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Yvan Schmitt: "Difficile d’apporter sa touche là où ça fonctionne"

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courtoisie LFIB - Yvan Schmitt, nouveau proviseur du Lycée français international de Bangkok
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 13 février 2020

Depuis la rentrée scolaire de septembre 2019, le Lycée français international de Bangkok a un nouveau proviseur, Yvan Schmitt. Lepetitjoutnal.com l’a rencontré

Proviseur du Lycée français international de Bangkok (LFIB) depuis la rentrée de septembre 2019, Yvan Schmitt a derrière lui une longue carrière au sein du réseau de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) : Hong Kong, Mauritanie, Kenya et maintenant la Thaïlande. 

Sa carrière à l’étranger démarre au Lycée français international de Hong Kong où il œuvre en tant que proviseur adjoint entre 1998 et 2004. Après un bref retour en France en tant que principal adjoint de l’Académie de Strasbourg, il part pour la Mauritanie en tant que proviseur du Lycée français Théodore Monod de Nouakchott, entre 2007 et 2010. Puis nouvel intermède de quatre ans en France, à l’Académie de Besançon. Entre 2014 et 2019, il repart à l’étranger pour diriger le Lycée français Denis Diderot de Nairobi au Kenya, avant de prendre ses fonctions l’an dernier au Lycée français international de Bangkok.

Fort de cette expérience et ravi de prendre la tête d’une école qu’il porte dans son coeur depuis une vingtaine d’années, le nouveau proviseur revient pour Lepetitjournal.com/bangkok sur les différences qu’il a constatées avec d’autres lycées français à l’étranger, sur les défis qui l’attendent dans le contexte de la réforme des lycées ainsi que sur les questions d’environnement dans un contexte où la capitale thaïlandaise se trouve de plus en plus régulièrement plongée dans le smog. 

LEPETITJOURNAL.COM : Qu’est-ce qui vous a amené à devenir le proviseur du LFIB ?

YVAN SCHMITT: J’avais eu l’occasion de découvrir Bangkok et le LFIB en 1999, depuis j’avais gardé un oeil attentif sur l’évolution du lycée. Je me suis toujours dit qu’il serait intéressant de diriger cet établissement. De plus, c’est une zone extrêmement dynamique, il y a beaucoup de projets mutualisés et de partenariats entre les établissements en Asie et j’avais envie de retrouver cette énergie-là. C’est un souhait devenu réalité et j’en suis très content. 

Par rapport aux autres Lycées français où vous avez exercé, quelles sont les différences que vous avez pu observer pour le moment ?

Pour moi, il y a trois différences. 
La première est que nous avons une double direction : française et thaïlandaise. Cela nous garantit une double reconnaissance avec l’homologation de notre enseignement par les ministères français et thaïlandais de l’Education. Cette double direction nous garantit aussi une régularité, une conformité, mais aussi de nombreux échanges entre les deux approches. C’est une richesse et une spécificité que je n’avais pas encore rencontrées. 

Deuxièmement, le niveau de qualification de nos enseignants est très élevé, ils ont tous une grande expérience dans l’enseignement et la plupart sont titulaires de l’enseignement national français. En comparaison, en Afrique, nous sommes amenés à devoir former les nouveaux enseignants, car nous n’avons pas toujours dans le vivier local des personnes avec suffisamment d’expérience et il n’est pas toujours possible d’en faire venir d’ailleurs : il y a donc un réel enjeu d’apprentissage et de formation au métier d’enseignant. En Thaïlande, à Hong Kong ou à Singapour, il y a une présence plus forte d’enseignants expérimentés et aussi d'expatriés français, ce qui renforce l’attractivité des établissements. 

La troisième particularité, c’est la répartition des nationalités. Dans le réseau de l’AEFE, il y a en moyenne 40% de Français et 60% de nationaux. Le LFIB compte 1.000 élèves et la proportion est de 80% d’enfants français ou binationaux. C’est différent de ce que j’ai connu en Mauritanie ou au Kenya où nous scolarisions beaucoup d’enfants nationaux et européens. Ici, nous sommes sur une population francophone et même plutôt française. Il y a le même phénomène à Hong Kong. 

Pourquoi autant de différences ?

À mon sens, il y a deux explications. D’abord, il y a beaucoup de familles françaises installées à Bangkok. Ensuite, il y a une offre importante d’établissements privés de langue anglaise qui arrivent à donner envie à certains parents d’autres nationalités de faire des choix différents. 

Certains parents qui arrivent pour une durée de trois ou quatre ans se disent qu’ils vont mettre leur expatriation à profit pour permettre à leur enfant de devenir bilingue - français/anglais. À nous de les convaincre que l’enseignement français est de qualité. Si nous comparons notre système d’éducation à d’autres, nous avons de réelles spécificités en termes de compétences, d’apprentissages, de notions, etc. Nous formons des élèves qui seront capables de raisonner par eux-mêmes, qui auront des convictions, qui pourront argumenter et remettre en question ce que nous leur proposons. Cela n’est pas toujours le cas dans d’autres systèmes. Nous avons aussi une maternelle qui est reconnue dans le monde entier avec un vrai programme pédagogique. Nous devons également mieux communiquer sur l’excellent niveau d’anglais des élèves qui quittent notre établissement et peuvent envisager une poursuite d’études supérieures en langue française ou anglaise. 

