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Nelly Jourda: "Le confinement est une aberration psychologique"

NELLY jourdaNELLY jourda
Écrit par Francis Mateo
Publié le 1 décembre 2020, mis à jour le 2 décembre 2020

Depuis son cabinet de Barcelone, la psychologue française Nelly Jourda a pu constater les effets des restrictions sanitaires liées à l'épidémie de Covid-19 sur la santé mentale. Avec des conséquences particulières pour les expatriés. Interview.


Comment ont évolué les consultations depuis le premier confinement ? 

J'ai constaté que plusieurs symptômes se mélangeaient. D'abord il faut savoir que les gens ne consultent pas en exprimant directement des problèmes liés au confinement, par exemple ; ils viennent dans notre cabinet de psychologie en disant qu'ils ne se sentent pas bien, ou parce qu'ils sont anxieux, qu'ils ont perdu le sommeil ou l'appétit. Et on s'aperçoit souvent que ces troubles existaient déjà avant l'application des mesures sanitaires, mais qu'ils se sont exacerbés à cause des conditions imposées, soit à cause de la peur de la maladie, ou encore en raison d'une hyper-responsabilisation par rapport à une possible contagion.


Quels peuvent être les symptômes et les troubles ?

Cette situation génère une incertitude, une démotivation qui peut donner pied à la dépression et à un état d'angoisse. Quand on est déstabilisé par des conditions de vie restrictives et inhabituelles, on a tendance à répondre par de l'anxiété, ce qui peut aller jusqu'à développer des TOC, des troubles obsessionnels compulsifs pour tenter d'exercer notre pouvoir de contrôle d'une façon ou d'une autre. On va par exemple essayer de contrôler son hygiène jusqu’au lavage de mains compulsif. Tous ces troubles peuvent conduire à des maladies mentales, du moins à l'empirement de maladies mentales, mais également à une somatisation. Et plus les restriction sanitaire sont fortes, plus les risques sur la santé mentale sont grands.


Y a-t-il une sensibilité particulière de la population française en Espagne ? 

En effet, comme une partie de ma clientèle est française, j'ai pu constater une différence de réaction liée au fait d'être soumis à deux « sons de cloche », entre les injonctions divergentes émises en France et en Espagne. Cela rajoute une part d'incertitude et donc davantage de confusion. Mes patients français sont donc soumis depuis le début de cette crise sanitaire à une double incertitude et des messages contradictoires, selon qu'ils proviennent de leur pays d'origine ou de leur pays de résidence. Et cela vaut évidemment pour toutes les populations expatriées. Cette incohérence des injonctions sanitaires empêche de pouvoir prendre des mesures de décision adaptées. 


Quelles ont été les personnes plus plus affectées par le confinement ?

Le confinement est une aberration psychologique, donc tout le monde peut être psychologiquement affecté par cette privation de liberté. Mais les personnes les plus exposées à ce risque sont justement celles qui n'avaient pas une relation directe avec les interdictions, qui étaient intimement convaincues de pouvoir faire ce qu'elles voulaient de leur vie. Certains ont vécu le confinement comme un effondrement car ils se retrouvaient pour la première fois soumis à une telle limitation. Part ailleurs, l'impact des mesures sanitaires est particulièrement fort sur la santé mentale des enfants privés d'une partie de leur capacité d'interaction, notamment à cause du masque pour ce qui concerne les plus petits. Mais on a pu aussi constater à quel point les adultes renvoyés au télétravail ont subi une démotivation brutale, faute d'échanges avec d'autres personnes.... L'être humain est capable d'assumer une souffrance psychologique pendant un temps, il peut s'adapter, mais si cette souffrance se chronifie, les troubles apparaissent, s'aggravent, et risquent de conduire à des situations beaucoup plus dramatiques.
 

francis mateo
Publié le 1 décembre 2020, mis à jour le 2 décembre 2020
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