Depuis quelques temps, la lumière se fait sur un phénomène jusqu’à présent peu médiatisé en Birmanie: le harcèlement sexuel. Des femmes – encore trop peu nombreuses certes – commencent à prendre la parole et à témoigner des violences qu’elles ont pu subir. Des organisations se forment également afin d’informer sur ce sujet encore sensible et apporter des éléments pour permettre aux femmes de se défendre : le Myanmar’s Women Self Defense Center est l’une d’entre elles.
A priori, cette association propose des cours d’auto-défense. La fondatrice du centre, Evelyn Yu Yu Swe, a une expérience dans les sports de combat, tous comme les autres membres. Mais sur la vingtaine d’heures que compte la formation, seule la moitié est consacrée à la pratique de la défense face à un potentiel agresseur. La partie la plus importante est en effet de faire prendre conscience du problème aux participantes. Evelyn assure que “certaines femmes arrivent en pensant ne jamais avoir été harcelées. Lorsqu’on leur explique où commence le harcèlement, elles commencent à se rendre compte qu’en fait si.” Il s’agit donc d’éducation, de familiarisation aux termes de sexisme, de féminisme. Le centre veut amener les femmes à parler, à prendre l’initiative de demander de l’aide en cas d’agression, de porter plainte. Il veut montrer que ce n’est pas normal de se faire harceler et encore moins de garder le silence.
Plus de 600 femmes ont déjà été formées depuis la création du centre il y a deux ans. Actuellement, il est en pause : l’équipe, après s’être agrandie, s’est à nouveau réduite. "C’est éprouvant pour nous aussi, d’entendre toutes ces histoires et d’avoir le sentiment de ne pas pouvoir faire assez" raconte Evelyn. Le centre distribue pourtant également des sprays au poivre : plus de 1 200 ont déjà été donnés. Ils ne sont pas spécialement donnés pour être utilisés, même s’ils restent une arme, ils donnent confiance aux femmes et les rassurent en leur offrant la possibilité de se défendre rapidement en cas d’agression.
La formation, en langue birmane, est principalement orientée vers les femmes birmanes, qui ont moins conscience du harcèlement que les femmes expatriées. Le problème reste cependant inhérent : celles qui s’inscrivent ont déjà connaissance du sujet, savent que la problématique existe et s’y intéressent. Cela prouve qu’il y a une ouverture d’esprit et une exposition à une sphère médiatique critique qui n’est pas évidente pour toute la population. Elles viennent toutes de Yangon et disposent de leur temps de manière suffisamment libre pour participer à la formation. Toucher les femmes vivant dans des zones rurales est bien plus compliqué. Si l’usage d’internet et des téléphones portables – et donc l’accès à l’information – se popularisent, ce sont majoritairement les hommes qui en jouissent, sans forcément le partager avec les femmes de leur foyer. Les atteindre s’avère donc compliqué. Il faut aller les voir sur place. Evelyn explique que lors d’un sondage sur les violences faites aux femmes, réalisé à travers le pays et dans différentes classes sociales, il est ressorti que la moitié d’entre elles a déjà fait l’expérience de violences dans le cadre conjugal. Le mot d’ordre #AskforZarni se propage également. Si vous vous trouvez dans une situation inconfortable dans un bar, demandez à la personne derrière le comptoir à voir Zarni : elle comprendra et vous aidera. L’association Strong Flowers, qui propose des services d’éducation à la sexualité, s’est chargée de former les employés de bars, en commençant par le 7th Joint, aux réactions à adopter face à des cas de harcèlement sexuel. L’initiative n’en est qu’à ses débuts mais espère se diffuser rapidement en convainquant d’autres gérants de bars.
Le chemin est cependant encore long avant que les mentalités n’évoluent et offrent la même place dans l’espace tant public que privé aux hommes et aux femmes.