros challenge.

Nous avons dû nous passer de certains extraits, car l’utilisation a été refusée ou les droits étaient trop chers. En plus, les droits musicaux sont séparés des droits des films.

le catalogue de l'exposition Bollywood Superstars au Quai Branly
Catalogue de l'exposition

 

Comment vous êtes-vous procurés les oeuvres d’art et documents qui composent l’exposition ? Proviennent-ils de plusieurs endroits dans le monde, d’Inde ?

Nous sommes partis des collections du musée pour construire un parcours qui nous permettait d’explorer la civilisation indienne à travers le cinéma.

Nous avons construit un dialogue entre les œuvres d'art, qu’elles soient précieuses ou de traditions populaires, et le cinéma de patrimoine et le cinéma contemporain. On a par exemple dans les collections du musée des costumes du début du 20e siècle qui sont intéressants à faire découvrir au public, même s’ils ne sont ni rares, ni très anciens. Julien Rousseau a d’ailleurs enrichi ces collections à l’occasion de l’exposition, en acquérant une tunique angrakha, une chaugoshia, et un manteau princier, entièrement couvert de fils et sequins dorés selon la technique persane zardozi. Et on a articulé tout cela avec le cinéma.

photo d'une tenue chaugoshia présentée dans l'exposition Bollywood Superstars
Robe de mariée (chaugoshia). Milieu du 20e siècle. Hyderabad. Musée du quai Branly - Jacques Chirac. Photo Francesca Galloway

 

Après avoir exploré les collections du musée Branly, on a fait l'état des lieux de ce qu'on pouvait obtenir des musées et collections en France. En France, l’Inde n’est pas très représentée, donc on est allé voir les collections anglaises. Dans la version de l’exposition au Louvre Abu Dhabi, nous avons présenté la collection de Priya Paul, constituée de lithographies de Ravi Varma. Nous avions aussi obtenu des prêts de la Ravi Varma Foundation, que nous n’avions pas pour la France.

une lithographie de Ravi Varma dont des oeuvres sont présentées dans l'exposition Bollywood Superstars
Lithographie de Ravi Varma intitulée "Vasantika, Goddess of spring" (vers 1910)

 

Dans l’exposition du Quai Branly, nous avons eu la possibilité de montrer la vitalité de la haute couture indienne, notamment à travers un lehenga sari et un costume d’homme du designer Sabyasachi, et des costumes de la comédie musicale de 2016, "Mughal-e-Azam", signés Manish Malhotra.

Nous avons également pu commander des créations auprès de l’artiste indienne Gitanjali Rao. Elle a réalisé des plaques de lanternes magiques (ndlr : ancêtre du cinéma) qu’on peut voir dans l’exposition, et c’est aussi elle qui a dessiné l’affiche.

plaque de lanterne magique de l'artiste Gitanjali Rao pour l'expo Bollywood Superstars
Krishna Kaliyamardan, peinture sur verre. Plaque de lanterne magique réalisée pour l’exposition par Gitanjali Rao.

 

Quelle est votre partie ou scène préférée dans l'exposition ?

C’est difficile de choisir ! Je dirais que c’est un montage de scènes de danses, qui développe un motif en kaléidoscope. Dans presque tous les films de Sanjay Leela Bhansali, à un moment, dans une chorégraphie de groupe, la caméra prend de la hauteur et filme la scène depuis le ciel, et on voit alors les jupes tourner et former une sorte de kaléidoscope, tout cela combiné aux motifs des sols qui sont souvent extrêmement décorés. Ce montage est également une manière de rendre hommage au motif et effet kaléidoscopique dans une scène de danse de Mughal-e-Azam.

Bande-annonce de la comédie musicale montrant le motif kaléidoscope, à 00:35

 

L'effet kaléidoscopique dans le film de 1960 Mughal-e-Azam, à 5:21


J'avais envie de travailler autour de ce motif chorégraphique qui est incontournable à Bollywood et, dans les collections du musée, nous avons trouvé une tenture de style pichwai, où on voit Krishna et Radha danser en rond, entourés des gopi (vachères) dont les jupes évasées gonflent sous l’effet de la ronde. Nous avons mis ces deux éléments en regard.

C’est intéressant de se demander si c'est un motif inconscient, issu d'une tradition picturale ancienne.

C'était ce qu'on avait envie de travailler dans l'exposition : l'ancrage culturel de Bollywood en dehors du cinéma, et la réutilisation de motifs présents dans les arts indiens depuis des siècles.

Est-ce que vous pouvez nous expliquer le concept de darshan, qui est présenté en préambule de l'exposition ?

