Si la guerre franco-prussienne ou encore la guerre 14-18 sont connues de tous, un autre affrontement franco-allemand pourtant décisif pour l’humanité l’est beaucoup moins : Koch vs Pasteur.
Une rivalité féconde
Les relations entre Louis Pasteur et l’Allemagne avaient bien commencé jusqu’à ce que la Prusse écrase la France en 1871, le courant est alors définitivement coupé. S’ajoute à cela l’arrivée dans le paysage scientifique dans les années 70 d’un petit nouveau, Robert Koch. Pasteur ne voit pas cela d’un très bon œil, surtout lorsque Koch présente ses travaux sans le citer alors qu’il utilise certaines de ses recherches. Commence alors un duel de publications scientifiques. Si l’on regarde les parcours de Koch et Pasteur, on comprend bien qu’ils ont été en concurrence. C’est un face à face qui aura été très utile car ils se sont surpassés, toujours en quête de nouveautés. Il faut quand même souligner que les deux hommes sont les principaux acteurs de la découverte des bactéries à l’origine des maladies. Ce sont deux pionniers importants pour la médecine car l’un a mis au point une technique pour identifier les bactéries des maladies infectieuses, l’autre des vaccins pour guérir ces maladies. Cette rivalité aura donc été bénéfique pour l’humanité car sans cette lutte incessante, Koch et Pasteur n’auraient peut être pas poussé leurs recherches aussi loin.
Revenons sur le parcours exceptionnel de ces deux hommes dont l’affrontement sur la scène scientifique ne s’arrête pas à une simple rivalité.
Koch, un bactériologiste déterminé
Médecin allemand, Robert Koch est né en 1843. En plus des consultations qu’il effectue, il mène des recherches scientifiques en bactériologie. Ce qui l’intéresse, c’est trouver la cause des maladies mortelles. Il se fait alors connaître dans les années 70, lorsqu’il réussit à isoler et identifier la bactérie de l’anthrax, maladie infectieuse chez les souris. Il prouve alors que les maladies infectieuses sont provoquées par des micro-organismes précis, les bactéries. Il s’attaque ensuite à la maladie du charbon, qui décimait à l’époque les troupeaux. Nouvelle réussite, il identifie la bactérie responsable de la maladie. Devenant de plus en plus connu, il rejoint l’Office Impérial de Santé de Berlin en 1880. Il peut poursuivre ses recherches dans de meilleures conditions. Il développe alors des méthodes toujours plus novatrices pour identifier différentes bactéries. C’est ainsi qu’en 1882, il annonce officiellement qu’il a identifié le bacille (bactérie en forme de bâtonnet), responsable de la tuberculose. Cette bactérie fut baptisée « bacille de Koch ». C’est une avancée majeure dans la lutte contre cette maladie très meurtrière. Il échoua néanmoins sur un point, la tuberculine, remède mis au point contre la tuberculose qui se révèlera inefficace. Cependant, il ne s’arrêtera pas à cet échec et travaillera ensuite sur le choléra et contribuera notamment à contenir une grave épidémie de choléra à Hambourg en 1892. De plus en 1891, l’Institut des maladies infectieuses de Berlin, qui porte aujourd’hui le nom de Robert Koch, est en quelques sortes créé pour lui. Koch devient le directeur de cet institut dédié à la recherche médicale spécialisée. Toujours en quête de plus de découvertes, il part chaque année en expédition pendant plusieurs mois pour rechercher des maladies tropicales. Récompensé pour ses nombreux travaux, Koch obtient en 1905 le prix Nobel de médecine. Fatigué par tous ses voyages, il meurt d’une crise cardiaque le 27 mai 1910 à Baden-Baden.
