Originaire de Basse-Saxe, Florian Fangmann est aujourd’hui directeur du Centre français de Berlin. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, ses projets et sa grande passion : le rugby !
Lepetitjournal.com/berlin : vous êtes né en Basse-Saxe et avez étudié à l’université de Sarrebruck. Comment votre parcours vous a-t-il amené à travailler dans la capitale allemande et à vous intéresser à la relation franco-allemande ?
Florian Fangmann : je suis né à Oldenburg, près de Brême, ma mère est Française et mon père Allemand, j’ai donc la double nationalité. Comme j’ai fait mes études à Sarrebruck, dans une région transfrontalière où l’on peut profiter des avantages des deux pays, je jouais par exemple au rugby côté France, parce que ce sport n’est pas très développé outre-Rhin. En 2005, j’ai effectué un stage au Centre français de Berlin (CFB). Cette expérience m’a beaucoup plu. Après mes études, j’ai obtenu mon premier poste également ici, au CFB. J’étais jeune, je cherchais un travail et à l’époque après la crise financière, ce n’était pas évident de trouver un emploi dans ce domaine-là, donc j’ai eu beaucoup de chance. Je dois être une des rares personnes venues à Berlin pour travailler et non pas pour la ville, son image, son ambiance et ses logements peu chers ! (Rires)
Le fait d’avoir une mère Française et un père Allemand aide beaucoup à s’intéresser au franco-allemand, notamment grâce au fait que je maitrise l’allemand et le français, même si j’ai gardé mon accent allemand. Le fait d’être entre ces deux nationalités aide en ce qui concerne le franco-allemand mais le CFB n’est pas uniquement ouvert à cela ! L’ambition du CFB est d’œuvrer au niveau du « travail international de la jeunesse », c’est-à-dire réaliser des échanges de jeunes, organiser des rencontres entre des jeunes issus des deux pays, France et Allemagne, mais aussi de plusieurs pays du monde comme les pays d’Europe de l’Est et également développer d’autres activités pédagogiques et culturelles. C’est donc un centre axé sur le franco-allemand mais ouvert sur le reste du monde.
Vous êtes directeur du Centre français de Berlin depuis 2012. Quelles sont vos missions en tant que directeur ?
Les deux sociétaires du Centre français à savoir le CEI, Centre d’échanges internationaux basé à Paris et le SPI (Sozialpädagogisches Institut) qui se trouve à Berlin dans les mêmes locaux, géraient le CFB bénévolement à côté de leurs entreprises. Puis le CFB s’est beaucoup développé et a proposé plus d’activités. Ils ont donc pris la décision d’avoir une direction professionnelle pour le Centre. On a donc commencé à deux, puis on s’est retrouvé à huit et maintenant on est 17 salariés et avec les stagiaires et volontaires, 24.
Mes missions consistent à gérer des partenariats comme ceux avec la ville de Berlin, l’OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse), le traiteur ou encore la gérante du cinéma. Je m’occupe également de la gestion financière des budgets, du personnel. Ça reste quand même une petite entreprise, on fait tout nous-mêmes y compris les tâches administratives. Mais j'essaie toujours d'avoir un pied sur le terrain ! Par exemple en participant à l’organisation d’un échange de jeunes, en m’impliquant dans la gestion de l’évènementiel, etc. J’essaie de participer concrètement aux activités du CFB et à son développement. En ce moment, on a repris l’hébergement. Avant, l’hôtel appartenait à un locataire et ce pendant assez longtemps, récemment, ils sont sortis du contrat à cause du coronavirus notamment. On a donc repris les logements « à l’arrache » et on a eu l’idée d’offrir des logements aux jeunes arrivant sur Berlin et ramant pour trouver un hébergement. Ça fait partie de l’accueil des jeunes et leur accompagnement, qui est notre principale mission !
Vous travaillez dans un centre culturel qui promeut les échanges franco-allemands. Comment percevez-vous la relation entre la France et l’Allemagne et plus précisément entre la France et Berlin ?
C’est une grande question ! (Rires) Je pense que l’on peut déjà dire qu’il n’y a pas deux pays dans le monde entier aussi liés que la France et l’Allemagne. Si on regarde le budget accordé à l’OFAJ de presque 30 millions d’euros, les échanges des députés, les échanges économiques et culturels, les binationaux comme moi… on réalise la proximité des deux pays. Surtout lorsqu’on vit à la frontière, c’est encore plus remarquable.
Mais il faut différencier la politique et la société civile. Sans forcément s’intéresser à la relation entre le président Macron et la chancelière Merkel, on remarque des symboles de cette relation forte, notamment à travers l’augmentation du budget de l’OFAJ. Cela veut dire qu’il y a une volonté politique de garder ce lien entre nos deux pays.
