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Élections allemandes J-23 : vers des coalitions tripartites ?

Drapeau allemand sur le BundestagDrapeau allemand sur le Bundestag
© Oskar Kadaksoo - Unsplash
Écrit par Guillaume Tarde
Publié le 5 septembre 2021, mis à jour le 18 février 2022

Après 16 ans au pouvoir, Angela Merkel a décidé de céder sa place. Un choix salué par certains, mais qui bouleverse l’échiquier politique allemand. Son parti, la CDU, dépassé dans les sondages par le SPD doit désormais composer avec la montée des Verts.

 

Retraite d’Angela Merkel ou la fin d’un symbole de l’histoire politique allemande

Mutti, comme la surnomment les Allemands, aura connu quatre présidents français en autant de mandats en tant que chancelière allemande. Elle doit cette longévité notamment à la grande confiance que lui accordent ses concitoyens depuis ses débuts en politique. Angela Merkel se démarque, en effet, par sa volonté de transparence lorsqu’elle n’hésite pas à tourner le dos à Helmut Kohl, pourtant son mentor, impliqué au cours des années 1990 dans les financements illégaux de la CDU : l’affaire des caisses noires.

Par ailleurs, la chancelière allemande tranche dans sa manière de gouverner. Loin d’imposer sa vision et de diriger par des passages en force, Angela Merkel joue la carte de la prudence et de la proximité avec le peuple Allemand sans pour autant délaisser sa fermeté. Ce subtil mélange lui évite les écueils de crises politiques majeures bien que décriée pour certaines décisions qu’elle portera avec conviction.

En effet, tout au long des seize années passées à la tête de la chancellerie Angela Merkel a su mettre en place des réformes marquantes et parfois courageuses :

 

La sortie du nucléaire 

Après la catastrophe de Fukushima, la chancelière allemande revient sur son idée de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires du pays. Elle annonce alors une sortie définitive du nucléaire en 2022. D’abord critiquée pour une volte-face ne laissant le temps de se tourner que vers le charbon, force est de constater que cette décision a nettement accéléré le développement des énergies renouvelables. L’énergie éolienne constitue plus de 20% du mix énergétique aujourd’hui contre 7% en 2010, l’énergie solaire atteint désormais les 10% contre seulement 2% en 2010 et l’utilisation du charbon est retombée en dessous des niveaux de 2010.

 

L’accueil de migrants au plus fort de la crise 

En 2015, alors que la coopération européenne est mise à mal par la crise migratoire la plus importante de la décennie, Angela Merkel décide d’ouvrir les frontières dans un discours qui marquera sa carrière politique. L’Allemagne accueille plus d’un million de réfugiés, en mettant l’accent sur l’intégration par le biais de la formation. Il s’agit également d’une occasion pour l’Allemagne de combler ses besoins de mains d’œuvre liés à la crise démographique dans le pays. Si les débuts sont compliqués, l’intégration est aujourd’hui en grande partie un succès. Cette décision vaudra tout de même de nombreuses critiques à la chancelière et verra les extrêmes monter en puissance.

 

Photo d'Angela Merkel et de ses conseillers en septembre 2021
Photo : Bundesregierung/Koall

 

Un paysage politique allemand bouleversé

Le départ d’Angela Merkel de la scène politique allemande laisse donc un vide et fait planer beaucoup d’incertitude quant à la couleur politique du prochain chancelier ou de la prochaine chancelière. En effet, trois partis et donc trois candidats semblent au coude-à-coude :

 

Armin Laschet, de haut en bas

Le 16 janvier 2021, Armin Laschet est élu président de la CDU et succède à Angela Merkel. L’ancien journaliste devance ainsi Friedrich Merz pourtant en tête au premier tour. Cette élection met en évidence les divisions qui règnent dans le parti de la chancelière et Armin Laschet ne sort pas du scrutin avec la cote de popularité attendue. Le président du parti majoritaire semble tout de même porter son parti en tête dans les sondages qui l’opposent au SPD d’Olaf Scholtz et au parti écologiste Bündnis 90/Die Grünen d’Annalena Baerlock.

