

Charlie Schlingo faisait des bandes dessinées. Leurs titres parlent pour lui : Désiré Gogueneau est un vilain, Patron une cuite s'il vous plait ! ou Les saucisses de l'exploit.
Mais Charlie Schlingo était lui même une bande dessinée, un personnage imprévisible, mal élevé et fantasque. Le fréquenter était un délire permanent, comme le racontent ses amis, l'écrivain Jean Teulé et la dessinatrice Florence Cestac, dans un volume biographique, drôle et émouvant comme son titre : Je voudrais me suicider mais je n'ai pas le temps.
Il faut dire que les choses commençaient mal pour le petit Charlie Schlingo, victime de la polio quelques semaines avant l'arrivée du vaccin en France. Pour surmonter les douleurs liées à la maladie, le garçon s'était réfugié dans les comics. Ce sera sa vie, une vie de dérision désespérée, de provoc, de farce.
Son véritable nom même était un gag, l'?uvre d'un officier d'état civil dyslexique ayant transformé en miroir Baudouin en Ninduab. Ça ne s'invente pas!
Rire ou pleurer
Apparemment, tous ceux qui, de près ou de loin, ont croisé Schlingo ont une anecdote à raconter. Jean Teulé et Florence Cestac ont donc fait des choix et sélectionné les anecdotes certifiées exactes. De la fondation de la revue Le Havane Primesautier de ses débuts à la création du magazine Grodada, Je voudrais me suicider fait revivre le temps de la déglingue. On y croise Wolinsky et le professeur Choron. De bars en bars, d'idées géniales en beuveries, d'albums en cuites, de drogues en succès confidentiels, Charlie a sans cesse frôler l'abîme et cultivé l'excès, toujours accompagné d'une gentille petite chienne baptisé la méchanceté.
Sa silhouette, toute en moustache et épaules (il marchait sur les mains pour soulager les douleurs de la polio) est habilement évoquée par le trait noir et blanc de Florence Cestac, parfois brouillon comme son personnage mais toujours juste, vivant et plein d'une tendresse retenue même quand elle touche au sordide. Même un peu décousu, Je voudrais me suicider est un très joli témoignage, confraternel et pas gnangnan pour un sou.
En refermant le livre, on se dit que ça devait être fatiguant mais immense d'être le copain de Charlie Schlingo. Il a été retrouvé mort à 49 ans, en juin 2005, suite à une chute dans son appartement.
Jean Marc Jacob (www.lepetitjournal.com ) lundi 23 février 2009
Je voudrais me suicider mais je n'ai pas le temps, Florence Cestac et JeanTeulé, (Dargaud), 100 pages, 18 euros


































