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Syndrome d’Ehlers Danlos : des Françaises de Barcelone témoignent

Trois Françaises vivant à Barcelone Trois Françaises vivant à Barcelone
Eve, Laetitia et Magali, toutes trois résidentes à Barcelone, souffrent su SED / DR
Écrit par Edith Vandenberghe
Publié le 20 mai 2021, mis à jour le 15 juin 2023

Le mois de mai est le mois de la sensibilisation au SED, une maladie héréditaire dite rare, mais qui touche en fait plus de 17 millions d’Européens. Pourtant, cette maladie est inconnue ou au mieux incomprise par la plupart des médecins, ce qui conduit les patients à une errance médicale qui dure en moyenne 22 ans. Trois Françaises de Barcelone, victimes de la maladie, témoignent de leur quotidien et du traitement qu'elles suivent en Espagne.


Le syndrome d’Ehlers est souvent confondue avec d’autres, comme la fibromyalgie, la maladie de Crohn, la sclérose en plaques, l’asthme ou même à des violences parentales pour les enfants… Ce qui peut avoir un effet délétère sur les patients à qui on administre des traitements, voire des examens et opérations qui peuvent s’avérer contre-indiqués, voire dangereux pour eux… La particularité de cette maladie, c’est qu’elle peut passer totalement inaperçue, que les personnes qui en souffrent peuvent avoir des manifestations très différentes, même au sein d’une même famille, ce qui a pour conséquence que beaucoup de médecins vont parfois minimiser les douleurs de ces patients. Sans parler de l’entourage qui a tendance à penser que la personne est hypocondriaque. C’est en tous cas une des anecdotes que Laetitia, Eve et Magali, toutes trois souffrant du SED et installées à Barcelone, ont en commun. 

laetitia sed barcelone


On mettait mes douleurs sur le fait que j’étais maladroite

"Depuis que je suis toute petite, j'ai toujours quelque chose. Une petite nature comme on dit. Ma mère m'appelle Miss Cerfeuil. Quand j'ai pas mal au c**, j'ai mal à l'œil", raconte en plaisantant Laetitia. Diagnostiquée en octobre 2020, pour cette Française de Barcelone le parcours a été long, avec un agenda rempli de visites médicales, entre médecin traitant, rhumatologue, neurologue et autres spécialités. "On mettait mes douleurs sur le fait que j’étais maladroite. Même si avoir un diagnostic ne m’a pas vraiment apporté de solution, pouvoir mettre un nom sur ma maladie a été une sorte de soulagement", rapporte-t-elle. "Chez moi, le SED a commencé à se manifester très jeune. Je me déboîtais souvent l’épaule alors que je ne faisais rien de spécial. Parfois simplement en essayant d’attraper quelque chose en haut d’une étagère ! Et puis j’étais toujours très souple. Je peux faire des choses assez délirantes avec mes mains et mes doigts. D’ailleurs dans ma famille pouvoir faire ce genre de torsions de l’auriculaire est très typique. En plus, comme je souffre aussi d'une maladie auto-immune, il était difficile de différencier les symptômes du SED".

Le syndrôme d’Ehlers Danlos est effectivement une maladie génétique qui se transmet à au moins la moitié des enfants. Il s’agit d’un problème lié à une mutation génétique du collagène, présent dans nos tissus conjonctifs, soit 80 % de notre corps. Ce qui veut dire que les symptômes peuvent se manifester à différents organes ou membres du corps. Pourtant, pour le type hypermobile, il n’existe pas de test génétique à ce jour pour confirmer le diagnostic, qui reste clinique.


De la clinique Dexeus à l'hôpial Plato, en passant par le CAP

"À ce jour, j'essaye d'adapter mon quotidien avec le syndrome, écouter mon corps et accepter que je ne puisse plus faire certaines choses comme avant", témoigne-t-elle. "A Barcelone, c’est mon médecin de famille, la 'doctora de cabecera' du CAP, qui est à l'écoute et n'hésite pas à dériver ses patients et aller au-delà des protocoles", explique Laetitia concernant le suivi de sa maladie en Espagne. "Celui qui m'a diagnostiqué est mon rhumatologue, à la Clinique Dexeus. Je suis aussi suivie par un neurologue à l'hôpital Plato".
 

Suivi de la maladie en Espagne

"L'Icatme à la Dexeus nous aide ma fille et moi pour la marche", poursuit Laetitia, "Nous achetons nos orthèses et semelles auprès de l'Instituto Tecnico Ortopedico. Je fais la réhabilitation auprès de l'Hospital Clínic et j'ai rencontré une super Doc "Núria" qui en voyant que je portais des orthèses non adaptées à mes mains m'a fait une ordonnance : ainsi le paiement a été pris en charge à hauteur de 85 % par la Sécurité sociale espagnole. Enfin, pour me soulager, je consulte un acupuncteur au Centro de terapias y Medicina Natural Bcn". De fait, les patients d’Ehlers Danlos sont caractérisés par les nombreuses orthèses qu’ils doivent souvent porter pour soulager leur corps des douleurs -d'où le surnom de "Robocop" qu'on leur attribue parfois.

 

eve sed barcelone

Orthèses plantaires, pour les mains, les genoux, les épaules, la nuque… Une autre personne, qui est restée anonyme, et qu’on appellera Eve, connaît aussi le calvaire.


Eve : des médecins, un rhumatologue et l'intuition d'un podologue

Elle vit à Barcelone depuis de nombreuses années et a été diagnostiquée après 25 ans d’errance médicale. D’abord HSD (Hypermobility Spectrum Disorder) puis SEDh. HSD est l'abréviation en anglais de troubles du spectre de l'hypermobilité, qui en soit est difficile à dissocier du SEDh comme l’explique très bien cet article. Selon une association espagnole du SED, les rhumatologues auraient tendance à parler de HSD et les généticiens de SED hypermobile.