Le darshan est l’idée que lorsqu’on est devant une représentation divine ou d'un personnage important, on peut entrer en communion avec elle, c'est-à-dire échanger le regard. On voit le dieu et on est vu par lui. Lorsque le cinéma est apparu, quand les premiers réalisateurs et producteurs ont choisi de faire du cinéma mythologique, les gens avaient en face d'eux Hanuman, Ram, Sita, avec qui ils pouvaient faire l’expérience du darshan.

Le motif du darshan est important car on le retrouve dans la peinture et la sculpture, et ce concept explique pourquoi les yeux sont tellement présents dans les arts indiens.

Pour comprendre l’importance du lien entre les dieux et les images animées, l’un des meilleurs exemples est de parler des séries phares des années 1980, le Ramayana et le Mahabharat. Dans l’exposition, nous présentons des extraits du Mahabharat, on y voit Ganesh, on voit Vishnu se révéler à Arjuna, et d’autres moments iconiques. Pour préparer cette section, nous nous sommes replongés dans les articles de presse de l’époque qui nous rappellent que lorsque ces séries étaient diffusées, les rues indiennes étaient désertes, les gens rentraient chez eux ou se réunissaient devant un écran de télévision, on mettait des guirlandes de fleurs sur le poste, on brûlait de l’encens, et on faisait la puja (prière) avant que ça commence. L’écran devenait un instrument qui permettait de faire l'expérience du darshan avec les dieux représentés. 

Le parcours de l'exposition montre aussi qu’en Inde, ce n’est pas parce qu’un nouveau médium arrive qu’on abandonne les anciens.

Par exemple, il y a une grande tradition, dans certaines régions, de peinture sur rouleaux, et il existe un rouleau qui raconte le Ramayana et qui date des années 2000.

des peintures sur rouleaux au Bengale-Occidental
Vente de peintures sur rouleaux au Bengale-Occidental. Photo Contact Base (WB)

 

 

On voit un renouveau de projets cinématographiques sur le Mahabharata ou qui tournent autour des divinités hindoues, comme les films Raajneeti en 2010, Brahmastra en 2022, ou Ramayana qui va sortir en 2024. Est-ce un retour au premier cinéma ? 

Il y a clairement un retour à l'hindouisation du cinéma. Au début du cinéma, dans les années 20, plus de 70 % des films étaient des films mythologiques. Ces héros mythologiques n’avaient pas disparu, ils avaient simplement changé de forme. Il y a plein de films de Bollywood non mythologiques où, en réalité, c’est Ram et Sita qui sont mis en scène. Les stéréotypes masculins et féminins étaient toujours présents, comme celui du bon fils qui s'exile pour faire plaisir à son père.

Mais ce thème n’a pas forcément une visée politique. Et on est en droit de se demander si le folklore mythologique n’est pas simplement un ingrédient pour faire du cinéma à grand spectacle. Le cinéma américain gagne du terrain en Inde, ce qui n'était pas le cas il y a encore 10 ans. Or, le cinéma américain en ce moment, ce sont des films de super-héros, des Marvel.

Finalement, l'Inde est allée chercher dans son histoire ses héros, ses propres Marvel ! Dans "Brahmastra", le héros se transforme en Hanuman dans des scènes incroyables, ça n’a pas grand-chose à voir avec la mythologie, c’est du Marvel à la sauce "hindouisée" ! 

 

Le public veut des effets spéciaux. C’est sûr, si on fait Dilwale Dulhania Le Jayenge (1995) aujourd’hui, on n’a pas besoin d’effets spéciaux. Les Tamouls le font, quand l’acteur Rajinikanth va voler un bouquet de fleurs dans un supermarché, il y a douze effets spéciaux ! Mais le cinéma hindi ne s’est pas développé de cette manière.

Peut-être que cette réapparition des héros mythologiques est une manière de réutiliser un ancrage culturel commun pour créer un grand spectacle. 

RRR (2022), qui a fait parler de lui jusqu’en France, c’est différent. Le film semble construit sur une justification de l'ordre des castes. Il y a des symboles extrêmement forts, avec Ramaraju et Bheem, lors d’un combat, et pour former un combattant puissant, le premier monte sur les épaules du second. C'est le brahmane (membre de la caste supérieure) qui est en haut et le tribal qui est les pieds. Mais il faut faire la part des choses entre ce qui est "hindouisé", simplement parce que l’Inde a une histoire hindoue et puise sans cesse dans le Mahabharata et le Ramayana, et ce qui serait une volonté politique de ré-hindouisation de la culture et de la société. Brahmastra n’a pas trop marché d’ailleurs, peut-être justement parce que ce n’était qu’une réutilisation des dieux hindous à la sauce Marvel.

Pourquoi y a-t-il (quasiment) toujours de la danse et du chant dans les films indiens ? Pourquoi danse et Bollywood ont-ils fusionné à ce point ?

