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PAULINE DUPUY – L’union sacrée de Georges Brassens et d’une contrebasse

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 30 juin 2015, mis à jour le 2 juillet 2015

Voilà près de six ans que Pauline Dupuy prête sa voix à Contrebrassens. Installée à Berlin depuis quelques années, la jeune Française fait redécouvrir la poésie du chanteur français dans un trio étonnant : "Brassens, la contrebasse, et moi !" Le Petit Journal de Berlin l'a rencontrée à l'occasion du concert très intime qu'elle donnait vendredi dernier à la Galerie Hochparterre, quelques jours avant son départ pour le Festival d'Avignon.

C'est au sein d'un petit espace d'exposition caché au fond d'une courette au c?ur de Kreuzberg, dans lequel on se sentirait presque comme à la maison que la chanteuse et musicienne, Pauline, a accueilli ses invités, une tasse de thé au jasmin à la main. D'abord, on discute, dans l'étroite cuisine qui fait office de hall d'entrée, puis viendra le concert.
Dans une première salle de la Galerie Hochparterre, une série de portraits photographiés s'aligne sur les murs. On pénètre ensuite dans la pièce du fond, décorée d'un mobilier délicieusement suranné. Deux tables basses font l'affaire, surmontées d'une lampe à l'ancienne et d'objets chinés en brocante. Des dessins au stylo, noir et blanc, recouvrent les murs vert pastel et complètent l'ensemble du décor en lui insufflant une intimité particulière. Là, au centre de la pièce, trône la contrebasse ; langoureusement étendue sur un tapis à motifs, elle semble nous attendre.

Une petite troupe de Français en visite à Berlin, la trentaine, nous rejoint après avoir été cueillis au coin de la rue. Les voisines du dessus s'invitent également à la fête. Finalement, un couple entre, accompagné de bouts de chou blonds. Sans mondanités, tout le monde s'installe, sur le canapé, le rebord de la fenêtre, ou nonchalamment adossé contre le mur. On y est bien, presque comme dans son salon, avec cette douce aura orangée que diffuse la lampe sur pied dans un coin.
Le concert prend alors vraisemblablement des tournures de soirée familiale.

 

 

Déchaussée, Pauline enlace son instrument. Du bout des doigts et de l'archet, ça tipe et ça tape, ça frôle et ça tonne, la contrebasse prend vie en un instant. Chanson après chanson, on se croirait presque au théâtre : la poésie de Brassens raconte, fait vibrer et rire autant son interprète que son auditoire. Ce sont des histoires d'amour, de non-amour, de gaies fantaisies ou de solennels hommages. On y redécouvre les paroles de notre enfance mais aussi celles que l'on connaît moins. D'un malin sourire, Pauline joue avec sa contrebasse, qui s'approche et s'éloigne, prenant véritablement forme humaine. La jeune femme s'accorde quelques pauses, pendant lesquelles elle en profite d'ailleurs pour nous présenter son instrument. « Enchantés ! » répondent les invités, qui admirent avec émerveillement toute la sensualité du dos courbé de la contrebasse, ses lignes de hanches boisées, son âme.

 

 

Brassens, un coup de foudre par hasard
Originaire du c?ur de l'Auvergne, Pauline a grandi à Aurillac jusqu'à ses 18 ans. L'amour de la musique, elle l'a toujours eu en elle. Même la flûte à bec ne l'a pas rebutée ! Au contraire : "Je voulais absolument apprendre à lire les notes, malgré les mauvais souvenirs de tout le monde, je m'éclatais avec ma flûte, confie-t-elle en souriant, j' ai commencé à chanter quand j'étais petite aussi, mais pendant longtemps en cachette?"

Après plusieurs années de violon, l'envie la démangeait de varier les plaisirs. "J'étais ado, donc à l'époque je voulais faire de la basse électrique, pour faire du rock avec les copains ; mais il fallait acheter une basse, un ampli, et je n'avais pas de copains pour faire de la musique !" . En face de sa classe de violon s'est installé un prof de contrebasse lui donnant alors l'occasion de s'aventurer vers d'autres horizons à cordes. L'idylle de Pauline et sa contrebasse a ensuite continué au Conservatoire de Saint Etienne.

 

 

Brassens n'est apparu que plus tard, par hasard. Avant lui, elle n'avait jamais encore tenté de créations personnelles, elle jouait dans des orchestres et accompagnait des musiciens. "C'est au travers de copains que j'ai découvert Brassens. Ils étaient fans et chantaient des chansons tous les jours, tout le temps. Je me suis alors rendue compte à quel point ses chansons étaient remplies d'histoires."
Après s'être, elle aussi, apropriée les textes du chanteur français, Pauline s'amuse alors à les adapter la contrebasse "Je ne connaissais pas son ?uvre par c?ur, donc j'étais assez détachée quand j'ai commencé. Je me suis juste laissée porter de manière instinctive, guidée par ce qui me plaisait, ce qui sonnait bien", commente l'artiste. Au bout d'une dizaine de chansons, elle s'est faite entendre en public et de nombreux retours encourageants l'ont incitée à prolonger son amourette.

