Quand Marc et son épouse ont reçu l'appel des voisins de Calpe, où ils possédaient une résidence secondaire, il était déjà trop tard : la maison avait été forcée quelques jours auparavant et elle était visiblement habitée par des squatteurs qui, s'ils se faisaient discrets derrière les volets toujours clôts, n'en semblaient pas moins décidés à s'installer pour de bon.
Les noms, les lieux et les circonstances de cette désagréable aventure ont été changés. Et si cette dernière a néanmoins bel et bien eu lieu, elle ne reflète, en impliquant la résidence d'un particulier, qu'une partie résiduelle du volume des occupations qui sont effectivement enregistrées sur l'ensemble du territoire espagnol ces dernières années. Faisons le point sur une situation qui a connu un boom médiatique ces derniers mois, en distinguant les différents cas de figure et en expliquant ce qui peut être fait, dans le cas où vous souhaitez expulser de votre bien immobilier, un occupant indésirable.
Les chiffres
Tout d'abord, les chiffres. Et un constat : on ne possède pas un registre à jour des "occupations" illégales de logement en Espagne. Les statistiques permettant de mesurer le phénomène sont liées aux plaintes déposées : exactement 14.621 en 2019, largement à la hausse sur les dernières années. Avec une donnée pour le premier semestre 2020, 7.450 plaintes posées sur la période, en légère croissance donc. Géographiquement parlant, près de la moitié des cas ont eu lieu en Catalogne et principalement à Barcelone, suivi (de loin) par l'Andalousie et la Communauté de Madrid.
Mais attention ces chiffres constituent une photographie du phénomène qui peut être trompeuse. Les chiffres ne sont d'ailleurs pas forcément plus parlants en France, au cas où on souhaiterait pouvoir comparer la réalité entre les deux pays. Et il suffit pourtant de quelques clicks sur le Net pour constater que le sujet entraîne les mêmes passions qu'au sud des Pyrénées. Selon le journal La Croix, "en 2018, seuls 1865 ménages ont été assignés en justice pour occupation sans droit ni titre, ce qui couvre les squatteurs mais aussi les occupants qui se sont maintenus dans un logement qu’ils auraient dû quitter".
De fait, le distinguo est essentiel et on verra qu'il est aussi pris en considération par la justice espagnole et qu'il a des implications importantes sur les procédures d'expulsion, si elles sont nécessaires. On notera surtout que des quelque 14.500 plaintes déposées de façon annuelle en Espagne, l'immense majorité concerne soit le squat d'immeubles vides appartenant à des banques ou à des fonds d'investissement, soit la cessation de paiement du loyer, de la part de locataires rentrés dans le logement avec un contrat signé en bonne et due forme.
Les cas de squat de résidences appartenant à des particuliers sont quant à eux bien plus rares. Pour une simple raison : "Il est dans l'intérêt du squatteur que le propriétaire réagisse le moins vite possible", explique Javier Ramos Rodriguez, avocat spécialiste en Droit civil au sein du cabinet Alonso Roman & Asociados, à Madrid. "Or on sait que les propriétaires d'une résidence, fusse-t-elle secondaire, initieront très rapidement les procédures d'expulsion, tandis que les banques peuvent tarder des mois, voire des années à réagir, simplement parce qu'elles ne sont pas toujours au courant de la situation d'occupation".
En 2018, on enregistrait concrètement, selon l'Institut National de Statistiques espagnol (INE), seulement 285 condamnations pour violation de domicile -"allanamiento de morada" en espagnol. La notion de domicile est centrale à cet égard et elle fait référence au fait que le logement qui est squatté est bel et bien habité par son propriétaire. On y reviendra. Notons en attendant que l'immense majorité des condamnations dictées en 2018 ne concernent donc pas des violations de domicile, mais des cas d'appropriation indue de logement ("usurpación" en espagnol).
Ma propriété peut-elle être considérée comme mon domicile ?