Certains diront qu’au début, quand l’Inde s’est inspirée de Hollywood, elle a repris le format des comédies musicales.

Mais l'Inde a deux traditions de théâtre qui ont joué un très grand rôle dans la naissance du cinéma et qui contiennent toutes deux des moments chantés et dansés : le théâtre Parsi de Bombay et le théâtre classique.

Nous aussi nous avions une tradition de théâtre chanté, il n’y a qu’a regarder du côté de chez Molière, mais ça a été abandonné. Dans les Ramlila (pièces de théâtre populaire retraçant les exploits du dieu Ram), qui durent des jours et des jours, il y a encore des moments où le public chante et danse avec les acteurs. Ce moment d’échange s'est transmis au cinéma. Je ne crois pas à la simple copie de Hollywood. Le premier film indien parlant, Alam Ara, en 1931, comptait déjà sept chansons, et ensuite il y a eu Indrasabha (1932), qui aurait contenu autour de 70 chansons !

 

La poésie chantée a aussi une grande place en Inde. Dans la culture du nord de l'Inde, il y a les ghazals. Ces pratiques culturelles très ancrées se sont transmises au cinéma. Les chansons des vieux films, c’est de la poésie pure, c’est très beau. C’est un peu moins vrai avec les films récents. Le film de Karan Johar, Rocky Aur Rani Kii Prem Kahaani (2023), m’a bien fait rire, les paroles ne sont pas aussi poétiques que dans d’autres films, mais elles sont drôles, piquantes, avec de l’anglais mêlé au hindi. Ça reste extrêmement travaillé, même si c’est modernisé.

D’ailleurs, il y a tout une industrie de la musique qui repose sur le cinéma…

Oui, cette industrie s’est développée en parallèle, avec les chansons qui sortent avant le film. Quand on va au cinéma, on connaît déjà tout par coeur ! Lors de mon premier voyage en Inde, je me déplaçais au Rajasthan avec un chauffeur qui avait une seule cassette dans l’autoradio. Donc pendant une semaine ou dix jours, on a écouté la même cassette toute la journée ! Quelques années plus tard, je suis allée voir un film indien projeté à Paris. J'ai reconnu la musique tout de suite !

Le chauffeur avait passé en boucle les chansons du film "Kabhi Khushi Kabhie Gham…" ! Au cinéma, je connaissais déjà toutes les chansons, je savais exactement ce qui allait venir et j’attendais la chanson suivante… Ça crée un lien avec le film qui est vraiment différent.

 

Je pense qu’il y a un goût pour la poésie qui n’existe pas, ou plus, chez nous, et qui vit dans les chansons. En faisant un peu un grand écart, je pense à la tradition des militants politiques qui chantent leurs discours. Tout se fait en chanson en Inde.

Y a-t-il de la place pour le cinéma indien indépendant, d’auteur ? Comment se démarque-t-il des grosses productions ?

Il y a eu de très belles années pour le cinéma d'auteur, où on a tous cru que ça allait prendre. De 2012 à 2016-2017, beaucoup de films ont été distribués et projetés dans des festivals internationaux. C’était un petit frémissement. Il y a eu Miss Lovely à Cannes, il y a eu Titli, Peddlers de Vasan Bala, et d’autres encore.

Mais qu’est-ce que le cinéma indépendant ? Titli, c’est du cinéma d’auteur, parce que ça traite de sujets de société, mais il est financé par Yash Raj Films, un gros producteur indien ! On ne peut pas appliquer ce critère budgétaire à l’Inde. Quand on dit cinéma d'auteur ou cinéma indépendant, on fait référence à une esthétique cinématographique plutôt qu'à un mode de production précis. Nos catégories occidentales ne s’appliquent pas.

Aujourd’hui la concurrence est énorme, et pour qu'on puisse voir des films d'auteurs/indépendants en salle en France, il faudrait sûrement que les grands festivals en programment plus.

En 2017, lors de la traditionnelle conférence de presse du festival de Cannes, un journaliste indien a demandé à Thierry Frémaux, le délégué général du festival, pourquoi il n’y avait pas de film indien sélectionné. Thierry Frémaux a répondu avec ironie “Ah bon, on n’a pas de films indiens ?”, la salle était hilare, et il a terminé par “Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, que l’Inde est un grand pays de cinéma ?”.

En France, on considère parfois que le cinéma indien n’est pas un cinéma abouti, que ce soit le cinéma populaire, ou le cinéma d’auteur/indépendant, qui ne trouve pas le grand remplaçant de Satyajit Ray. Les réalisateurs indiens ont l'impression de devoir faire des films qui ressemblent à des films occidentaux pour pouvoir être sélectionnés.

