Faire le tour du monde à vélo avec comme fil rouge l'architecture et plus particulièrement l'habitat. A l'initiative de ce projet fou nommé Abroad, pour "Architecture by road", deux jeunes diplômés de l'école d'architecture de Montpellier et un réalisateur. Bangkok sera le point de départ de cette formidable aventure prévu le 11 mars. Pour l'occasion, LePetitJournal.com a rencontré ces trois mousquetaires passionnés de voyage et amoureux de l'image
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Tristan: Nous somme trois amis de longue date. Antoine et Jeremy se connaissent depuis le bac à sable. Antoine et moi sommes devenus amis pendant nos études d'architecture à l'école de Montpellier. J'ai ensuite rencontré Jérémy lors de voyages à Valence et à Riga. Nous sommes tous liés par deux passions communes: le voyage et l'architecture bien que Jérémy ai fait ses études dans l'audiovisuel.
Décrivez-nous en quelques mots le projet "Architecture by road".
Tristan: Il s'agit d'un tour du monde de l'architecture à travers l'habitat à la rencontre de la diversité architecturale et des manières d'habiter à l'issue duquel on réalisera un documentaire.
Quel est le but de votre projet?
Rendre compte du paysage de l'habitat, le vulgariser, replacer l'architecture dans son contexte, et en dégager toute l'efficience.
Comment vous est venue l'idée d'un tel projet?
Tristan : Il y a deux ans, Antoine et moi avons eu l'idée ensemble. Tout est parti de la volonté de mêler la pratique professionnelle et le voyage On en a parlé tous les deux, j'ai appelé Jérémy et je lui ai demandé: Ca te dirai de faire le tour du monde avec nous? Il a répondu ok. Aussi simple que ça! Nous avons ensuite commencé la préparation du projet séparés les uns des autres. Antoine était à Reggio di Calabria en Italie, Jérémy à Taganga en Colombie et moi à Londres. Nous nous sommes par la suite réunis sur Montpellier afin de continuer les préparatifs: mise en place de partenariat, prévisions de l'itinéraire, de nos besoins et du budget, plan de financement, stratégie de communication, recherche de sponsors etc...
Pourquoi le vélo?
Tristan : Au départ on voulait utiliser le vélo comme moyen de transport principal mais faute de moyens suffisants cela a été abandonné. Mais on garde la volonté de l'utiliser grandement car on pense que c'est le moyen le plus facile pour entrer en contact avec les gens, le moins intrusif disons. On allouera cependant une partie du budget aux moyens de transport: si on a envie d'acheter un pousse-pousse ou de faire du chameau dans le désert on le fera.
Vous partez avec quel type de matériel?
On va utiliser les go pro, pour les images embarquées et un appareil photo caméra Canon EOS 6d qui permet de travailler le cadre de l'image. Ce ne sont pas les caméras les plus pratiques pour filmer mais c'est plus discret et meilleur pour l'esthétique.
Allez-vous vous contraindre à trouver une architecture contemporaine et une architecture traditionnelle?
Non pas nécessairement, cela dépendra du contexte car on va toujours s'intéresser à l'architecture dans son contexte. On va chercher à comprendre comment elle se formalise.
Pourquoi avoir choisi l'habitat comme sujet de recherche?
On s'est rendu compte que l'habitat était un sujet assez délaissé par les architectes aujourd'hui. Peu à peu c'est devenu une évidence pour nous. C'est un sujet très riche autant du point de vue architectural, esthétique qu'anthropologique.
La première partie de votre voyage sera l'extrême orient, pourquoi commencer par ce coin du monde?
Notre première boucle est motivée par le fait qu'on soit quasiment ignares sur l'Asie, c'est encore plus excitant.
Pourquoi Bangkok comme point de départ?
Antoine: Parce que nous voulions offrir au projet une ville qui fourmille comme point de départ. Une ville qui grouille de vie, ne peut qu'être électrisant pour un sujet comme le nôtre. Il s'agit aussi pour nous venant de l'occident, d'une première porte d'entrée vers ce que géographiquement est l'extrême orient. Une ville marquée par ses contrastes qui existent surtout en Asie, des contrastes entre le traditionnel et le contemporain, mais qui au final s'accordent et s'harmonisent.
Avez- vous des contacts à Bangkok?
Antoine: Oui, nous avons déjà certains rendez vous, avec des architectes en place dans la ville (thaï et français), et aussi des étudiants. A Bangkok, c'est principalement le sujet de l'eau qui va intéresser le projet. La ville s'est construite presque sur l'eau, en témoigne certaines traces d'anciens marais, ainsi que la présence du fleuve et de canaux. La relation, et les évolutions de l'habitat de l'homme par rapport à ce milieu, qui est en train de redevenir une menace, c'est ce qui va guider nos premiers travaux de recherches dans la ville.