Au niveau de l’intérêt pour nos pays, celui-ci est grand. Toutefois, on remarque par exemple que la langue française, qui a toujours eu une place importante dans les systèmes scolaires allemands, a perdu cette position privilégiée. L’apprentissage d’autres langues s’est un peu normalisé. Faire un échange et partir en France est devenu moins « fascinant » qu’il y a quelques décennies car le fait de voyager à l’étranger pendant ses études s’est aussi normalisé. On a beaucoup plus de possibilités aujourd’hui et certains jeunes peuvent s’intéresser aux pays plus lointains comme ceux d’Amérique latine ou d’Asie. Mais cette baisse d’intérêt pour l’échange franco-allemand n’est qu’une petite partie quand on regarde l’ensemble. Il y a toujours beaucoup de moyens investis dans les échanges franco-allemands.
Depuis pas mal d’années il y a une grande frénésie autour de Berlin
Berlin de son côté est une ville très à la mode du côté français. Depuis pas mal d’années il y a une grande frénésie autour de Berlin. Par exemple pour ma cousine, qui est artiste à Paris et n’a rien à voir avec la langue allemande ou l’Allemagne, Berlin représente un endroit très attrayant pour avoir le goût d’une grande ville européenne très internationale. D’un point de vue historique, Berlin est aussi très liée à la France. Le CFB a d’ailleurs été créé par les Français en tant que lieu de rencontre dans le secteur français en 1961. On est d’ailleurs en train de travailler sur l’histoire du Centre et des Français à Berlin ! On voudrait faire une exposition en plein air, à l’image du mur de Berlin.
Avec la pandémie, de nombreux projets associatifs et culturels ont été chamboulés. Dans quelle mesure le coronavirus a-t-il eu un impact sur les projets du CFB ?
Oui, beaucoup de projets ont été annulés. Tout d’abord, ici on a le restaurant, l’hébergement, le cinéma et les séminaires. Tout était fermé pendant le premier « confinement » et à nouveau maintenant pendant ce confinement même s’il est plus allégé. Tous les projets de mobilité ont été reportés ou annulés. On a organisé quelques projets digitaux, même si ce n’est évidemment pas la même chose car on croit beaucoup à la rencontre physique. On a par exemple organisé la fête de la musique en ligne, dehors sur le toit et cet événement a été vu par plus de 7 000 personnes donc ça a plutôt bien marché ! On a aussi élargi les activités se déroulant dans notre jardin, puisqu’en Allemagne, les habitants avaient toujours la possibilité de se rendre dans les jardins.
Mais évidemment, c’était un coup très dur car les deux tiers de l’équipe se sont retrouvés au chômage partiel jusqu’en septembre et on a dû recevoir une aide de l’état allemand pour payer les frais fixes. Financièrement c’était difficile mais cette année je suis assez confiant ! Je me fais plus de soucis pour l’année prochaine parce que peu de personnes prévoient des hébergements de groupe chez nous car tout le monde attend. On verra !
Enfin pour terminer, vous jouez au rugby, un sport qui malgré une tradition ancienne en Allemagne reste marginal par rapport au football et sa Mannschaft. Qu'est-ce qui vous attire dans ce sport et quels sont les clubs que vous soutenez ?
Je suis en effet un grand passionné de rugby ! J’ai commencé à jouer lorsque je suis parti faire une année scolaire en Irlande quand j’avais 16-17 ans. Puis le virus m’a eu ! (Rires) Ce qui est formidable avec le rugby c’est que quand tu arrives dans une ville si tu ne connais personne, tu vas dans un club de rugby et tu as directement une vingtaine d’amis de toutes les nationalités, de tous les domaines sociaux et professionnels ! J’ai joué à Hambourg, à Sarrebruck, en Lorraine avec toute cette tradition du rugby française et j’ai joué un an au Québec quand j’y étais pour mes études.
A Berlin, j’ai commencé au Siemensstadt qui est un petit club avec de très grandes traditions qui va fêter bientôt ses 100 ans. Le rugby existait en Allemagne, au même niveau qu’en France ou dans les autres pays où c’est très populaire, depuis avant la Première Guerre mondiale. On remarque d’ailleurs que les mots employés dans le vocabulaire allemand du rugby sont très anciens. Mais, après les deux guerres et les années 60, la popularité du rugby n’est jamais remontée en Allemagne comme en France ou en Angleterre. A Berlin, il y a quand même sept clubs, dont un club pour les anglophones et je suis personnellement au Siemensstadt depuis maintenant 13 ans !
Pour plus d'informations sur le Centre français de Berlin, c'est ici !