Reprenons le cas de notre couple de Français qui voient leur résidence secondaire squattée, tandis qu'ils sont chez eux en France. Quels recours pourront-ils entreprendre pour expulser les intrus ? Combien de temps la démarche va-t-elle prendre ? Qu'est-ce qu'elle risque de leur coûter ? Peuvent-ils se trouver dans le cas de figure où le squatteur continue à vivre dans leur propriété, sans pouvoir l'en expulser ?
Pour répondre à ces questions, il faudra tout d'abord déterminer si le logement squatté correspond au "domicile" du propriétaire. Qu'il s'agisse de sa résidence principale ou secondaire, a fortiori dans le premier cas mais aussi dans le second, le propriétaire pourra démontrer qu'il "habite" bel et bien le logement, ne serait-ce que quelques jours ou quelques semaines à l'année. Pour cela, le témoignage d'un voisin, le fait que l'on dispose d'objets personnels dans la demeure, des photos de famille, des vêtements ou un ordinateur par exemple, constituent autant de preuves que cette même demeure peut être considérée comme "domicile" ("morada") du propriétaire. "Attention, avertit Javier Ramos Rodriguez, ce n'est néanmoins pas la même chose de disposer d'une résidence secondaire que de disposer d'un logement vide, qui nous appartient mais dans lequel nous ne vivons jamais". Exemple : un immeuble neuf qui vient d'être construit mais dans lequel le propriétaire n'est pas encore entré vivre ou, autre exemple, un logement reçu en héritage, où a pu vivre une personne de la famille, mais qui ne constitue pas le domicile du propriétaire.
Que faire si un squatteur est entré dans mon domicile (que ce soit ma première ou seconde résidence) ? N'ayez aucun doute à cet égard : il faut aller porter plainte à la police et initier de la sorte une procédure pénale. À noter que s'il s'agit de votre résidence secondaire et que vous vivez actuellement hors du pays, il est recommandable d'avoir eu la précaution de céder certains droits, par acte notarié, à une personne de confiance vivant à proximité du logement et pouvant effectuer la démarche en votre nom. Ladite démarche entraînera l'intervention rapide de la police, qui pourra, une fois dans le logement, collecter les indices prouvant que le logement est bel et bien assimilé au domicile du propriétaire (voir les indices cités en exemple dans le paragraphe précédent), et le cas échéant expulser les occupants. "Si les squatteurs ne laissent pas rentrer la police, cette dernière rentrera par la force", explique Coral Ramos Gonzalo, avocate spécialiste en droit pénal du cabinet Alonso Roman & Asociados. "Leur intervention est immédiate", confirme-t-elle. La procédure judiciaire qui s'ouvre en conséquence de cette intervention peut quant à elle être plus ou moins longue et plus ou moins onéreuse pour le propriétaire. "Les honoraires peuvent varier d'un avocat à l'autre et les délais d'un tribunal à l'autre", explique Coral Ramos Gonzalo. Qui avertit : "Avec la pandémie de Coronavirus, les délais se sont rallongés". Quant aux squatteurs, ils risquent entre 6 mois et 2 ans de prison et les peines peuvent être plus lourdes si la violation de domicile s'est faite avec violence ou intimidation.
"L'expérience nous dit que disposer d'une assurance logement est toujours une aide", observe Javier Ramos Rodriguez. "Il est souhaitable de prêter attention aux clauses et chaque police d'assurance a ses spécificités, mais dans bien des cas, l'assurance couvrira les frais des dégâts éventuellement occasionnés lors de l'occupation du domicile".
Que se passe-t-il s'il n'est pas possible de prouver que ma propriété est aussi mon domicile ?
La situation est effectivement plus délicate s'il ne peut pas être démontré que la propriété squattée est aussi le domicile du propriétaire. Dans ce cas-là, on sort du cadre de la violation de domicile et on entre dans celui de l'appropriation indue de logement ("usurpación" en espagnol).