L’image de d’Armin Laschet se détériore nettement lorsqu'en déplacement sur les zones sinistrées par les inondations qui ont frappé le pays en juillet, il est photographié hilare. Ses excuses n’y feront rien, de la CDU amorce une descente historique dans les sondages, dépassé par le SPD pour la première fois en 15 ans. En effet, selon les derniers sondages, le SPD obtiendrait 25 % d’intentions de vote contre 20 % pour la CDU.

Le président de la CDU semble esseulé face à ce recul inédit et ce n’est pas le soutien en demi-teinte de la chancelière qui pourrait changer la donne.

 

La montée en flèche du SPD

Le parti social-démocrate allemand profite de la confusion au sein de la CDU et de l’image chancelante d’Armin Laschet pour gagner de précieux points dans les sondages. Crédité de près de 25 % d’intentions de vote, le parti porté par Olaf Scholtz creuse l’écart avec l’opposition.

En effet, le ministre fédéral des finances jouit d’une cote de popularité élevée qu’il doit essentiellement son image de meneur stable. Le soutien apporté aux foyers allemands touchés de plein fouet par la crise du Covid-19 ainsi que sa présence sur les lieux sinistrés par les inondations ont conféré à Olaf Scholtz une image de gestionnaire de crise qui tranche avec le cliché rieur d’Armin Laschet.

 

Bündnis 90/Die Grünen, la troisième force en présence

Bien que distancé dans les sondages (18 %) par le SPD (25 %) et la CDU (20 %), le parti d’Annalena Baerlock reste une force politique incontournable à l’approche des élections. La cheffe de file du parti élue largement (97 %) en 2018 semble pouvoir rassembler davantage et donner un nouvel élan aux Verts. Les préoccupations environnementales sont, de surcroit, au cœur des enjeux des prochaines élections.

Perçue comme plus réaliste, la candidate écologiste a cependant commis plusieurs erreurs comme des oublis dans la déclaration de certains revenus. Pour autant, avec 18 % de voix, le parti s’impose tout de même comme un allié de taille pour une potentielle coalition.

Les contours de l’élection du dimanche 26 septembre semblent donc compliqués à définir, mais trois partis se détachent donc : le SPD, la CDU et les Verts suivis ensuite par le FDP (12 %) et le parti d’extrême droite AfD (11 %).

 

L’avenir de la politique allemande s’annonce donc passionnant avec la possibilité de coalitions à trois partis afin de former un gouvernement. Pour suivre l'actualité des élections, n'hésitez pas à aller suivre le PodKast d'Hélène Kohl, journaliste française à Berlin, sur le sujet.

 

Les marches du Bundestag
Photo : Bundestag - Codo Star - Unsplash

 

Focus sur les programmes des trois principaux partis

À l’approche des élections voici donc certaines propositions des trois partis principaux sur des thèmes majeurs.

 

Politique étrangère

Le programme de politique étrangère de la CDU s’articule principalement autour du renforcement d’alliances notamment avec l’ONU ou l’OTAN. Le renforcement de la coopération doit également se faire à l’échelle européenne en faveur de la protection de l’environnement. Par ailleurs, la volonté de redonner à l’agence Frontex un véritable rôle de police des frontières pour combler les lacunes existantes tranche avec la gestion de la crise migratoire d’Angela Merkel. Enfin, la CDU ne change pas ses positions sur l’objectif à long terme de désarmer l’Europe de ses missiles nucléaires.

Le SPD mise également sur la coopération européenne renforcée afin de poursuivre de manière commune le Pacte Global de 2030 et ses 17 objectifs de développement durable. Le parti souhaite également développer le pacte européen de stabilité et basculer d’une politique d’austérité à une politique commune d’investissement socio-écologique. Le climat reste au cœur de la coopération internationale voulue par le SPD avec la volonté de se fédérer autour de l’accord de Paris pour faire de l’Europe un leader de l’énergie. Le dialogue avec les États-Unis doit d’ailleurs s’articuler autour du climat sans oublier la santé mondiale et le désarmement.