"Ça a commencé avec les pieds-plats et la scoliose dès mon plus jeune âge. Mais avec les séances de kiné et des chaussures orthopédiques, j’ai eu une enfance plutôt tranquille, même si je me suis fait quelques luxations, mais en pensant que c’était juste la faute à pas de chance…", décrit Eve. "A mon adolescence, j’ai commencé à avoir des douleurs intenses aux pieds, m’empêchant de pouvoir marcher ou rester debout plus d’une heure par jour. C’était très handicapant, mais la plupart des gens ne comprenaient pas pourquoi j’avais mal. Après une opération qui m’a laissé des séquelles à vie, j’ai perdu confiance en la médecine et j’ai décidé de ne plus parler de mes douleurs à quiconque. Ni aux médecins, ni aux amis. Pour mieux m’intégrer socialement, je décidais de faire comme si de rien était, évitant de rester debout pour éviter les douleurs. Les gens qui ne me connaissaient pas bien n’y voyaient que du feu. Mes amis proches voyaient que j’avais un problème. Mais certains pensaient que j’étais hypocondriaque, ou une râleuse de service", rapporte-t-elle. Les personnes atteintes du SED ont en effet des problèmes de régulation de température du corps. Ce qui peut se traduire par des extrémités froides, des sueurs ou des bouffées de chaleur… Puis tandis que les symptômes se multiplient, son rhumatologue commence à douter de la fibromyalgie, diagnostiquée dans un premier temps. C’est finalement son podologue en France qui évoque pour la première fois en 2019 le SED. "Il m’a posé des questions que je trouvais assez bizarres, du style : 'est ce que tu te prends souvent l'encadrement des portes ?'. Ça m’a fait rigoler parce que je me prends les encadrements très régulièrement", continue Eve. C’est ce qu’on appelle le signe de la porte, un problème lié à la proprioception, un symptôme très fréquent chez les personnes ayant le SED.


Le SED : invisible en Espagne

Le mois de mai, c’est aussi le mois de la célébration de la fête du travail, mais il y a encore beaucoup à faire pour l’intégration des personnes en situation de handicap. Les trois personnes interviewées ont eu un parcours un peu similaire à ce niveau.

"Avoir un handicap invisible à première vue ne facilite pas les choses. On peut croire qu’on fait semblant ou qu’on exagère", témoigne Eve. Les victimes du SED sont souvent oubliées, surtout en Espagne. Et leur handicap est rarement reconnu. Elles n’ont pas le droit ni à une chaise roulante, ni à une reconnaissance de handicap, même si elles sont limitées à la marche à quelques heures voire quelques minutes par jour.

Ainsi, Laetitia n’a aucune reconnaissance de son handicap, ici en Espagne, malgré tous les arrêts maladie que lui ont provoqués le SED. Eve, quant à elle, explique qu’elle a longtemps refusé l’idée de faire la demande de reconnaissance médicale. Mais quand elle a perdu son travail en 2018 à cause d’une discrimination liée à sa situation, elle a décidé d’en faire la demande. Le taux obtenu n’est pas à la hauteur de sa réalité, mais c’est déjà un pas en avant lui permettant de pouvoir avoir de meilleurs accès aux transports de Barcelone par exemple. Ou à des réductions dans certains centres de kinésithérapie.


Magali : installée à Barcelone, suivie à Perpignan

magali sed barcelone

Magali explique que ce sont d’abord ses genoux qui ont souffert de cette maladie. "Mon diagnostic a été posé en 2003 alors que je devais être opérée pour la seconde fois du genou gauche", raconte-t-elle. "Ma sœur, atteinte du SED, est également tombée sur un neurologue qui a posé le nom du Syndrome d'Ehlers Danlos. J’en ai parlé à mon chirurgien qui a préféré ne pas m’opérer, tant que le diagnostic n’était pas définitif. Habitant Paris à l’époque, j’ai été dirigée vers l'Hôpital Européen Georges Pompidou pour faire des tas d’examens. Le verdict est tombé : SED type hypermobile". Concernant le suivi de sa maladie, Magali explique : "J’ai préféré continuer à être suivie à Perpignan, même si avec la pandémie, c’est un peu plus compliqué de m’y rendre. Mais en France, c’est plus simple et j’ai une reconnaissance de handicap".


Conseils aux personnes en errance médicale depuis des années

Quels conseils donneraient Laetitia, Eve et Magali à des personnes en errance médicale depuis des années ? "Je leur dirais de ne pas perdre espoir. Le syndrome d’Ehler Danlos est une maladie orpheline oui, mais les médias, les médecins en parlent de plus en plus", répond Magali. Laetitia quant à elle reste sur la même idée : "Ne pas lâcher et insister. Vous vous connaissez et si vous sentez qu'il y a un problème, n'hésitez pas à voir différents professionnels", recommande-t-elle. Eve enfin explique qu’elle pense souvent au parcours de sa mère, qui n’a jamais été diagnostiquée, mais qui a eu de gros soucis qui semblent être liés à cette maladie. Et même si parfois, elle a failli y passer, elle a réussi à se relever et à trouver une solution à chaque problème. Il ne faut donc pas perdre espoir, même quand on est au plus mal. Le directeur du centre de maladies SED, fibromyalgie et fatigue chronique de l’Hospital del Mar à Barcelone, a effectivement expliqué à Eve qu’il n’y a pas de médicament pour cette maladie. Chaque problème doit être pris en charge avec le spécialiste correspondant et la thérapie adéquate. 
 


 

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