Maquettes tactiles et pédagogiques avec du braille, reproductions d’œuvres d’art en relief ou encore stations sensorielles pour apprendre grâce à son odorat… Alexandra Verdeil veut rendre l’art et la culture accessible pour tous. Expatriée à Berlin depuis trois ans, la Française conçoit avec son équipe des panneaux d’informations dans les musées pour tous les visiteurs, quels que soient leurs handicaps.
« On fait un travail spécialisé dans l’art et la culture car ce sont les premiers endroits où on est censé donner l’information pour tous. Mais trop peu de choses sont faites… ». Tel est le constat d’Alexandra Verdeil, manager et fondatrice de l’entreprise Tactile Studio UG à Berlin. Par exemple, comment peut-on accéder au savoir et au plaisir de découvrir un musée quand on souffre de cécité? « Les panneaux d’information qui existent sont souvent faits par des voyants… pour les voyants », observe-t-elle. Une situation injuste à laquelle Alexandra Verdeil tente de remédier avec toute son équipe : « On fait du design universel, c’est-à-dire qu’on conçoit des panneaux accessibles au plus grand nombre. Ce n’est jamais parfait, il y a énormément de handicaps différents mais on essaye d’offrir une palette de ressources pour que l’information soit transmise à tous de la même manière ».
Un savoir-faire français
Comment allier esthétisme et accessibilité ? « Les musées sont des espaces où il y a une grande part apportée à la scénographie, au design de l’intérieur. Souvent les stations tactiles qui existent déjà sont très basiques et pas très jolies à regarder », explique-t-elle. Grâce à un travail de sensibilisation et des sessions de conseil, Tactile Studio séduit les établissements avec ses nombreuses propositions de concepts accessibles qui s'adaptent au design des expositions et aux besoins de médiation. « Nous parlons de "Design for all", nous concevons des solutions destinées à tous les visiteurs qui sont également belles à voir : nous mettons en œuvre un savoir-faire français caractérisé par une alliance parfaite entre design et ergonomie accessible à tous », explique la cheffe d’entreprise.
Ouriel Morgensztern © Belvedere, Wien
Les maquettes tactiles et pédagogiques avec du braille, les reproductions d’œuvres d’art en relief ou encore les stations sensorielles pour apprendre grâce à son odorat sont de plus en plus convoitées par les musées de nombreux pays d’Europe mais aussi par des bibliothèques ou des parcs naturels. « Tout le monde apprend grâce aux stations que l’on produit. Beaucoup de personnes sans handicap disent qu’elles ont appris beaucoup plus de choses que si elles voyaient simplement une peinture exposée au musée par exemple. C’est une façon de démocratiser le contenu et de le rendre plus intelligible et compréhensible pour tous », révèle la Française. En seulement deux ans, plus de 40 projets ont vu le jour en Allemagne et en Autriche. L'équipe de Tactile Studio a également travaillé avec le Louvre d'Abu Dhabi et de nombreux musées en France, en Allemagne et au Canada.
Ouriel Morgensztern © Belvedere, Wien
Tous les chemins mènent à … Berlin !
Avant même de passer son baccalauréat, Alexandra Verdeil était attirée par l’Allemagne. Elle réalise de nombreux échanges franco-allemands et notamment un chantier avec des personnes malentendantes en Bavière. Après deux ans de classe préparatoire, elle intègre une école de management qui lui permet de réaliser un parcours trilingue européen dans trois pays différents : en France, en Espagne mais aussi en Allemagne, et plus précisément à Berlin. A la fin de ses études, le doute plane : « Je ne savais pas si je voulais travailler en France ou en Allemagne. Mais voyager m’a donné envie de repartir. J’ai rencontré l’entreprise Tactile Studio. Je suis restée deux mois en formation chez eux à Paris puis je suis partie à Berlin en V.I.E. pour y lancer l’activité. Au bout de 2 ans, en 2018, j’ai créé une entreprise allemande qui travaille en étroite collaboration avec l'entreprise française ».
En France comme en Allemagne, les difficultés sont les mêmes lors de la création d’une entreprise, à un seul détail près : les codes ! « Monter une structure en Allemagne sans maîtriser tous les codes culturels, ce n’est pas évident. Par exemple, il est très important de gagner la confiance de son interlocuteur en Allemagne. On doit faire beaucoup d’efforts pour s’intégrer. Mais le résultat est gratifiant », confie-t-elle.
© KHM Wien Verband
Aujourd’hui à la tête d’une équipe de trois personnes, la jeune femme de 26 ans voit son poste évoluer de manière très rapide et doit désormais faire face à la concurrence : « On a fait émerger ce secteur car on est précurseur en France dans ce domaine. Depuis un an, la concurrence s’intensifie. Surtout à Berlin car c’est l’endroit où la culture est la plus forte. Mais c’est une bonne chose ». Passionnée par son métier, Alexandra Verdeil n’envisage pas de quitter Berlin et voit de nombreuses entreprises françaises s’implanter en Allemagne dans le domaine culturel. Elle espère qu’elles seront synonymes de futures collaborations car « ici, c’est un tout petit monde ».