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CHRISTOPHE CARBON - "L 'objectif des KaDewe est de proposer le meilleur du patrimoine gastronomique mondial"

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 21 janvier 2015, mis à jour le 22 janvier 2015

De nombreux Français sont à la direction de grandes enseignes allemandes à l'instar de Christophe Carbon, directeur de la filiale alimentation du fameux magasin berlinois KaDeWe, Kaufhaus des Westens, construit en 1905 et qui fut et fait encore la fierté de Berlin. Reconnu comme étant un des plus grands magasins de ce type en Europe, c'est au sein de cette surface de 60 000 m2 et d'un magnifique bâtiment de 7 étages que le Français gère, depuis janvier 2014, les 515 employés travaillant au rayon alimentation et gourmets, dont 99 % des produits frais sont confectionnés au sein de la maison dans laquelle d'énormes cuisines professionnelles ont été installées. Christophe a accepté de revenir sur son parcours et son métier à la fois passionnant et ambitieux au sein des KaDeWe.

 

Christophe Carbon, directeur de la filiale alimentation des KaDeWe


Lepetitjournal.com/Berlin - Pouvez-vous revenir sur votre parcours scolaire et professionnel avant de prendre la direction du rayon alimentaire des KaDeWe ?
Christophe Carbon - J'ai fait des études classiques en passant par HEC Montréal et ensuite l'école supérieure de commerce d' Amiens. J'ai trouvé mon premier emploi comme chef de rayon à Auchan. J'y suis resté trois ans pour me diriger ensuite vers une autre branche, le textile en prenant le poste de directeur régional de la marque Promod, puis directeur des magasins d'usines avant de me lancer dans l'international. Je rendais visite aux franchises dans le monde, un travail très agréable mais n'ayant pas le le statut d'expatrié, je faisais sans cesse des allers-retours ce qui commençait à être difficile pour la vie de famille. Je suis donc reparti dans l'alimentaire, notamment en tant que directeur chez Grand Frais et c'est après cela que la première proposition d'un poste à Berlin s'est présentée au sein d'une grande enseigne française assez connue. J'avoue que je n'étais pas très enjoué à l'idée de m'installer dans cette ville qui ne me parlait pas. Pour moi, c'était la Ruhr. Je m'y suis donc rendu un week-end en juillet 2006 avec ma femme et nous avons été de suite charmés. J'ai ensuite accepté le poste de directeur dans cette enseigne française, qui je dois l'avouer, avait une autre allure à Berlin que ce que je connaissais de la France.

Comment vous êtes-vous ensuite retrouvé à la tête du rayon alimentaire d'un des plus grands magasins d'Europe ?
Lors de ce premier séjour à Berlin, j'ai occupé un an le poste de directeur, puis deux ans celui de directeur adjoint dans cette grande enseigne française avant d'être muté à Nice pour remplacer le directeur du rayon alimentaire de ce même magasin situé dans le grand centre commercial Cap 3000 à Saint-Laurent du Var. J'y suis resté quatre ans et sincèrement, je ne pensais pas revenir sur Berlin, car, finalement, nous n'étions pas si mal que cela dans cette région. Mais le hasard de la vie m'a redirigé vers Berlin lorsque j'ai été repéré par un cabinet de recrutement pour le poste de directeur du secteur alimentaire et gourmets des KaDeWe à Berlin. Cela n'a pas été une décision facile à prendre à un niveau familial, mais j'ai finalement accepté ce poste que j'occupe depuis janvier 2014.

Maîtrisez-vous l'allemand et est-ce la langue de communication en interne ?
Je le parle mieux que je ne l'écris. Lors de mon retour, en janvier dernier, j'ai pris des cours du soir pendant quatre mois pour pouvoir le renforcer car contrairement à mes autres expériences, ici tout se fait en allemand. Dans tous les cas, j'ai toujours évité de passer par l'anglais afin de me forcer à apprendre l'allemand, quitte à faire des fautes puisqu'en général les Allemands sont très tolérants vis à vis des personnes qui font l'effort de parler leur langue.

Comment fonctionne la direction d'un magasin comme les KaDeWe ?
Il y a un « Geschäftsführer » (gérant de magasin) pour l'ensemble du magasin et ensuite, il y a deux Filialgeschäftsführer (gérant de filiale), un pour la mode et un autre pour l'alimentaire. Ensuite chaque responsable de rayon gère sa propre équipe. Concernant mon rayon, celui de l'alimentaire, cela représente en tout 515 salariés à gérer et à côté de cela, je dois également m'occuper des achats, puisque les KaDeWe ne sont pas rattachés à une centrale d'achat , ce qui signifie de grandes discussions avec les fournisseurs, en trouver des nouveaux pour la partie achat mais aussi que je dois gérer les ventes.

Quelles sont vos missions exactes depuis votre prise de fonction  et pour les années à venir ?
Nous tentons d'être plus proactifs dans la recherche de nouveautés puisqu'une de mes missions est d'attirer une clientèle nouvelle sans pour autant éloigner celle traditionnelle. Cela va passer, dans un premier temps, par une rénovation tant dans la forme, l'esthétique que dans le fond et donc les produits proposés. Cela a déjà été fait pour la partie mode mais pas pour celle alimentaire. Nous allons donc entreprendre ces travaux dans un délais proche mais sur du long terme pour ne pas bouleverser les habitudes des clients. De cette mission en découle une autre, très intéressante mais périlleuse, c'est celle de (re)construire une alimentation. Cela signifie travailler avec de nouvelles marques, les tester auprès des clients avant de le mettre en place. Le tout sans avoir de dépenses exorbitantes. Je prends l'exemple du stand burger que nous avons mis en place juste après mon arrivée. A ce moment là, certaines personnes m'ont pris pour un fou de vouloir associer burgers et KaDeWe, cela paraissait inconcevable dans un magasin assez conservateur mais étant donné que nous sommes au KaDeWe, nous ne proposons évidemment pas des burgers classiques mais du haut de gamme en les garnissant, par exemple, avec du homard ou du filet de b?uf. Au départ, à la 30e position, ce stand est aujourd'hui placé à la 4e. Le pari d'allier modernité et tradition a donc été réussi. Nous nous devons d'être à la pointe de la mode, même au niveau alimentaire. Quand un client cherche une marque ou produit spécifique, il doit pouvoir se dire : « Je trouverai tout ce que je souhaite au KaDeWe » .

