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Le brahmanisme à l’époque ancienne en Birmanie

Brahmanisme en Birmanie - TrimurtiBrahmanisme en Birmanie - Trimurti
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 4 septembre 2019, mis à jour le 4 septembre 2019

La Birmanie est le seul pays d’Asie du Sud-Est qui a une frontière commune de quelques 1600 km avec l’Inde et 200 km avec le Bangladesh. Le Brahmanisme a pénétré le pays suivant ces antiques voies commerciales, terrestre et maritime.

Issu du Védisme, le Brahmanisme est l’une des plus anciennes religions en Inde. Cette croyance, qui a laissé des textes sacrés en sanskrit (les Vedas), est à la recherche de l’Absolu, but ultime de la recherche humaine. La principale caractéristique du Brahmanisme est la figuration de Trimurti. Il s’agit d’illustrer les trois aspects qui font l’unité d’une divinité. Brahmâ est le créateur. Vishnu, le protecteur ou le préservateur, soutient l’harmonie du monde crée par Brahmâ. Shiva, le destructeur, la divinité la plus dynamique, c’est celui qui transforme le monde. Ces trois divinités, et bien d’autres, ont été vénérées en Birmanie depuis l’époque la plus ancienne. Le Brahmanisme constitue, avec le culte des génies, l’une des plus anciennes religions de la Birmanie. Il s’y est épanoui du Ier au XIVème siècle.

Comme tous les pays de l’Asie du Sud-Est, la Birmanie est un pays indianisé par la religion brahmanique et la culture. Les vestiges découverts dans le pays démontrent que, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, Brahmanisme et Bouddhisme coexistaient pacifiquement, dans tous les grands sites archéologiques. Vesali et Mrauk Oo en Arakan, Hmawza dans le delta de l’Irrawaddy, Beikthano, Halin et Pagan en Birmanie Centrale et enfin, sur la côte du Tenasserim, Thaton, Martaban, Dawei (Tavoy) et Myeik/Tenasserim qui contrôlent les voies d’accès vers les ports de la mer de Chine.

L’Etat arakanais est traditionnellement en contact avec le Bengale dont il n’est séparé que par la rivière Naaf. Cet Etat, une position stratégique, est occupé par des populations d’ascendance dravidienne de culture brahmanique (avant de devenir en majorité musulmanes à partir du VIIIème siècle). De ce fait les contacts avec la civilisation indienne sont très anciens et le brahmanisme a pu y prospérer. Les premiers vestiges datent des premiers siècles de l’ère chrétienne à Vesali.

Vesali, ancien port commercial, fut la capitale de la dynastie Candra qui, si l’on en croit les inscriptions (stèles, sceaux et piliers), a régné du IVème au XI ème siècle après JC. Quelques sculptures en grès rose représentant les divinités comme Vishnu, Durga ou Surya ainsi que de nombreuses pièces en argent ont été découvertes à Vesali. Ces dernières illustrent des symboles tels que le srivatsa (un des plus anciens motifs symbolisant la fertilité et la prospérité qui existe depuis le IIIème siècle avant JC en Inde), le taureau Nandi (la monture de Shiva) et la conque (un des attributs de Vishnou) démontrent l’existence des cultes de Shiva et Vishnou en Arakan.

Mrauk-Oo fut plus tardivement la capitale du XIVème au XVIII ème siècle de la dynastie Candra. Des pièces de monnaies bengalies et des stèles comportant des scènes brahmaniques se trouvent dans de nombreux temples à Mrauk-Oo. Le temple Mahamouni contient une stèle du roi serpent « Nagaraja » qui témoigne que le culte du Naga était encore en vogue à l’époque. A l’entrée se trouvent les dieux gardiens de l’Univers (Lokapala) tenant une massue. Ces Lokapalas (gardiens de portes de tous les temples Birmans), issus de la tradition brahmanique, ont été adoptés par le Bouddhisme. Le temple Shittaung possède de nombreuses scènes brahmaniques, telle que Indra (divinité de l’orage et de la pluie tenant son attribut, le foudre « vajra », assis sur sa monture, l’éléphant à trois têtes « Airavata » qui appartient à cette même tradition).

Au centre de la Birmanie, Beikthano fut occupée par les Pyu (peuple proto-birman) du Ier au Vème siècles après JC. Pour les Birmans, Beikthano est connu sous le nom Visnupura « la cité de Vishnou ». Là encore, les fouilles ont mis à jour des vestiges brahmaniques tels qu’un sceau en terre cuite avec des lettres en Brahmi (datées du IIème siècle), des pièces de monnaies gravées de motifs comme le trident (un des attributs du dieu Vishnou).

Connu sous le nom birman de Hmawza (Prome ou Pyé actuel), Sri Ksetra est une autre cité ancienne où vivaient les Pyu. Selon la légende, Vishnou aurait été un des bâtisseurs de Sri Ksetra. D’après une inscription relevée sur une urne funéraire, la ville fut dominée par les rois de la dynastie indienne « Vikrama » du VIème au VIIIème siècles. Prome se trouve à la tête du delta de l’Irrawaddy et le fleuve représentait le seul moyen pour accéder au centre du pays et y commercer. On présume que c’est sous cette dynastie que le Brahmanisme a pu se répandre en Birmanie centrale. Le musée de Hmawza possède une importante collection de statues brahmaniques et bouddhiques. On y trouve notamment plusieurs représentations de Vishnou dans ses avatars (Narasimha, Varâha, Krisna), de nombreuses sculptures de Ganesh et Brahmâ.

