Le gouvernement civil de Birmanie a fait hier un premier pas vers le dialogue en acceptant une rencontre avec Aung San Suu Kyi, sous l'impulsion des Etats-Unis. Ce geste, salué par la communauté internationale, n'est pour certains observateurs qu'un symbole utilisé par les dirigeants birmans pour séduire le reste du monde qui demande des progrès significatifs vers la démocratie
L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a rencontré pour la première fois lundi un ministre du nouveau gouvernement "civil", un événement salué par les observateurs qui doutent malgré tout qu'il réponde aux demandes de mesures concrètes de la communauté internationale.
Un premier dialogue sous influence américaine
La lauréate du prix Nobel de la paix, qui s'était dite prête à dialoguer avec le régime dès sa libération en novembre, s'entretenait à Rangoun en début d'après-midi avec Aung Kyi, ministre du Travail, selon un responsable birman. Leur précédente rencontre remonte à début 2010, lorsque la dissidente était en résidence surveillée. Le ministre était alors déjà chargé des relations entre elle et la junte, qui a depuis transféré son pouvoir à des institutions "civiles" sous contrôle des militaires.
Cet entretien est intervenu quelques jours après des déclarations de la secrétaire d'Etat américaine appelant le gouvernement à choisir sa voie. "Les autorités de Naypyidaw peuvent se différencier du régime militaire précédent, en montrant qu'elles sont en effet un nouveau gouvernement civil, qui est sensible aux aspirations démocratiques et aux intérêts du peuple (...)", avait déclaré Hillary Clinton, appelant à un "dialogue significatif" avec l'opposition, notamment avec Mme Suu Kyi.
La forme plus importante que le fond ?
Mais si la rencontre a été saluée par principe par les observateurs, le scepticisme prévalait concernant sa portée politique alors que l'opposante, dont le parti n'a pas participé aux élections décriées de novembre, reste isolée sur la scène birmane. L'événement "revêt un grand symbolisme", selon Pavin Chachavalpongpun, de l'Institut des études sur l'Asie du Sud-Est à Singapour. Mais "ce qui sera important sera le fond de la rencontre", a-t-il souligné, notant que la date de cette réunion n'était pas anodine alors que la Birmanie tente de convaincre ses partenaires de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) de lui confier la présidence tournante du groupe régional en 2014.
Renaud Egreteau, spécialiste de la Birmanie à l'université de Hong Kong, a lui aussi évoqué l'aspect diplomatique de la rencontre dans l'agenda des militaires. "Si (le ministre) reprend ses conversations avec elle, c'est que le régime souhaite obtenir quelque chose de la communauté internationale, notamment des Etats-Unis et de l'Union européenne, pourquoi pas de l'Inde où (le président) Thein Sein va bientôt se rendre".
Naypyidaw réclame notamment la levée des sanctions économiques américaines et européennes. Mais Washington et Bruxelles, qui ont récemment renouvelé ces mesures, veulent obtenir auparavant plus de réformes profondes.
Le futur politique incertain de Suu Kyi
Les mois à venir en la matière seront essentiels. Mme Suu Kyi, libérée après sept années de résidence surveillée au lendemain des élections de novembre, a effectué début juillet son premier déplacement privé en dehors de Rangoun, à Bagan (centre), où elle a attiré des admirateurs émus. Dans le même temps, le régime, par l'intermédiaire du quotidien New Light of Myanmar, l'a avertie que son projet de tournée politique en province risquait d'entraîner "le chaos et des émeutes". Une mise en garde vue par les analystes comme un signe que le régime ne la laissera pas reprendre des activités politiques. "Je ne pense pas que la Dame soit revenue dans le jeu ces dernières semaines. Elle court plutôt après", a estimé Renaud Egreteau. Le scrutin de novembre, le premier en vingt ans, a permis à la junte du généralissime Than Shwe de convoquer un parlement, avant de s'auto-dissoudre et de passer la main fin mars à un gouvernement dit "civil" mais entièrement contrôlé par les militaires. Nul ne sait si Than Shwe, qui déteste Suu Kyi, n'est pas demeuré dans l'ombre. Et le nouveau président n'est autre que le Premier ministre sortant et ex-général Thein Sein.
(http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html avec AFP) mardi 26 juillet 2011
{loadposition 728-2_bangkok-article}






































