En Allemagne, le référendum d’initiative populaire est utilisé comme outil de démocratie directe par les Länder et les villes. À Berlin, plusieurs d’entre eux ont été organisés, avec une efficacité cependant limitée.
2014, 2021, 2023… Voilà maintenant une dizaine d’années que des référendums d’initiative populaire sont organisés dans la capitale allemande, sur des sujets aussi variés que l’aménagement urbain, l’immobilier ou encore le climat. Ce type d’instrument de démocratie direct permet aux citoyens, s’ils réunissent un nombre de signatures suffisant, de soumettre un projet de loi au Parlement de la ville.
Si ce dernier rejette le projet, alors les citoyens peuvent demander l’organisation d’un référendum. Si, en théorie, l’existence d’un tel dispositif est plutôt positive pour la participation de chacun à la démocratie, en pratique, à Berlin, l’issue de ces référendums s’avère souvent décevante.
Des initiatives approuvées remises en question
Depuis l’organisation de référendums d’initiative populaire, plusieurs d’entre eux ont été approuvés par les citoyens berlinois. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute le référendum à propos de l'usage de l’ancien aéroport de Tempelhof, en 2014.
En 2008 déjà, c’est par référendum que les Berlinois ont voté contre la poursuite de l’utilisation de Tempelhof comme aéroport commercial. Depuis 2010, l’aéroport est ainsi devenu l’un des parcs et espace de loisirs préféré des habitants de la ville. Le 25 mai 2014, le deuxième vote organisé visait à interdire la construction sur le site. Et c’est le « oui » à l’interdiction qui l’a emporté, avec près de 65% des voix.
C’est le collectif citoyen « 100% Tempelhofer Feld » qui avait annoncé cette initiative, et récolté plus de 185.000 signatures, après que le maire SPD de l’époque, Klaus Wowereit, avait annoncé vouloir construire des logements, mais aussi des espaces commerciaux sur le site de Tempelhof. Pour la mairie, il s’agissait de palier au problème du manque de logement dans la capitale. Pour les défenseurs de l’interdiction, il fallait lutter contre l’embourgeoisement de la capitale et préserver ce « poumon vert » de la ville.
Si l’initiative citoyenne a été approuvée massivement par les Berlinois, l’avenir du Tempelhofer Feld ne cesse depuis d’être remis en question. En 2018 déjà, les libéraux du FPD s’étaient prononcé en faveur d’un nouveau référendum, cette fois-ci pour autoriser la construction aux abords du parc. Les chrétiens-démocrates du CDU se sont, eux aussi, toujours dit favorables à une telle mesure : ils souhaitent l’organisation d’un deuxième vote sur l’utilisation de l’ancien aéroport.
Or, lors d’un projet de loi porté par la coalition CDU-SPD de l’époque, qui proposait de limiter les constructions aux bordures du terrain, les Berlinois étaient 60% à s’opposer à cette possibilité. Cela n’a pas empêché les partis du CDU et du FDP de faire figurer, dans leurs programmes électoraux de 2023, l’organisation d’une nouvelle initiative populaire. Ce sont maintenant les chrétiens-démocrates, alliés aux sociaux-démocrates, qui dirigent Berlin, l’avenir du Tempelhofer Feld semble donc encore incertain.
Une mise en œuvre compliquée
En septembre 2021, c’est un vote inédit et controversé qui a eu lieu dans la capitale, à la suite d’une autre initiative populaire : il s’agissait de se décider quant à l’expropriation des grands propriétaires immobiliers. Plus de 359.000 signatures avaient été recueillies par les initiateurs du vote, un record. Et c’est le « oui » qui l’a emporté, avec 56,4 % des voix, un score qui défiait les prédictions des sondages. Le seuil de participation avait également été atteint. En théorie, la ville aurait racheté plus de 240.000 logements, pour un coût de 30 milliards d’euros. Mais la mesure n’est jamais devenue réalité.
Ce vote de 2021 est un symbole de l’une des critiques adressées à ces référendums : ils ne sont pas contraignants. La mairie et le Sénat de la ville ne sont donc pas obligés de suivre le résultat. A ce moment-là, seul le parti de gauche Die Linke s’était prononcé en faveur du résultat. Le SPD, alors au pouvoir, s’était opposé à une telle disposition, notamment au travers de la parole de la maire SPD Franziska Giffey. Il n’y avait donc pas de réelle volonté politique d’appliquer le résultat du vote.
Surtout, l’application d’une telle loi aurait dû faire face à de nombreux défis juridiques. Si les conseillers juridiques de la Chambre de Berlin avaient estimé que la proposition était compatible avec la loi fondamentale allemande, l’établissement d’une législation a finalement échoué. De même, dans un rapport paru il y a quelques jours, la commission d’experts sur le référendum a jugé que le Land de Berlin avait compétence pour légiférer en la matière, et que la loi fondamentale allemande ne s’opposait pas à l’expropriation. Néanmoins, la création d’une législation en la matière reste peu probable dans les années à venir, vu l’opposition de la majorité des groupes politiques au pouvoir.
Un « oui » difficile à obtenir
La particularité de ces référendums d’initiative populaire réside également dans la nécessité de recueillir un certain nombre de voix pour que celui-ci puisse être approuvé. Ainsi, une votation n’est réussie qu’à condition que la majorité des participants, mais aussi un quart des votants, donnent leur accord. Or, cette dernière condition peut être difficile à atteindre, et aboutir à l’échec du référendum, comme ça a été le cas fin mars 2023, avec le vote sur la neutralité climatique pour Berlin.
Que pensent les Berlinois du référendum Berlin Klimaneutral 2030 ?
Nous avions, par ailleurs, recueilli l’opinion des Berlinois à ce sujet. Le projet avait notamment pour but d’obliger le Sénat à réduire de 95 % les émissions nocives pour le climat à Berlin d’ici 2030. Malgré un « oui » majoritaire, le référendum n’a pas été adopté, car seuls 18% des inscrits se sont prononcés en faveur. Or, un seuil minimal de 25% est requis. Echec donc pour ce référendum, malgré une forte mobilisation pour encourager au vote. La participation était, elle aussi, faible avec un taux d’un peu plus de 35%.
C’est là que réside un problème essentiel : comment encourager les Berlinois à se rendre aux urnes, à participer à la vie politique, alors même que les résultats de ces votations populaires ne sont pas toujours respectés ?
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