Édition internationale

Sánchez et Merz ouvrent la voie à la reconnaissance du catalan dans l’UE

L’Espagne et l’Allemagne ont annoncé l’ouverture d’un dialogue sur la reconnaissance du catalan, du galicien et de l’euskera comme langues officielles de l’Union européenne. Un signal politique fort, alors que le chef du gouvernement espagnol tente de préserver sa fragile majorité et de relancer la promesse d’une Europe des régions.

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez (à droite), reçoit le chancelier allemand, Friedrich Merz (à gauche), au palais de la Moncloa à Madrid, en Espagne, le 18 septembre 2025.Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez (à droite), reçoit le chancelier allemand, Friedrich Merz (à gauche), au palais de la Moncloa à Madrid, en Espagne, le 18 septembre 2025.
@La Moncloa / Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez (à droite), reçoit le chancelier allemand, Friedrich Merz (à gauche), au palais de la Moncloa à Madrid, en Espagne, le 18 septembre 2025.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 24 octobre 2025, mis à jour le 25 octobre 2025

Sous tension avec ses alliés indépendantistes, Pedro Sánchez décroche un geste de Berlin. L’Espagne et l’Allemagne ont annoncé, vendredi, l’ouverture d’un « dialogue bilatéral » sur la reconnaissance du catalan, du galicien et de l’euskera comme langues officielles de l’Union européenne. Un signal diplomatique d’apparence technique, mais politiquement vital pour le chef du gouvernement espagnol, qui tente de tenir parole vis-à-vis de Junts et de préserver l’équilibre précaire de sa majorité.

 

Catalan, galicien, euskera : l’Allemagne accepte d’ouvrir le dialogue avec l’Espagne

Dans un communiqué commun, Madrid et Berlin annoncent vouloir « ouvrir un dialogue » afin de trouver une issue à la demande espagnole de faire reconnaître, aux côtés du castillan, ses autres langues officielles au sein de l’Union européenne. Le texte, diffusé en espagnol, allemand et anglais, rappelle que le catalan, le galicien et l’euskera constituent une part essentielle de l’identité plurilingue de l’Espagne, et précise que Madrid présentera prochainement une proposition formelle lors d’une réunion du Conseil des Affaires générales de l’UE.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a salué une « avancée majeure », promettant que les discussions débuteraient « dans les plus brefs délais ». Pour lui, ce pas symbolique marque une étape importante vers la reconnaissance européenne des trois langues, longtemps cantonnées à un statut national.

 

Ces Français qui ont appris le catalan : le pari d’une intégration réussie

 

Le mur allemand commence à se fissurer

Jusqu’ici, Berlin faisait figure de principal obstacle à l’initiative espagnole. En mai, une première tentative avait échoué à Bruxelles, plusieurs États – dont l’Allemagne et l’Italie – ayant exprimé leurs réserves quant aux implications juridiques et financières du projet. Les services du Conseil de l’UE avaient d’ailleurs estimé qu’une telle reconnaissance nécessiterait une révision des traités européens, une perspective jugée trop lourde par plusieurs capitales.

Mais la situation a évolué. Après plusieurs mois de rapprochement entre Pedro Sánchez et le chancelier Friedrich Merz, Berlin semble désormais disposé à discuter du sujet dans un cadre bilatéral. Lors d’une conférence de presse commune à Bruxelles, le président du gouvernement espagnol a insisté : « Ce qui dépend du gouvernement espagnol, nous le faisons. Ce qui dépend des autres, nous travaillons pour que cela se fasse. »

Selon des sources diplomatiques, Madrid a convaincu Berlin que cette reconnaissance linguistique revêt une importance politique majeure pour la stabilité du gouvernement espagnol. Le chancelier Merz, pour sa part, a reconnu la complexité du dossier, tout en ouvrant la porte à une solution « à moyen terme », notamment grâce aux progrès de la traduction automatique et de l’intelligence artificielle.

 

Une concession cruciale face à Junts

L’annonce survient dans un contexte de tension maximale entre Junts et le PSOE. Le parti indépendantiste catalan, dirigé par Carles Puigdemont, tiendra lundi une réunion interne pour décider de la suite de sa collaboration avec le gouvernement. Ses dirigeants menacent de retirer leur soutien parlementaire si leurs exigences, dont l’officialisation du catalan dans l’UE, ne progressent pas.

Depuis août 2023, Madrid essaie de tenir sa promesse, sans parvenir à rallier l’unanimité des Vingt-Sept. L’Allemagne, jusque-là chef de file des réticents, pourrait donc jouer un rôle décisif dans un éventuel déblocage. Reste à savoir si un éventuel feu vert de Berlin entraînera dans son sillage d’autres pays sceptiques comme l’Italie, la Suède ou la Finlande.


 

Derrière la bataille linguistique, la vision d’une Europe des régions

Cette reconnaissance du catalan, du galicien et de l’euskera dépasse largement le symbole linguistique. Elle s’inscrit dans une stratégie de fond : affirmer la diversité culturelle de l’Espagne au cœur du projet européen, tout en repositionnant le pays comme acteur d’une Europe des régions où les identités locales trouvent leur place à Bruxelles.

Pour Pedro Sánchez, cette bataille est aussi éminemment politique : préserver sa majorité fragile et canaliser les aspirations indépendantistes dans un cadre européen. Selon un rapport de la Commission européenne, l’intégration des trois langues au sein des institutions coûterait environ 132 millions d’euros par an, un montant que Madrid s’est engagée à assumer. Mais plusieurs États membres redoutent un précédent qui ouvrirait la voie à d’autres minorités linguistiques.

En attendant que le Conseil de l’UE se prononce, l’ouverture d’un dialogue entre Berlin et Madrid offre à Sánchez un peu d’air. Ce geste diplomatique lui permet d’apaiser Junts, de tenir sa promesse — et de pousser discrètement une vision plus décentralisée de l’Europe, où les régions, leurs langues et leurs cultures pèseraient un peu plus dans le grand jeu communautaire.

 

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