Dimanche dernier, le prix de la Meilleure actrice pour "La vie d'Adèle" d'Abdellatif Kechiche a été décerné à Adèle Exarchopoulos par l'association cinématographique LAFCA (Los Angeles Film Critics Association). A 20 ans, Adèle est déjà l'étoile montante du cinéma français depuis sa révélation au festival de Cannes en mai 2013. Rencontre avec l'actrice dans le quartier le plus chic de Berlin.
Lepetitjournal.com/Berlin : Comment êtes-vous devenue comédienne ?
Adèle Exarchopoulos : Assez tôt. A 8 ans j'ai commencé les cours d'improvisation dans une école de théâtre et, à 12 ans, je me suis trouvée au bon endroit au bon moment : une directrice de casting m'a aperçue puis m'a conseillé de m'intéresser au monde du mannequinat. J'ai donc rencontré des photographes, fait quelques shootings? J'ai également tourné dans un court-métrage en Grande Bretagne durant l'adolescence. Au lycée, ma vie d'artiste est devenue plus compliquée du fait de la quantité de travail à fournir pour mes études. Mes parents et moi avions un accord. Je devais avoir de bons résultats scolaires si je voulais poursuivre ma carrière d'artiste, enchaînant les castings et les petits jobs.
Quel a été votre réaction en apprenant que le premier long-métrage dans lequel vous avez tourné, "La vie d'Adèle", a remporté la Palme d'Or, à Cannes ?
J'en ai eu les larmes aux yeux. Je ne réalise toujours pas ce que cela signifie, j'ai l'impression d'être dans un rêve. C'est de la folie ! Tout s'est passé très vite. D'abord, le film a été sélectionné par le jury ; l'équipe du film se doutait donc qu'il y avait une possibilité que "La vie d'Adèle" remporte la Palme d'Or. Mais de là à ce que cela arrive réellement? C'est impressionnant de se retrouver aux côtés de Steven Spielberg et de se rendre compte que le film d'Abdellatif Kechiche dans lequel on a joué est mieux récompensé que celui de ce réalisateur mondialement connu. Ce prix a changé beaucoup d'éléments dans ma vie d'artiste : cela m'ouvre des portes, me fait rencontrer des personnalités importantes?
Adèle Exarchopoulos Crédit Photo : Diana D'Angelo
Comment avez-vous découvert le scénario du film ?
Abdellatif Kechiche m'a renseigné sur tous les aspects du film, aussi bien sur le fond que sur la forme avant même que le tournage ne commence. J'ai rencontré le réalisateur de nombreuses fois avant d'être choisie pour incarner le personnage d'Adèle. Abdellatif Kechiche aime beaucoup observer les gens. Il a choisi de m'emmener dans des restaurants afin de voir la manière dont je me comporte, dont je parle, dont je mange ... La nourriture est un aspect important du film en ce sens où ce dernier met en scène des personnes issues de milieux sociaux différents, réunies au moment du repas. La manière dont les gens mangent, et ce qui se trouve dans leur assiette révèle énormément de choses. Kechiche m'a fait subir une série d'épreuves par le biais de questions? J'ignore ses critères et ne sais toujours pas la raison pour laquelle il m'a engagée pour jouer le rôle de l'héroïne dans "La vie d'Adèle".
Il y a t-il des scènes qui ont été moins faciles à jouer que d'autres ?
"La vie d'Adèle" comporte de nombreuses scènes d'amour et de relations sexuelles entre deux femmes. On pourrait penser que celles-ci sont les plus difficiles à jouer. En réalité, il faut s'attacher à l'ensemble du tournage. Celui-ci devait, à l'origine, s'étaler sur 3 mois. Finalement, l'équipe de "La vie d'Adèle" a travaillé durant 5 mois car Abdellatif Kechiche aime prendre son temps pour aboutir à ce que l'on peut qualifier d'excellent travail. Aussi, les scènes de séduction ont été relativement faciles à tourner car cela ressemblait fortement à ce qui s'est passé dans la vie réelle : j'ai rencontré Léa Seydoux, incarnant Emma dans le film, sur le plateau du tournage. Nous avons donc appris à travailler ensemble au même temps que nous avons appris à nous connaître. En revanche, le fait d'avoir plusieurs caméras installées à 30 centimètres du visage n'est pas facile ; cela s'est pourtant produit à maintes reprises durant le tournage.
Comment s'est passée votre rencontre avec Léa Seydoux ?
Calmement, progressivement, nous avons construit une relation amicale sur le tournage et, amoureuse dans le film. Cela s'est fait de manière naturelle. Les scènes érotiques étaient assez amusantes et plaisantes à jouer, nos corps bougeant un peu comme ils le feraient pour une chorégraphie de danse. Je considère que lorsque les personnages font l'amour, leur corps s'exprime face à des caméras. La part d'improvisation, de réflexes physiques a fait que je me suis sentie à l'aise en sa compagnie.
Ce film a-t-il eu un impact sur votre perception de la vie ?
Absolument. J'ai 20 ans et cette expérience m'a ouvert les yeux sur beaucoup d'aspects de la société qui pourraient être regardés autrement. Le film parle d'amour entre deux personnes et non d'homosexualité. C'est là que réside toute l'originalité de "La vie d'Adèle". Le tournage a eu lieu à la même période que les débats sur le mariage entre personnes de même sexe, en France. C'est un film de son temps, qui parle d'amour libre sans mettre de mot sur ce qui n'a pas besoin d'être nommé. Un souffle de liberté qui dit non aux idées préconçues et oui à l'amour, tout simplement.
Pensez-vous travailler de nouveau avec Abdellatif Kechiche ?
Oui, cela est certain. Malgré le scandale médiatique survenu il y a quelques semaines concernant la manière dont Abdellatif Kechiche tourne ses films (celui-ci répétant parfois certaines scènes 100 fois avant d'être satisfait du résultat proposé à l'écran) je recommencerai volontiers à travailler avec lui. Toutefois, j'ai 20 ans et n'ai peut-être pas encore assez d'expérience pour ses prochains films. Peut-être l'occasion se présentera-t-elle dans quelques années, lorsque j'aurai travaillé avec d'autres personnes.
Propos recueillis par Diana D'Angelo (lepetitjournal.com/Berlin) mardi 10 décembre 2013
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