Elle concerne un peu plus de 6.000 condamnations par an en Espagne, et elle inclut deux cas de figure différents : l'immense minorité concerne l'entrée d'okupas dans les résidences de particuliers ; le reste concerne principalement les situations où les locataires cessent de régler le loyer d'un logement, tout en continuant à l'occuper. "On a là à faire à une réalité beaucoup plus tangible, qui concerne l'essentiel des cas d'expulsion sur lesquels nous sommes amenés à intervenir, et qui est liée dans la majeure partie des cas à des phénomènes d'appauvrissement", éclaire Javier Ramos Rodriguez. L'avocat, qui traite une trentaine de cas d'expulsion par an, en défendant selon les affaires, les intérêts des propriétaires ou des locataires, observe une augmentation de la tendance, surtout depuis le début de la crise du Coronavirus. Et d'ajouter : "Dans la plupart des cas, les locataires ne choisissent pas de ne pas payer leur loyer ; ils s'y voient contraints de par leur situation économique. Cela implique notamment que même si le propriétaire obtient l'expulsion des locataires, il risque de ne jamais pouvoir percevoir les indemnités liées aux loyers non payés". Là encore, une assurance logement peut permettre de pallier cette situation, puisque l'assureur pourra prendre à sa charge le remboursement des mensualités non réglées. En outre l'assurance peut aussi prendre à sa charge l'étude de solvabilité des locataires avant la signature du contrat, ce qui permet de minimiser les risques d'impayés. "Il existe enfin le cas des professionnels de l'impayé, observe Javier Ramos Rodriguez. Ils payent une ou deux mensualités, puis cessent de régler leur loyer et restent dans le logement jusqu'à leur expulsion, après laquelle ils recommencent la même opération, dans un autre logement. Cela reste cependant une attitude très anecdotique sur le marché immobilier".
Attention, dans le cadre de la crise du Coronavirus, une moratoire courant jusqu'au 31 janvier 2021, protège les publics les plus vulnérables en empêchant l'expulsion de ces derniers. Par ailleurs, la procédure civile pour impayé est une procédure qui peut être longue, même si les délais ont été raccourcis de moitié avec l'introduction il y a peu d'une loi d'expulsion expresse. Une fois la procédure lancée, et sans réponse de l'occupant indésirable, l'expulsion peut avoir lieu au terme de 3 mois environ. Mais si l'autre partie décide d'aller en jugement, ce dernier pourra ne tomber qu'au terme d'1 an environ... Mais encore une fois tout dépend de la charge des tribunaux où sont traitées les affaires. L'un dans l'autre, les procédures peuvent paraître particulièrement longues pour les propriétaires, surtout s'ils estiment être victimes de l'abus de la partie adverse.
On a squatté ma propriété, je ne peux pas prouver que c'est mon domicile. Que faire ?
Dans le cas de l'entrée de squatteurs dans une propriété de particulier qui ne fait pas office de domicile, le propriétaire aura le choix entre agir par la voie pénale ou la voie civile. C'est généralement le délai d'expulsion des squatteurs qui va décider son choix et le propriétaire aura donc intérêt à bien se faire conseiller, pour y voir clair dans le labyrinthe procédurier qui l'attend. Il ne coupera pas à une procédure pouvant aller dans les meilleurs des cas de 3 mois à un an et plus, en fonction de la situation et de la charge du tribunal. La voie civile, habituellement considérée la plus agile, suppose qu'une fois la demande présentée, les squatteurs disposent de 10 jours pour soit s'opposer et faire prospérer la procédure devant les tribunaux, soit quitter le logement. La plupart des squatteurs font la sourde oreille, ou autrement dit décident de ne rien faire, auquel cas une date d'expulsion est fixée et les occupants du logement en sont avertis. "La plupart du temps, connaissant cette date, ils quittent les lieux avant d'en être expulsés", observe Javier Ramos Rodriguez.
A-t-on intérêt à faire appel à des entreprises spécialisées dans le délogement des okupas ? "Passer par ce type de services, c'est s'exposer à un risque", estime Coral Ramos Gonzalo, "parce que s'il y a usage de la violence, les squatteurs peuvent se retourner contre le propriétaire, qui se retrouvera devant les tribunaux du côté de la défense, et non de l'accusation".
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