Cent quarante-trois ans après la pose de sa première pierre, la Sagrada Família franchit un cap symbolique. Avec 162,91 mètres, la basilique de Gaudí dépasse la cathédrale d’Ulm et devient l’édifice religieux le plus haut du monde.
Il aura suffi d’un morceau de croix hissé dans le ciel de Barcelone pour faire basculer l’histoire : la Sagrada Família, toujours inachevée, dépasse désormais toutes les églises du monde. Les équipes ont posé le premier élément de la croix monumentale destinée à couronner la tour de Jésus-Christ — la plus élevée des 18 imaginées par Antoni Gaudí. Avec cette pièce de 7,25 mètres et plus de 24 tonnes, le temple atteint désormais 162,91 mètres, dépassant la cathédrale d’Ulm (161,53 m), qui tenait le record depuis 1890.
La Sagrada Família allonge ses bras vers le sommet
La pièce installée est le bras inférieur de la future croix, un fragment de sept mètres qui annonce déjà les proportions finales : 17 mètres de haut, près de 100 tonnes une fois tout assemblé. Hissé à 54 mètres, ce premier élément ouvre la dernière ligne droite du chantier de la tour centrale.
Dans les prochains mois, les équipes fixeront le noyau central – 16,5 tonnes à lui seul – puis les autres bras, tous habillés de céramique émaillée blanche et de verre, ces matériaux choisis pour capter la lumière et encaisser sans broncher les caprices du ciel.
Quand tout sera en place, la tour de Jésus-Christ culminera à 172,5 mètres, juste un souffle en dessous des 173 mètres de Montjuïc. Une limite symbolique voulue par Gaudí, qui tenait à ce qu’aucune œuvre humaine ne dépasse une montagne, « création de Dieu ».
Lumière sur la Sagrada Familia et ses tours évangélistes !
Cap sur 2026, un siècle après Gaudí
L’objectif est clair : livrer la tour centrale pour juin 2026, cent ans après la mort d’Antoni Gaudí, fauché par un tramway en 1926. Une messe commémorative est fixée au 10 juin ; le Conseil de la basilique, le cardinal Omella et le président catalan Salvador Illa ont même envoyé une invitation officielle au pape Léon XIV.
À la mort de l’architecte, une seule tour sortait encore de terre. Le chantier a ensuite avancé au gré des secousses de l’histoire : la crypte incendiée pendant la guerre civile, des maquettes essentielles réduites en cendres, puis la mise à l’arrêt provoquée par la pandémie. Aujourd’hui encore, le rythme dépend largement du nerf de la guerre : les entrées touristiques, près de 4,9 millions de visiteurs en 2023, principale source de financement de l’œuvre.
Sur les traces de Gaudí : des incontournables aux trésors cachés à Barcelone
À Barcelone, le chantier continue
Si la structure extérieure approche enfin de son terme, l’histoire de la Sagrada Família est loin d’être refermée. Les équipes ont encore devant elles une décennie de travaux décoratifs et sculpturaux, sans parler de la grande entrée monumentale imaginée par Gaudí. Cet accès, qui nécessiterait la démolition de plusieurs immeubles, reste l’un des dossiers les plus sensibles en discussion avec la mairie. La croix elle-même doit devenir un belvédère pouvant accueillir onze visiteurs, mais aucun calendrier n’a encore été fixé pour cette étape.
Plus qu’une prouesse technique, la pose de la croix ouvre un nouveau chapitre : celui d’un chantier de 143 ans qui bascule peu à peu dans la légende. Déjà plus haute construction de Barcelone, la Sagrada Família est désormais aussi la plus haute église du monde. Dans les rues de Barcelone, on lève les yeux vers sa silhouette familière, désormais un peu plus élancée, un peu plus éclatante — et plus proche que jamais du rêve démesuré de Gaudí.
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