Le cinéma d'auteur semble devoir se poser en opposition directe à Bollywood pour pouvoir être considéré de qualité. Comme si tout ce qu’il fallait, c’est être autre chose que Bollywood.

Sauf qu’un film comme Udta Punjab (2016) aurait mérité une exposition internationale. Il traite de sujets de société importants, et pourtant c'est Bollywood. En même temps si les jeunes réalisateurs veulent faire autre chose que Bollywood, ils ont bien le droit, évidemment.

Il ne faut pas s'enfermer dans un genre, mais je pense que cela serait dommage de renier totalement cette tradition cinématographique. 

Ce vivier de créateurs montants des années 2000 s’est déplacé vers les plateformes, où ils signent de très bons films et séries. On peut citer Alankrita Shrivastava, ou Nilesh Maniyar, qui a participé au scénario de Margarita with a Straw avec Kalki Koechlin. Ils ont tous les deux été scénaristes pour la version indienne de la série Modern Love, sur Netflix.

Pendant la période de Covid on a vu une explosion des plateformes en Inde, les cinémas étant fermés. Est-ce que ça va changer durablement la production audiovisuelle en Inde ?

Le Covid est arrivé au bon moment, si je peux dire, parce que quelques années plus tôt, vers 2015-2016, les plateformes avaient mis beaucoup d'argent dans la création de contenus indiens. Si on veut s'implanter en Inde, il faut proposer du contenu indien. On ne peut pas arriver juste avec son catalogue de Disney ou ses programmes américains Netflix, cela ne fonctionne pas. Donc Amazon, Netflix et Disney se sont livrés une bataille de production de contenu et il se trouve que, le temps que les projets soient tournés et montés, ils sont arrivés sur les plateformes à peu près au moment où la pandémie s’est déclarée.

Les plateformes ont pu inonder le public de "contenu indien". Ça s’est même ressenti jusque chez nous, et en plus de ces nouvelles productions il y a eu plein de films indiens qui sont arrivés sur Netflix France et Amazon France, ce qui était inexistant trois ans auparavant. Le public français a pu découvrir Shah Rukh Khan ! Donc il y a eu un concours de circonstances, parce que si ces plateformes n'avaient pas produit de "contenu indien", à l’arrivée du Covid, peut-être que le public serait resté sur les plateformes locales, comme Zee ou Eros. 

Et maintenant, la reprise dans les salles se confirme avec JawanPathaan

Et quelles évolutions peut-on prévoir ou attendre du cinéma indien ?

Je crois qu'on vit un tournant du cinéma indien, ou plutôt des cinémas indiens. On observe cette montée des cinémas du sud vers le nord, on verra si c’est un effet de mode. On n’observe pas une descente des cinémas du nord vers le sud par contre. Ce sont toujours les films du sud qui marchent mieux au sud. On peut se demander aussi si l’ouverture qu'il y a eu avant le Covid pour les films un peu plus "d'auteur" va reprendre ou pas. Je n’ai pas l’impression. Avant, on disait que les cinémas multiplexes permettaient de diversifier les films, avec des séances pour des films un peu moins gros que les blockbusters. Franchement, je ne sais pas si ça marche. On observe aussi que dans la production, il n’y a plus que des super productions très chères.

Par exemple, le film Piku (2015), avec, quand même, Amitabh Bachchan, Deepika Padukon et Irrfan Khan, n'avait pas coûté très cher et avait rapporté énormément d'argent, ça avait été un succès un peu inattendu. Les observateurs disent que ce type de films s’est déplacé vers les plateformes, et ne sort plus au cinéma. il y a encore moins d'ouverture qu'avant finalement.

Avec le cinéma américain qui est entré dans la compétition dans les salles indiennes, l’industrie indienne semble se dire qu’elle est obligée de faire du "super méga blockbuster" à chaque fois.

Les films de Dibakar Banerjee par exemple, n’auraient plus de place aujourd’hui.

affiche du film Piku à propos de l'expo Bollywood Superstars

 

L’exposition va-t-elle continuer à voyager ?

Ce serait bien qu’elle voyage. Le processus peut prendre quelques années, car les musées ont des programmations préparées au minimum 2-3 ans à l'avance. En ce qui concerne Bollywood Superstars, le challenge pour les itinérances, ce n’est pas tant les œuvres d’art, c’est de renégocier les droits des films.

 

Un grand merci à Hélène Kessous. Ne manquez pas la parution vendredi de la seconde partie de cette interview, où vous découvrirez le parcours d'Hélène Kessous et ses travaux sur l'Inde.

Exposition Bollywood Superstars, Histoire d’un cinéma indien jusqu’au 14 janvier 2024 au musée du quai Branly – Jacques Chirac. 

Horaires et réservations : Quai Branly

lepetitjournal.com bombay
Publié le 6 décembre 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

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