Quel est le type de clientèle du KaDeWe ?
Elle est majoritairement berlinoise sachant tout de même que la part de touristes augmente de plus en plus. Nous nous adaptons donc aussi à ce type de clientèle mais notre c?ur de cible reste la clientèle berlinoise, comprise dans son ensemble, c'est-à-dire tous ceux qui vivent à Berlin car il est plus difficile de vivre uniquement qu'avec une clientèle de touristes qui ont va avoir des habitudes de consommation autres que celles des habitants.

Tout le monde peut-il être client des KaDeWe, même pour ceux qui n'ont pas trop de moyens ?
Oui et non. Chacun, peu importe son budget, peut trouver au Kadewe des produits originaux, uniques et accessibles financièrement parlant, comme du chocolat, du vin ou encore une pâtisserie de chez le Nôtre . Après il est évident qu'une personne gagnant moins de 2000 euros par mois, ne peut envisager de faire ses courses régulièrement au KaDeWe.

Constatez-vous une grande différence entre les Français et les Allemands dans leurs habitudes de consommation ?
Oui. Cela est certain. Les Français vont dépenser beaucoup plus dans l'alimentation que les Allemands. La culture des hypermarchés n'étant pas aussi développée en Allemagne qu'en France, cela incite les Allemands à faire les courses plus souvent mais en plus petites quantités. Les Français vont avoir tendance à remplir leur garde-manger et à aller une fois par semaine dans les grandes surfaces pour faire le plein de courses.

Est-ce cela qui permet à un magasin comme les KaDeWe de se maintenir ?
Ce qui permet à des enseignes comme les Kadewe de perdurer, que ce soit à Berlin ou à Paris, c'est avant-tout la capacité à avoir des produits d'exception, qualitativement parlant, uniques mais aussi de proposer un rapport qualité/prix intéressant. Notre objectif en théorie au KaDeWe, même si cela paraît ambitieux, est de faire découvrir à sa clientèle le meilleur du patrimoine gastronomique mondial.

Rayon alimentation des KaDeWe

Est ce à ce niveau que les KaDeWe se démarquent d'autres grandes enseignes ?
Oui, entre autres. Exception faite de certaines marques, si un KaDeWe vend les mêmes produits qu'une enseigne concurrente située à quelques rues, il ne respecte pas la politique du magasin. Nous nous efforçons de proposer un assortiment de produits, dont certains sont introuvables ailleurs, et qui font rêver soit d'un point de vue visuel, soit d'un point de vue gustatif ou les deux. Aujourd'hui, nous avons encore trop de produits en commun avec d'autres enseignes mais mon rôle est d'en éliminer quelques uns pour les remplacer par des marques de qualité et uniques à Berlin.

Être le luxe de l'alimentaire en somme ?
Oui si ce n'est pas uniquement compris uniquement dans le sens du prix. Puis-qu'outre le fait que nous trouvons et proposons des produits uniques, tous nos produits frais sont confectionnés ici et rien n'arrive surgelé. Nos locaux de productions sont à l'intérieur même des Kadewe et une quarantaine de pâtissiers y travaillent, cela signifie que 99 % de nos produits frais sont réalisés dans notre maison sous la marque le Nôtre et, en cela, nous nous démarquons également d'autres enseignes.

Pouvez-vous nous décrire les KaDeWe en quelques chiffres clés ?
Je peux vous donner des données plus parlantes que le chiffre d'affaire, et uniquement concernant la partie alimentaire puisque c'est celle que je connais. Nous avons vendu, par exemple, le 31 décembre 14 300 Pfannkuchen entre 8h et 14h, le maximum réalisable par nos cuisiniers. En terme de salariés, toujours pour le rayon alimentaire, nous sommes à 515 salariés dont 110 cuisiniers, 40 pâtissiers et 12 boulangers. La surface commerciale juste pour l'alimentaire est de 5 900 mètres carrés au sein de laquelle vous trouverez par exemple, plus de 3400 références de vins du monde entier, 1300 sortes de fromages ( dont 400 français) ou encore 1200 références de charcuterie.

Pour finir sur une note plus légère, un constat montre que d'autres Français sont ou ont été à des postes importants au sein de grandes enseignes allemandes et particulièrement, dans l'alimentaire, diriez-vous que la « French Touch » peut être un atout afin d'obtenir ou d'être recruté pour un poste comme le vôtre ?
Je pense que ça aide mais que c'est avant tout mon parcours professionnel qui a joué dans ce recrutement. La french touch est une valeur ajoutée, certes, mais pas suffisante. Les KaDeWe cherchait un profil particulier et je correspondais à celui-ci, peu importe mon origine.

Propos recueillis par Anaïs Gontier (lepetitjournal.com/Berlin) jeudi 22 janvier 2015

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Publié le 21 janvier 2015, mis à jour le 22 janvier 2015

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