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La Cour Constitutionnelle allemande appelle à une meilleure rénumération des détenus

Le 20 juin dernier, la Cour Constitutionnelle allemande a rendu un arrêt, dans lequel elle estime nécessaire de revoir le niveau de rémunérations des détenus allemands. Ces derniers gagnent en moyenne entre 1,37 et 2,30 euros de l’heure.

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Les détenus allemands devront être mieux rémunérés © emirkrasnic - pixabay
Écrit par Ambre Lagraulet
Publié le 30 juin 2023, mis à jour le 30 juin 2023

La plus haute juridiction du pays a tranché, dans une décision rendue ce mois-ci : l’Allemagne doit mieux rémunérer les détenus de ses prisons. Plus particulièrement, la Cour Constitutionnelle a jugé que les dispositions légales qui encadraient la rémunération du travail des détenus dans les régions de Bavière et de Rhénanie du Nord-Westphalie, sont anticonstitutionnelles. Néanmoins, cet arrêt peut s’étendre aux conditions de travail des prisonniers dans tous les pays. Outre-Rhin, le SMIC horaire s’élève à 12€ de l’heure. Les prisonniers sont donc payés 5 à 9 fois moins que le reste des travailleurs du pays.

 

Deux requêtes constitutionnelles

Cette décision fait suite à deux requêtes formulées par deux détenus à la Cour Constitutionnelle. Le premier, emprisonné en Bavière, travaillait dans une imprimerie appartenant à l’établissement pénitentiaire. Le deuxième, emprisonné en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, travaillait lui pour une entreprise extérieure, au sein de la prison. Les deux plaignants demandaient une augmentation de leur salaire, ce que leurs établissements respectifs avaient refusé. Ils ont donc adressé des recours constitutionnels.

 

Les juges ont donné raison aux recours formulés par les deux détenus, et estimé que ces derniers n’avaient pas reçu une reconnaissance adéquate de leur travail. Les deux requérants souhaitaient cependant pouvoir bénéficier d’un salaire minimum, mais la Cour n’a pas tranché en faveur de cette demande.

 

Un salaire bas, pour un travail obligatoire

En Allemagne, selon la loi du 16 mars 1976 sur l’exécution des peines, les détenus ont pour obligation de pratiquer une activité adaptée à leurs compétences. Le travail en prison est donc obligatoire dans la majorité des Länder. Actuellement, les détenus sont rémunérés en moyenne entre 1,37 et 2,30 de l’heure, un taux horaire très bas lorsqu’on le compare avec le taux horaire minimal allemand. Le salaire d’un prisonnier s’élève ainsi à 9% du salaire moyen d’un employé allemand.

 

Plusieurs raisons guident cette obligation de travail pour les détenus. D’abord, ces derniers font face à des coûts importants. Ils doivent parfois s’acquitter de frais de justice, ou de frais de dommages et intérêts. Ils doivent également participer aux frais pour leurs santé, ou encore cotiser à l’assurance chômage. Avec leur salaire, ils peuvent aussi acheter certains biens et services en détention, comme des appels téléphoniques ou un poste de radio. De plus, une partie de ce salaire est souvent retenue en tant qu’ « allocation de transition » lors de leur sortie de prison.

 

Mais surtout, la possibilité pour les prisonniers d’avoir un travail, ou même de poursuivre des études, s’inscrit dans la logique du concept de resocialisation, « Resozialisierung ». Il s’agit de préparer la sortie de prison de ces personnes, en facilitant leur réinsertion.  Les juges ont donc estimé qu’à l’avenir, les détenus doivent recevoir un salaire horaire plus élevé pour leur travail effectué en prison. En effet, son montant actuel ne permet pas de couvrir tous ces frais.

 

Le principe de resocialisation au cœur de la décision

La Cour Constitutionnelle appuie sa décision sur le concept de resocialisation : une meilleure rémunération du travail qu’ils effectuent améliore les chances de réinsertion des détenus, et diminue le risque de récidive. Ce qui, en définitive, peut faire économiser de l’argent à l’Etat, et faire baisser la criminalité.  Ce principe est nommé dans la loi fondamentale allemande, dans plusieurs dispositions de l’article 2. Les juges ont également souligné que c’est ce concept qui doit guider l’exécution des peines

 

Dans la décision on peut aussi lire qu’un meilleur salaire peut permettre « de faire prendre conscience au détenu, sous la forme d'un avantage tangible pour lui, la valeur d'un travail régulier pour une vie future responsable et exempte de nouvelles sanctions ». S’ils n’ont pas réellement conscience de ce qu’est un travail rémunéré, il peut être plus difficile pour les prisonniers de se réinsérer dans la société.

 

 Le sentiment de ne pas être suffisamment valorisé dans leur activité peut avoir des effets contre-productifs sur leur resocialisation 

-Doris König, présidente de la deuxième chambre de la Cour constitutionnelle

Il y a donc une obligation constitutionnelle et contraignante pour l’Etat de respecter ce principe de resocialisation. Pour cela, l’Etat doit investir des moyens pour permettre la réinsertion des individus. La Cour insiste aussi sur la nécessité pour les Länder de Bavière et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de mener une évaluation scientifique sur l’effet de resocialisation que peut avoir le travail rémunéré.

 

Doris König, présidente de la deuxième chambre de la Cour constitutionnelle, a ainsi estimé que « le sentiment de ne pas être suffisamment valorisé dans leur activité peut avoir des effets contre-productifs sur leur resocialisation ».

 

Néanmoins, les juges n’ont pas tranché sur le taux horaire que les prisonniers devraient percevoir. Ce sont les législateurs de chaque Land qui décideront, et ils devront continuellement vérifier que le montant de rémunération soit adapté. Les deux régions ont jusqu’au 30 juin 2025 pour faire preuve d’amélioration.

 

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