Édition internationale

VUE DES QUARTIERS - Le Köpi, ce centre social et culturel qui résiste et persiste

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 1 mars 2013

Lieu emblématique de Berlin, le Köpi, qui doit son nom à la Köpernickerstrasse dans laquelle il est situé, est le plus vieux squat autogéré de la ville. A lui tout seul, il forme avec son Wagenplatz (emplacement réservé aux véhicules aménagés) un kiez dans le quartier de Kreuzberg . A la fois lieu d'habitation et d'évènements culturels, le Köpi est devenu un des symboles de la scène punk de Berlin, qui se bat depuis des années pour continuer d'exister.

Entre la décision conjointe de la mairie de Kreuzberg-Friedrichshain et du Sénat de Berlin d'amputer 20 mètres au mur de Berlin afin de faire construire un immeuble de luxe au bord de la Spree et la mise aux enchères de deux parcelles du terrain occupé depuis 1990 par les membres appartenant au squat le Köpi, nous assistons ces derniers mois à un processus de transformation de la ville de Berlin qui s'accélère de plus en plus. Certains voient cela comme une évolution "normale" de la capitale allemande, d'autres y voient la mort de son âme, de ce qui fait que Berlin attire tous les ans des millions de touristes. Chacun est libre de penser ce qu'il veut sur ces changements plus qu'imminents mais les premiers touchés restent les personnes qui se sont accommodées et adaptées à une ville 'pauvre mais sexy', comme le disait son maire, Klaus Wowereit.

Parmi celles-ci, les nombreuses personnes vivant dans le "quartier" du Köpi, pas au sens administratif du terme mais social et humain, pourraient être bientôt victimes de cette conjoncture.
Défini comme étant un centre culturel et un lieu d'habitation autogéré par les occupants, le Köpi a construit son organisation sur un modèle horizontal, au sein de laquelle chacun a un rôle L'ensemble de la communauté participe à l'organisation de soirées, à l'ouverture et la tenue du bar, à la récupération de vêtements et nourritures, et à la mise en place des actions politiques. L'idée de ce projet est d'être financièrement totalement indépendant et ainsi de pouvoir appliquer leur propre modèle politique. Au fur et à mesure des années, s'est formée au sein de cet endroit, devenu rare voire unique en Europe, une sorte de société dans la société, qui peut parfois être vue comme une forme d'exclusivité par rapport aux personnes extérieures ou aux touristes un peu trop curieux à leur goût, mais qui a le mérite de résister aux nombreuses tempêtes auxquelles a été confrontées le Köpi depuis sa création.

Un symbole de la Wende
Lors de la chute du mur, de nombreux bâtiments et appartements situés aux alentours de cette "Todesstreifen" (zone de la mort) ont été délaissés par leurs propriétaires et récupérés par des activistes, appartenant pour une partie à la scène punk anarchiste. C'est durant cette période que le Köpi est né. Le bâtiment, construit en 1905 et situé au 137 de la Köpernikerstrasse, est tout d'abord occupé illégalement avant de devenir un centre social et culturel légal en 1991, par le biais d'un accord trouvé entre les habitants et l'agence immobilière Wohnungsbaugesellschaft Berlin Mitte mbH, alors propriétaire du terrain.
Repris depuis par d'autres sociétés de constructions immobilières, dont Petersen und Partner KG en 1995, le Köpi a été à maintes reprises menacé de fermeture et ses habitants d'expulsion. Ces tentatives de récupération du lieu et du terrain se sont, jusqu'à aujourd'hui, toujours soldées par des échecs dues parfois à une décision du tribunal mais également à une forte mobilisation des occupants et « amis » du lieu. Ce dernier propriétaire ayant été déclaré insolvable, le lieu a été remis, depuis une quinzaine d'année, entre les mains du créancier, la Commerzbank qui a décidé, pour récupérer son bien financier, si ce n'est plus, de mettre à plusieurs reprises aux enchères le terrain sur lequel est situé le Köpi, dont la valeur estimée dépasse le million d'euro. Une forte somme qui n'a pour le moment pas trouvé d'investisseurs assez solvables, ce qui a permis au centre social et culturel de se maintenir.

Afin d'avoir plus de chance de trouver un acquéreur, la Commerzbank a de nouveau procédé hier à une mise aux enchères, mais cette fois uniquement pour le terrain occupé par le Wagenplatz, d'une superficie de 10.000 m2. Dès 9 heures, une centaine de personnes se sont réunies devant le tribunal afin de montrer leur contestation. Après une heure et demie d'attente en musique, aucun acheteur n'a démontré un réel intérêt pour ce terrain malgré son emplacement au bord la Spree. Les conditions requises pour conclure la vente, prouver une solvabilité d'un minimum de 50 % de la valeur du terrain, pourraient être une des raisons de ce "non-achat". Une seconde explication serait la peur d'affronter les habitants du Köpi, qui, comme ils l'ont déjà démontré auparavant, ne sont pas prêts à céder un seul mètre carré de leur terrain. Pour le prouver, plusieurs activistes ont pénétré dans l'enceinte du tribunal pour hurler : "Qui achète le Köpi, s'achète également des nuits blanches !". Et il faut les croire, ce ne sont pas des paroles en l'air.

 Anaïs Gontier (www.lepetitjournal.com/Berlin) vendredi 1er mars 2013

A relire :

http://www.lepetitjournal.com/berlin/a-voir-a-faire/141632-vue-des-quartiers-au-fil-du-kiez-scheunenviertel

http://www.lepetitjournal.com/berlin/accueil/actualite/139802-vue-des-quartiers-la-transformation-fulgurante-de-neukoelln

http://www.lepetitjournal.com/berlin/accueil/actualite/138787-vue-des-quartiers-si-friedrichshain-nous-etait-conte

http://www.lepetitjournal.com/berlin/a-voir-a-faire/137890-vue-des-quartiers-decouvrir-prenzlauerberg-a-travers-le-regard-de-rolf-ganisch

http://www.lepetitjournal.com/berlin/a-voir-a-faire/berlin-en-touriste/140609-vue-des-quartiers-kreuzberg-entre-histoire-et-effervescence-culturelle

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Publié le 1 mars 2013, mis à jour le 1 mars 2013
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