Le Sida est toujours bien présent en Birmanie, même si le nombre de transmissions a baissé grâce à des politiques ciblées, notamment sur la transmission mère-enfant, et grâce à l’action de plusieurs organisations non-gouvernementales, comme la Croix-Rouge internationale. C’est ainsi que le nombre de nouveaux cas a diminué de moitié en 18 ans, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui compare la situation de la Birmanie vis-à-vis du Sida à partir de données collectées en 2000 puis en 2018, et rendu public ce mois-ci par le ministère de la Santé et des Sports.
En 2000, la transmission du VIH avait atteint un triste record de 29 000 cas, pour se situer à 11 000 personnes en 2018, d’après l’agence des Nations-Unies de lutte contre le Sida, Onusida. Selon l’OMS, la Birmanie se range quatrième des onze pays couverts par son bureau de la région du sud-est asiatique, derrière l’Inde, l’Indonésie et la Thaïlande pour le nombre de personnes vivant avec le VIH (la prévalence), mais elle devient deuxième, derrière la Thaïlande encore, lorsque l’on considère le pourcentage de la population adulte (15-49 ans) atteint du virus, autour de 0,8% là où le voisin du sud culmine à 1,1 %. Pour la Birmanie, il s’agit quand même d’environ 240 000 personnes qui vivent porteuses du virus, et de 7 800 décès annuels dus au Sida.
« Les groupes à risque habituel de cette maladie dans le monde sont aussi ceux qui sont le plus frappés en Birmanie : utilisateurs de drogues par injection, hommes homosexuels, prisonniers, immigrés internes et externes, prostituées », constate un officiel qui travaille sur les programmes de prévention et d’élimination du Sida. L’Onusida confirme ces tendances avec des chiffres de prévalence de l’ordre de 28% parmi les drogués par injection, et tournant autour de 6% lorsqu’il s’agit des homosexuels, des prisonniers ou des prostituées.
Selon divers rapports, le fort taux d’infection chez les drogués s’explique en partie par l’absence de programmes généralisés d’échange de seringue ou de distribution de seringue à usage unique – même s’il existe de telles initiatives - et par le nombre limité de centres de traitement par la méthadone, 51 à la fin de 2017. Les limites financières expliquant pour l’essentiel que ces stratégies éprouvées de lutte ne soient pas plus développées.
Mais la principale raison de la prévalence du VIH chez les drogués, toujours selon ces rapports officiels, est la production et la consommation locale de drogue, notamment dans le nord et le nord-est du pays. Les chiffres montrent qu’en effet les états de Kachin et de Shan sont particulièrement atteints, qui cumulent la production de drogue et de grands nombres de migrants internes.
C’est là un des signaux qui inquiètent le ministère de la Santé et des Sports : les taux de prévalence sont les plus forts à Yangon, la grande ville du pays - cela s’analyse et se comprend assez aisément - mais aussi dans la région de Sagaing et dans les états de Kachin et de Shan. Les autorités ont donc décidé de cibler ces quatre lieux avec « des programmes plus spécifiques, qui viennent s’ajouter à ceux déjà existants qui seront réalisées dans une centaine de circonscriptions » sur les 330 que le pays compte, explique le Dr Tun Nyunt Oo, responsable du programme national de lutte contre le Sida.
Qui pointe aussi que l’ignorance généralisée des éléments de base de physiologie humaine au sein de la population est une autre des causes qui rendent la lutte contre le Sida si laborieuse en Birmanie. La sexualité est un sujet tabou et l’information sur les risques de transmission de maladies sexuellement transmissibles reste faible. « Dans la centaine de circonscriptions concernées, nous allons mettre l’accent sur la prévention au sein des populations homosexuelles et de prostituées » poursuit Tun Nyunt Oo.
Sur le plan des soins, le pays a reçu de l’aide du Fonds monétaire international et de plusieurs ONG d’assistance médicale qui lui ont permis ces dernières années de faire passer le nombre de personnes soignées par thérapie antirétrovirale, le traitement le plus efficace aujourd’hui, de 40 000 en 2011 à 170 000 en 2019, soit un peu plus de 70% des malades traités. Et des programmes de prévention de la transmission mère/enfant ont permis également de réduire les cas de transmission.