Des expériences artistiques variées
Ce n'est pas seulement par "goût du risque" que Pauline a choisi de s'installer à Berlin, mais aussi parce que la "capitale européenne de la culture" lui est associée à ces vieux clichés des cabarets d'entre-deux guerres, "des images un peu fantasmagoriques qui m'inspirent". Habituée aux grandes scènes françaises, Pauline y a découvert la promiscuité des petits bars berlinois où elle se produit en acoustique. "J'ai beaucoup appris de ça, d'être là avec mon projet un peu sérieux, dans des bars avec des gens qui fument des clopes et boivent des bières, se remémore Pauline, mais le public est génial à Berlin : les gens sont curieux, réceptifs, ils aiment ou n'aiment pas, mais restent toujours très respectueux" . Aujourd'hui, la musicienne étend son réseau à Berlin et en Allemagne, grâce à Aurélie Païta, alias Madame Zik, agence de management et de booking berlinoise aux horizons européens.

Avec déjà un premier album à son actif, sorti en juin 2014, Pauline multiplie les expériences. Diplômée d'un baccalauréat théâtre, elle a régulièrement travaillé avec des compagnies de théâtre, en tant que musicienne mais aussi comédienne à l'occasion. La chanteuse se plaît aussi dans diverses formations musicales, allant de la pop à la folk en passant par le rébètiko (une musique traditionnelle grecque appelée "le blues de la Grèce").

 

 

Récemment, elle collabore de plus en plus avec l'artiste britannique, Michael Wookey, qu'elle accompagne sur de nombreuses chansons. "Il y a une connexion artistique très forte entre nous. On se stimule, on se soutient, on se rend créatif." Les deux musiciens se sont connus il y a près de trois ans et ont rapidement commencé à faire des "co-plateaux", réunissant les chansons de l'un et celles de l'autre en un même concert. "Mike" a beaucoup participé à la réalisation du premier album de Contrebrassens, et Pauline voudrait désormais aller encore plus loin : "L'univers qu'on développe ensemble sur nos enregistrements, je ne sais pas de quelle manière mais j'aimerais qu'on puisse l'avoir aussi en live".

Prochaine étape : le Festival d'Avignon
La chanteuse nourrit également des ambitions internationales. Elle prévoit un deuxième disque en collaboration avec son ami Michael Wookey, qui puisse cette fois servir à l'export. "J'aimerais bien toucher un public plus large, trouver un distributeur qui nous soutienne et que ça se concrétise en Inde, en Asie, en Amérique latine..." . Les yeux de la jeune femme pétillent d'enthousiasme. "Dans les deux prochaines années, ce serait génial que ça se mette en place et qu'il y ait une grande tournée internationale !".

En attendant, le programme n'est pas de tout repos. C'est le Festival d'Avignon qui attend la contrebassiste pour les trois prochaines semaines. Du 4 au 26 juillet, une vingtaine de concerts sont prévus au Théâtre Carnot. C'est la première fois que la chanteuse française jouera à Avignon. "Je suis contente d'aller là-bas ! J'espère qu'il y aura du monde ! Et j'espère aussi des retombées professionnelles, que ça ouvrira des portes" . Elle sera rejointe par Michael Wookey pendant trois jours.

 

 

En vue d'affronter le marathon qui se profile, Pauline s'est préparée avec l'aide du metteur en scène parisien, Damien Dutrait, qui témoigne : "C'est toujours délicat pour moi d'entrer dans un univers qui n'est pas le mien. Mais avec Pauline, ça se passe très simplement, d'abord parce que j'adore Brassens et ensuite, car je suis touché par la manière dont elle aborde ces textes comme de la poésie". Grand adepte des chansons de Georges Brassens depuis l'enfance, le metteur en scène avoue avoir d'abord été méfiant à l'égard du projet Contrebrassens. Mais l'alchimie s'est vite établie avec la chanteuse : "Elle l'interprète avec beaucoup d'innocence et de tendresse vis-à-vis de la poésie. Elle est très inventive, c'est musicalement riche, extrêmement doux et plein d'humour : exactement tout ce que j'aime". Conquérant les oreilles de tous ceux qui l'entendent, tout semble donc présager d'un avenir toujours plus rempli de succès pour la Berlinoise d'adoption.

Sarah Diep (www.lepetitjournal.com/berlin) mercredi 1er juillet 2015

Savoir plus :

http://www.contrebrassens.com/

lepetitjournal.com Berlin
Publié le 30 juin 2015, mis à jour le 2 juillet 2015

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