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Vue aérienne du Lycée français international de Bangkok (LFIB) - photo courtoisie LFIB

Quels sont défis qui attendent le LFIB?

Le premier défi est d’accompagner la réforme des lycées qui s’est engagée depuis la rentrée de septembre 2019. Cette nouvelle organisation du lycée a fait disparaître les trois filières du baccalauréat général afin de favoriser un système de spécialités. Maintenant, les élèves doivent choisir plus tôt une spécialité, dès la classe de première en fait. Le système d’évaluation du baccalauréat a également été modifié, nous sortons d’une évaluation classique où pendant une semaine les élèves étaient testés sur leurs connaissances. À partir de cette année, la notion d’évaluation sera répartie sur les classes de première et de terminale. Nous devons donc accompagner ces changements en étant proches des enseignants pour vérifier que tout se passe bien. 

Aujourd’hui, il est obligatoire de maîtriser l’anglais à un haut niveau. À la rentrée 2020, nous ouvrons une section internationale britannique où il y aura des enseignements de l’anglais et en anglais avec un véritable travail sur la littérature anglaise, des cours d’histoire et de géographie en anglais, etc. Cela nous permettra d’avoir une continuité avec ce qui se fait en primaire où il existe déjà un parcours d’approfondissement en anglais. Nous avons devant nous un réel défi qui consiste à rassurer les familles sur l’excellent niveau d’anglais et de maîtrise des autres langues (thaïlandais, mandarin, espagnol, allemand). C’est pourquoi nous devons communiquer davantage, d’autant qu’il y a à Bangkok une concurrence particulière avec de grands groupes internationaux privés qui ont une approche très marketing. A nous de montrer que nous avons une voie singulière qui mérite d’être suivie et dans laquelle on peut avoir confiance.

Quelles touches personnelles avez-vous envie d’apporter ?

Il est difficile d’apporter sa touche personnelle dans un établissement qui fonctionne bien, qui a d’excellents résultats académiques et qui en termes d’infrastructure est très agréable. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir des envies personnelles. 

Pour le moment, il y a quelque chose de très intéressant qui se développe en Thaïlande : plusieurs établissements ont récemment été homologués par l’AEFE. Nous avons beaucoup à échanger, que ce soit en termes d’approches nouvelles, de complémentarités, de projets et d’animations. Des réunions sont prévues avec les différentes écoles pour voir ce que nous pouvons développer ensemble. 

Il y a aussi le projet “Ambassadeur en herbe” dans lequel nous reproduisons le format des conférences des Nations-Unies et qui demande des notions d’argumentation, d’anglais et de français. Ce concours se décline en quatre étapes : la constitution d’une équipe de 5 élèves par établissement ; puis, la constitution d’une équipe de 5 élèves issus de différentes écoles pour représenter la Thaïlande ; ensuite, une rencontre régionale afin de constituer une équipe « Asie » qui se rendra à Paris à la fin du mois de mai pour affronter les autres équipes françaises et internationales.

Avec la pollution qui touche de plus en plus Bangkok, qu’est-ce que le LFIB a mis en place pour l’accueil des élèves ? 

Avant de développer un environnement agréable, nous essayons de rassurer nos parents, nos élèves et notre personnel en diffusant nos protocoles lorsque la qualité de l’air atteint un certain niveau. Par exemple, pour aller dans la cour de récréation, les élèves doivent porter un masque. S’ils ne veulent pas en porter, ils doivent rester dans une salle avec un système de filtration de l’air. Toutes nos classes sont équipées de climatiseurs avec des filtres qui sont changés à chaque congé scolaire. Dans les classes de maternelles, nous avons également des purificateurs d’air en plus des climatiseurs. 

Nous travaillons déjà sur d’autres projets de végétalisations. En primaire, il y a un jardin pédagogique ainsi que d’autres projets durables sur l’ensemble de l’école comme une bibliothèque participative, nous luttons contre les déchets inutiles tels que les verres en plastique et les bouteilles d’eau pour privilégier l’usage d’une gourde… Ce sont de nombreuses petites actions qui forment un tout. 

Combien de temps allez-vous assurer la fonction de proviseur au LFIB?

Mon contrat est d’une durée de trois ans et il peut être prolongé deux fois pour un an. Je dirige un établissement qui fonctionne bien et dans une région où je suis venu par envie, il est donc très probable que je reste au-delà des trois ans initiaux. 

Néanmoins, je trouve que la rotation a du bon parce qu’au bout d’un moment, nous pouvons avoir tendance à ne plus avoir le même regard critique que lorsque nous arrivons en poste dans une école. Trois ans, c’est court. Mais cinq ans, c’est bien. Globalement, cela permet de mettre en place ce que nous voulons installer. À Nairobi, en cinq ans, j’ai mis beaucoup de choses en place en termes d’infrastructures et de dispositifs. Néanmoins, au bout de ces cinq années, j’avais perdu ce regard critique, je n’avais plus la même capacité d’interroger et de remettre en question ce qu’il y avait. Je ne dis pas qu’à un niveau personnel je n’ai pas envie de rester plus longtemps, mais en termes d’efficacité c’est intéressant de changer. 

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