Pasteur, un chimiste enragé
Né dans le Jura en 1822, Louis Pasteur est un grand savant français du XIXème siècle. Il est diplômé de l’Ecole normale supérieure de Paris en physique et en chimie. A partir de 1855, il entame différentes recherches sur la fermentation lactique, alcoolique... Il y travaille une dizaine d’années. En 1863, on lui demande d’étudier les maladies des vins qui posaient problème aux vignerons français. C’est ainsi que 2 ans plus tard, il dépose un brevet pour l’invention d’un procédé de conservation et d’amélioration des vins : la pasteurisation. Cette technique a depuis été élargie aux aliments, ce qui permet d’étendre leur période de consommation. Il faut néanmoins préciser que même si c’est Pasteur qui dépose le brevet et qui donne son nom à ce procédé de conservation, il s’est d’abord basé sur les travaux de l’ingénieur et homme politique français, Alfred de Vergnette de Lamotte qui avait développé un système de conservation des vins en les chauffant. Il s’était d’ailleurs lui-même inspiré du français Nicolas Appert. Vous vous dites certainement « Qu’en est-il du lait ». On associe en effet souvent Pasteur au lait, peut-être à tort. Il ne s’est en effet pas vraiment penché sur la question. C’est plutôt un chimiste allemand, Franz Von Soxhlet qui encouragea la pasteurisation du lait. Revenons au parcours de Pasteur. Certainement intéressé par ses études sur les maladies des vins, il étudie ensuite les maladies des vers à soie à partir de 1865 et en permet quatre ans plus tard l’éradication. Fort de cette réussite, il travaille sur d’autres maladies infectieuses et découvre le staphylocoque, le streptocoque et le pneumocoque. Mais il veut aller plus loin dans ses études et ne veut pas s’arrêter à ces découvertes. D’après les travaux de Robert Koch, il pense que les maladies infectieuses sont dues à des micro-organismes et il est bien décidé à en venir à bout. Il collabore avec Emile Roux, ensemble ils travaillent sur des maladies animales comme le choléra des poules, le charbon des moutons et le rouget du porc. Pasteur découvre qu’en injectant aux animaux le virus atténué, ces derniers n’attrapent pas la maladie et finissent même par y résister. C’est ainsi qu’il fonde l’immunologie. Voulant aller toujours plus loin, il s’attaque à une maladie qui touche l’Homme, la rage. A partir de 1880, toujours en collaboration avec Emile Roux, il fait des essaies sur des chiens puis des lapins. Il réussit à obtenir la forme affaiblie du virus et les essais sur les animaux se révèlent concluants. Malgré ces réussites, essayer ce vaccin chez l’Homme lui fait peur.
Tout s’accélère lorsque le 6 juillet 1885 arrive à son laboratoire un Alsacien de 9 ans, Joseph Meister, mordu par un chien enragé. Pasteur n’a alors plus d’autre choix que de tester son traitement sur ce garçon. C’est le Dr. Grancher qui se chargera de la vaccination. Celle-ci est un succès, Joseph Meister ne développera jamais la rage. Pasteur est alors le premier à appliquer le concept de vaccination à l’Homme. Il reste discret sur cette réussite jusqu’en septembre 1885, après avoir appliqué son traitement pour la seconde fois à Jean-Baptiste Jupille, un berger de 15 ans. Cette fois, il décide de faire connaître à tous cette victoire. C’est alors qu’un grand nombre de personnes ayant attrapé la rage arrive à l’Ecole normale supérieure de Paris, là où Pasteur travaille, pour se faire soigner. Face à la demande grandissante, un centre dédié à la vaccination contre la rage, aux recherches de maladies infectieuses et à l’enseignement, est inauguré le 14 novembre 1888 à Paris : l’Institut Pasteur. Des élèves de toute l’Europe viennent y suivre les enseignements proposés. Pasteur est alors une référence dans son domaine. Espérant toujours faire de nouvelles découvertes, il refuse de prendre sa retraite et dirigera l’Institut jusqu’à son décès le 28 septembre 1895.
Ces recherches constantes continuent de nos jours, avec actuellement le coronavirus. Les scientifiques du monde entier sont mobilisés et tous sont bien décidés à mettre au point un vaccin. On assiste de nouveau à une rivalité qui anime la médecine. Alors, qui seront les nouveaux Pasteur et Koch du XXIème siècle ?
Réédition du 28/05/2020