Pour les Verts, l’Europe est également un enjeu majeur puisque le parti souhaite une union monétaire plus sociale pour des investissements communs en faveur de la protection de l’environnement, pour le numérique, la recherche et l’éducation. Le principe de l’unanimité est, en revanche, à revoir au sein de l’Union européenne afin d’être plus réactif au niveau européen. Les Verts ont également la volonté d’engager des dialogues avec différents états sur la question du climat comme : le Canada pour un accord commercial renforcé sur le climat, la Russie pour l’arrêt de Nordstream 2 et l’installation d’un dialogue climatique.

 

Environnement

SPD et CDU semblent suivre les mêmes lignes directrices à quelques exceptions près en ce qui concerne l’environnement. Les deux partis principaux s’engagent, en effet, à maintenir l’objectif de neutralité carbone en 2045 et ont pour but de supprimer la charge de soutien aux énergies renouvelables (surtaxe EEG) qui pèse en partie sur les ménages. Si le SPD annonce l’Allemagne comme leader de l’hydrogène en 2030, la CDU propose également de miser sur le développement de cette énergie sans toutefois donner d’horizon. Les partis de la GroKo misent également sur le train et des plans de modernisation pour décarboner les modes de transports. Enfin, si les chiffres diffèrent, SPD et CDU souhaitent mettre l’accent sur l’électrique avec 15 millions de voitures électriques en 2030 annoncées par le parti d’Olaf Scholtz.

Les Verts souhaitent accélérer la politique de protection de l’environnement en fixant des objectifs à plus courts termes. Le parti écologiste annonce une réduction de 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour 100 % d’énergies renouvelables en 2035 et une neutralité carbone à atteindre en 2040. L’arrêt de l’utilisation du charbon est ramené de 2038 à 2030 et sera compensé par 1,5 millions de toits solaires dans les 4 prochaines années. Comme le SPD et la CDU, les Verts souhaitent moderniser les transports ferroviaires avec un plan annoncé à 100 milliards d’euros. L’objectif du SPD des 15 millions de voiture électriques en 2030 est, quant à lui, rejoint par les Verts.

 

Éducation

La CDU veut insister dans son programme sur l’importance de la langue avec un objectif : chaque enfant de primaire doit pouvoir parler allemand. Afin de prévenir les inégalités sociales qui touchent les établissements, les écoles en situation difficulté sociale recevront davantage de subventions. Un milliard d’euros est d’ailleurs prévu pour compenser les effets de la crise sanitaire chez les enfants en insistant sur l’éducation précoce. Les compétences numériques sont également à l’honneur dans la suite des cursus afin de former des générations et de lutter contre la pénurie de travailleurs qualifiés.

Le SPD articule également une partie de son programme autour de la petite enfance en réaffirmant le droit légal à l’éducation ou à la garde d’enfants à l’école primaire. Le numérique est point phare du programme puisque le SPD veut pouvoir doter chaque étudiant d’un accès à Internet et d’un appareil numérique. Une garantie de formation et un droit à la formation continue sont également prévus afin de former et d’intégrer des jeunes à un marché du travail en proie à une pénurie de main d’œuvre qualifiée.

Le programme des Verts suit le même cheminement avec un engagement à respecter le droit à l’éducation et aux soins des enfants en primaire. L’équipement des écoles en matériel numérique est essentiel ainsi que la formation des enseignants sur le sujet. Le parti écologiste veut également mettre en place une garantie de formation pour encourager les jeunes à poursuivre leurs études.

 

Pour retrouver l’intégralité des programmes :

Programme du SPD

Programme de la CDU

Programme de Bündnis 90/die Grünen

 

 

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