De passage à Berlin, l’exposition immersive Viva Frida Kahlo fait étape au Napoleon Komplex. Quelles conclusions tirer de cette nouvelle façon ludique, éducative et rapide de présenter l’art ?
D’après une volonté de son mari, Diego Rivera, les œuvres de Frida Kahlo ne quitteront pas le Mexique. Alors que la plupart d’entre elles sont toujours à Coyoacan, son village natal, exposer l’œuvre de Kahlo et faire découvrir ses tableaux au grand public de l’autre côté de l’Atlantique s’avère être un défi. Sans une seule œuvre originale, « Viva Frida Kahlo » relève ce challenge et poursuit sa tournée à travers l’Europe.
Une exposition itinérante
Si Hambourg, Munich, Zurich et Vienne furent déjà hôtes de l’exposition entre 2022 et aujourd’hui, les Berlinois n’y ont accès que depuis le 10 novembre. Jusqu’au 31 janvier 2024, le Napoleon Komplex, à deux pas d’Ostkreuz, accueille la rétrospective de l’artiste mexicaine entre ses murs. Ouvert du lundi au dimanche entre 10h et 21h, l’entrée varie entre 18€ et 22€ selon les tarifs.
La mobilité de l’exposition lors de la dernière année et demie permet d’en savoir un peu plus sur son contenu, d’autant plus que la société qui l’a produite n’est pas une habituée des performances d’art pictural.
Enumérées dans un article de Süddeutsche Zeitung, les manifestations culturelles pensées par Alegria Konzert relèvent habituellement du concert ou de la tournée musicale. Dès lors, le format de l’exposition intrigue.
Un format atypique
Visuellement attractifs et compatibles avec les contenus vidéos d’Instagram, en témoigne le réel ci-dessus, « Viva Frida Kahlo » sait faire parler d'elle.
Sans un seul tableau peint des mains de Frida, l’aménagement et la scénarisation furent valorisés par les curateurs. Au-delà des animations numériques, des explications sur l’intense vie de Frida et des citations éclairant son art sont également mises en avant.
« Je pensais longtemps que j’étais la femme la plus bizarre et étrange sur terre » Frida Kahlo
Après une section biographique, le visiteur enfile un casque de réalité virtuelle et revit ainsi les étapes importantes de la vie de l’artiste. Clouée dans son lit d’hôpital, chantant au milieu des mariachis ou dansant entre les pastèques du tableau « Viva la vida ».
Avec la matérialisation de certains éléments de sa vie comme sa maison bleue, dite « Casa Azul » de Coyoacan, sous forme de maquette, des éléments concrets sont additionnés à cette numérisation et virtualité de l’art.
Les puristes grincent des dents
Dans la partie finale de l’exposition, le spectateur est entouré d’écrans, où 36 vidéoprojecteurs détaillent la vie de l’artiste avec ses œuvres et des images d’archive. En 45 minutes, on voit passer les 143 œuvres de Frida grâce au film d’animation où la voix-off, en allemand et à l’accent hispanique, et la musique, sont soignées.
Pour certains, cette immersion artistique peut donner une impression de trop plein visuel voire un début de tournis. Les aficionados d’art pictural regretteront certainement l’absence de tableaux classiques, même reproduits, auxquels on peut faire face en prenant le temps de le dévisager, de l’interpréter librement.
La curation tente tout de même de combler ce manque avec un catalogue papier présent en boutique. Parallèlement, des tableaux, sur borne numérique évidemment, sont interactifs et permettent au visiteur d’en connaître les détails de chaque élément en cliquant dessus.
Une façon originale de mieux saisir la complexité et la densité des tableaux de Kahlo, comme pour « Ce que l’eau me donne » où Frida peint ses maux à l’intérieur de sa baignoire.
Frida Kahlo (1907-1954): l’intrigue idéale ?
Gravement blessée par un accident à ses 18 ans, Frida ne se laissera pas ralentir par ses séquelles et connaîtra une existence mouvementée. Mariée, divorcée puis remariée au célèbre peintre muraliste Diego Rivera, elle fut contrainte de quitter son Mexique natal qu’elle chérit tant pour New-York puis Detroit.
Son anticonformisme avec le monde de l’art de l’époque, son féminisme avant-gardiste et son positionnement politique font d’elle une icône du début du siècle.
« J’ai transformé ma douleur en beauté et en faisant cela je lui ai donné un sens » Frida Kahlo
Son adultère avec Léon Trotski, sa fausse couche en 1930 et sa première exposition universelle à Paris en 1939 sont tant d’étapes qui rendent sa vie aussi intéressante à détailler que son œuvre l’est à admirer.
La monotonie présumée des diapositives se soustrait rapidement à une forme d’enthousiasme rythmé par les combats et les douleurs de Kahlo.
Une artiste dans l’ère du temps
Refusant d’être rattachée au surréalisme, Frida a su s’ériger en artiste intemporelle. Parfois peints par Frida elle-même, parfois racontés par les écriteaux du Napoleon Komplex, les thèmes abordés par l’artiste sont toujours aussi éloquents 100 ans plus tard.
« Ils me disent surréaliste, mais je ne le suis pas. Je n'ai jamais peint de rêves, j'ai peint ma réalité. » Frida Kahlo
L’organisation parle d’un « mélange de film et d’exposition » où la combinaison de l’art pictural et de la musique rendent l’expérience plus accessible. Cette sensation d’exposition sans tableaux à 20€ est rapidement comblée par une claque biographique et artistique aussi colorée que culotée, à l’image de son autrice.
Le positionnement central du Napoleon Komplex, au cœur de Friedrichshain, rend « Viva Frida Kahlo » accessible et pratique, pouvant ainsi être la sortie du week-end comme le détour d’une fin de journée où l’on souhaite se libérer l’esprit.
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