Christian Marion est né l'année où son prédécesseur, Philippe Saman, devenait directeur de la la chambre de commerce française de Barcelone.... il y a 43 ans. La succession à ce poste marque donc aussi un changement symbolique de génération pour la plus ancienne des CCI françaises à l'international. Interview.
La chambre de commerce a intégré un rôle de "pont" entre les start-ups et les sociétés "corporate"
Qu'est-ce qui vous a conduit à la direction de la chambre de commerce française de Barcelone ?
Christian Marion : J'y vois une suite logique à tout mon parcours. Je dirais même que c'est dans mon ADN franco-espagnol, puisque je représente la troisième génération de Français installés en Espagne, où mon grand-père avait participé à l'implantation de Citroën dans les années 50. Je suis moi-même né à Barcelone, et j'ai fait toutes mes études entre Madrid et la capitale catalane avant de diriger ici la "french tech" pendant deux ans, puis de lancer la start up Famileo. Au-delà de cet aspect personnel, j'avais envie de relever ce challenge, de diriger la doyenne des chambres de commerce françaises de l'étranger, pour prendre une part active au renforcement des relations économiques entre la France et l'Espagne, qui est depuis toujours l'une des grandes vocations de cette institution. D'autant que les entreprises doivent aujourd'hui affronter de nouveaux défis : après la première grande vague de sociétés françaises qui se sont implantées à Barcelone dans les années 60 et 70, notamment dans l'industrie et la distribution, nous voyons arriver ces dernières décennies une autre génération d'entreprises plus technologiques qui prennent le relais. En ce sens, la chambre de commerce a intégré un rôle de "pont" entre les start-ups et les sociétés "corporate", au-delà du lien plus général entre la France et l'Espagne. Et je crois qu'il est essentiel de renforcer cette dimension.
450 entreprises adhérentes, dont à peu près 50% de sociétés françaises
Avec de nouveaux services en ce sens ?
Il s'agit en effet d'aller plus loin dans cette collaboration et ces compétences. La Chambre de Commerce Française de Barcelone s'est ainsi spécialisée au fil des années, à travers notamment la création de commissions verticales. Dont par exemple la "commission RH" qui regroupe une quarantaine de directeurs de ressources humaines ; ce qui permet de réfléchir ensemble sur des problématiques communes, comme ce fut le cas pendant la pandémie au sujet du chômage partiel ou du télétravail pour ce groupe RH. Nous regroupons sept commissions de ce type, notamment aussi dans le domaine financier ou celui de l'innovation, pour favoriser ces échanges. Cela s'inscrit dans une plus grande collaboration entre les entreprises qui sont déjà présentes en Espagne ; nous fonctionnons ici à la façon d'un club d'entrepreneurs, puisque la chambre appartient à ses membres, c'est à dire aux représentants des 450 entreprises adhérentes, dont à peu près 50% de sociétés françaises. Par ailleurs, nous allons évidemment continuer à accompagner les entreprises françaises qui s'intéressent au marché espagnol, et catalan en particulier, à travers nos services pour favoriser l'implantation, la création de filiales, la recherche de partenaires ou les études de marché.
Beaucoup d'entrepreneurs français partagent leur vie professionnelle entre Barcelone et Paris
Quelle est aujourd'hui l'attractivité du marché catalan et espagnol pour les entreprises françaises ?
Les motivations peuvent être multiples, notamment à Barcelone : développer des centres d'innovation, implanter un réseau commercial, trouver des talents sur place... Certaines entreprises françaises vont s'installer ici, d'autres vont regrouper leurs forces de vente vers le marché français, et certaines vont se tourner aussi vers des marchés européens comme l'Italie, en profitant de Barcelone pour sa dimension de « hub » et de capitale méditerranéenne. Il faut par ailleurs savoir que beaucoup d'entrepreneurs français partagent leur vie professionnelle entre Barcelone et Paris. Souvent, ces chefs d'entreprises se développent suivant une logique identique: installation dans la capitale catalane pour convenance personnelle, prospection du marché français depuis Barcelone, puis développement sur le marché espagnol. À nous de les accompagner sur ce chemin.
Nous sommes aussi et surtout les porte-paroles des entrepreneurs
Comment la chambre de commerce française de Barcelone se positionne-t-elle d'un point de vue institutionnel ?
Nous avons un rôle de liaison entre les institutions et les entreprises. Dans une période où il est compliqué de parler le même langage d'un point de vue entrepreneurial et administratif, je pense que les associations comme la nôtre peuvent avoir leur mot à dire dans les deux sens : faire passer le message de l'institutionnel vers les entreprises, et inversement. Nous sommes des relais entre ces différentes parties, et c'est d'ailleurs aussi le rôle de nos commissions, qui permettent d'établir des positions relayées auprès des médias, de l'opinion et des institutionnels. Nous sommes aussi et surtout les porte-paroles des entrepreneurs, avec un message clair qui tient en trois mots : stabilité, facilité et financement, C'est-à-dire permettre aux chefs d'entreprises d'être le plus à l'aise dans leur écosystème, et leur donner accès à des modes de financement pour se développer. Ce qui suppose évidemment de partager le même langage avec les institutions, en France comme en Espagne. Et la chambre de commerce française de Barcelone a justement pour ambition de faire ce lien.