Toutes les côtes ouvertes sur l’océan indien étaient les vieilles routes commerciales avec l’Inde (Bengale, Orissa, Andhra Pradesh, Tamil Nadu même jusqu’à Ceylan). Thaton, capitale des Môns, fut conquise par le roi birman Anawratha au XIème siècle. Connue sous le nom de Rammanadesa (le pays des Talaings - les Môns), elle commerçait principalement avec l’Inde du Sud-Est (Kancipuram et Mallaballipuram) et les dynasties Pallavas et Cholas. On a trouvé des sculptures en haut reliefs représentant l’un des avatars de Vishnu couché sur le serpent « Ananta sayya » et Shiva. Ces stèles datant de la fin du IXème siècle sont actuellement au musée de Yangon. On a trouvé également les images des dieux Vishnou, Ganesh, Hanuman et Brahmâ dans le Tenasserim près de Myeik.

Le premier empire Birman (1044 –1287) correspond à la période pendant laquelle les rois ont développé le commerce de leur capitale avec le monde indien, au nord par la voie terrestre et au sud par la voie maritime et fluviale. De nombreux immigrants sont arrivés de l’Inde et de Ceylan. Les chroniques birmanes mentionnent les divinités brahmaniques telles que Vishnou, Indra, Nâga, Garuda et Ganesh. Une stèle de 1102, gravée à l’initiative du roi Kyanzittha, décrit les rituels observés par les brahmanes attachés à la cour royale. Les rois birmans faisaient alors appel aux prêtres brahmanes pour participer aux cérémonies bouddhiques par exemple pour la consécration d’un lieu avant la fondation d’un temple, pour inaugurer les monuments ou encore dans leur vie sociale mais sans pour autant faire appel aux divinités brahmaniques dans les cérémonies. A Bagan, on relève l’existence d’un temple brahmanique avec des représentations de la trinité brahmanique, et de plusieurs autres temples fortement influencés par le Brahmanisme.

Nat Hlaung Kyaung signifie « monastère abritant des génies ». C’est le seul temple purement brahmanique de Pagan. Selon l’inscription de Shwezigon, Kyanzittha, était une réincarnation de Vishnou. Les chroniques mentionnent plusieurs rois qui auraient plus ou moins pratiqué le brahmanisme bien qu’ils soient bouddhistes. Les brahmanes de Bagan avaient besoin d’un lieu de culte pour eux-mêmes. Anawratha leur aurait donné la permission de construire un temple hindou dans la cité. A l’intérieur aux quatre points cardinaux abritent les images de Vishnou. Sur les murs extérieurs du temple, des niches illustrent les dix avatars de Vishnou.

Le temple Kubyaukkyi du village de Myinkaba est marqué par une forte influence de l’Inde Sud. L’entrée d’une cella est encadrée par Skanda, dieu de la guerre, munis de six bras tenant ses attributs montrant aux fidèles comme une divinité protectrice du Bouddha. Ce temple se trouve au lieu de débarquement où les équipages indiens arrivaient à Bagan avec leurs cargaisons.

Le temple Nanpéya « Palais du roi » aurait été la résidence du roi Manuha, capturé par le roi Anawratha. Certains archéologues pensent qu’il s’agit d’un temple brahmanique. Les huit faces internes de quatre piliers en grès, sont sculptés en bas-relief, Brahma à trois visages, assis en pose royale sur un socle de lotus. Il s’agit d’une représentation unique dans l’iconographie brahmanique de Birmanie.

Le temple Abeyadana, construit par le roi Kyanzittha, est dédié à son épouse qui était originaire du Bengale. Les peintures murales illustrent plusieurs dieux brahmaniques : Siva monté sur sa monture Nandi, le taureau ou debout muni de six bras tenant ses attributs trident, massue, disque, chapelet ou lotus ; Vishnou tenant la conque et le disque, et chevauchant sa monture (Garuda) ; Brahma assis sur sa monture (Hamsa) et Devi (épouse de Shiva) sur sa monture (le lion) avec ses attributs (lotus et trident).

La Pagode Shwézigon - Un pavillon de la pagode abrite une sculpture d’Indra, en bois doré, haut de 2,65m (datée fin XIème siècle). Indra, dieu de l’orage et grand organisateur du ciel, lié au vent et au souffle des tempêtes. Selon la tradition, le culte d’Indra fut probablement introduit en Birmanie sous le règne du roi Anawratha (1044-1077). Le dieu aurait participé à la construction des monuments et il aurait apporté son aide aux rois de Bagan. Dans le contexte birman, Indra est considéré comme le roi des génies des Trente-Sept Nats du panthéon birman. Appelé Thagya Min (le Seigneur qui sait et entend tout) il est génie de l’eau et des récoltes. Très vénéré en Birmanie, Thagya Min vient chaque année sur terre pour participer aux cérémonies qui marquent la nouvelle année birmane Thingyan ou « Fête de l’Eau » vers la mi-avril.

Le brahmanisme a joué un rôle moins significatif en Birmanie que dans les pays voisins (Champa, Khmer, Siam ou Indonésie). La Birmanie a cependant toujours entretenu des relations étroites avec Ceylan (Sri Lanka) qui a toujours prôné un bouddhisme Theravâda orthodoxe. Ces échanges permanents ont beaucoup influencé l’évolution du Bouddhisme birman. Le Theravâda, ne reconnaît ni un panthéon des dieux ni l’adoration des divinités. Dans ces conditions on comprend que le Brahmanisme, bien qu’il ait toujours vécu en bonne intelligence avec le Bouddhisme qui l’a supplanté, n’ait pas touché en profondeur le cœur des Birmans qui sont restés bouddhistes.

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Publié le 4 septembre 2019, mis à jour le 4 septembre 2019

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