Votre projet a-t-il eu un fort écho dès le début?
Tristan: Il plait jusqu'au moment où il faut mettre la main à la poche (rire). Les gens de la profession ont vite été séduits, on a cherché à avoir des parrains pour crédibiliser le projet. Ils ont permis de faire murir le projet et d'accéder à d'autres sponsors. Le vrai coup de pouce déclencheur reste le moment où on a eu le ministère français de la Culture et de la Communication comme partenaire et des magazines d'architecture qui ont terminé de nous faire reconnaitre par la profession.
Comment finance-t-on un tel projet?
Tristan : Ce qui est délicat c'est qu'il y a peu de ressources dès que ça ne touche plus à l'humanitaire. Avant de chercher de l'argent on a donc avant tout cherché à crédibiliser le projet, à communiquer dessus. Pendant 6 mois on l'a entièrement mis sur pied pour pouvoir obtenir un rendez-vous au ministère en juin 2013 et avoir des partenaires par la suite.
Pouvez-vous nous donner une estimation de votre budget pour les 6 prochains mois?
Pour 6 mois on a un budget de 25.000 euros.
Un tour du monde en 6 étapes, un périple de 28 mois à travers 38 pays différents, vous avez dû faire des concessions?
Tristan : Oui c'est sûr. Un de nos plus grands regrets reste le Mali. Avec les événements de 2013 on a dû l'abandonner comme étape. Bangkok en ce moment c'est tendu mais on le maintient quand même, on avisera au fur et à mesure. Il y a d'autres zones sensibles qui, selon les médias, sont à éviter comme le Yémen et l'Iran. On reste conscient de cela, mais on tient à nous y rendre. Bien sûr on se tient très au courant des événements.
Le projet est assez masculin est-ce un choix ou un pur hasard, les femmes architectes sont ?elles moins intéressées par un tel projet?
/Rires/ Les femmes donnent de l'argent mais c'est vrai qu'on a peu de marraines. Ça vient peut-être du fait que les architectes qui parrainent le projet viennent d'une génération où la profession était très masculine.
"Nus et Culottés", "Rendez-vous en terre inconnu", "Fourchettes et Sac à Dos", ces émissions vous ont-elles inspirés ou au contraire vous ne souhaitez pas y être assimilés?
Tristan: Bien sûr ce sont des émissions qui nous inspirent, mais on n'a pas vocation à être aussi léger, on garde l'idée du documentaire et du reportage d'investigation en tête, ça a un aspect culturel avec comme fil rouge le voyage et l'habitat.
Jeremy: On diffusera tous les mois des teasers de 3 minutes. On cherche encore notre diffuseur. Soit un documentaire de 90 mn soit 6 épisodes de 26 mn. On souhaitait être pré-produit mais ça demande beaucoup de temps donc on vendra le film après sa réalisation, à une boite de production qui le diffusera ensuite à des chaines.
Vous allez entrer dans l'intimité des gens, pourquoi pensez-vous que l'habitat est un sujet plus accessible qu'un autre?
Tristan : Parce que c'est un sujet qui touche tout le monde, c'est universel. Tu rencontres toujours des gens prêts à t'accueillir chez eux et à te montrer leur maison. L'architecture est un vecteur de médiation, de sociabilité et d'identité pour une ville. Elle devient facilement créatrice de lien social. L'architecture va nous servir de media, elle va être un prétexte à l'échange.
Pour vous était-ce une évidence de rendre l'architecture accessible à travers la découverte de l'habitat? Pensez-vous que le voyage reste le meilleur médiateur pour sensibiliser le grand public à l'architecture?
Antoine: L'architecture est omniprésente, elle nous concerne tous et nous influence dans nos façons de vivre, dans nos relations avec les autres. Dès qu'on lève la tête on est confronté au modelage de l'homme sur le paysage. L'architecture structure en quelque sorte le théâtre de la vie. Je ne sais pas si le voyage est le meilleur moyen mais oui c'est un bon fil rouge pour donner envie aux gens de s'intéresser à l'architecture. Et c'est vrai que nécessairement, du fait de nos destinations, on va toucher et intéresser les gens qui vont avoir envie de regarder nos documentaires, enfin on l'espère!
S'agit-il également d'un projet participatif?
Tristan: A oui bien sur! Rencontrer l'autre, la différence, aller ailleurs pour rencontrer l'altérité c'est au c?ur de notre projet. Donc on utilisera toutes les techniques possibles pour aller à la rencontre des habitants notamment le couchsurfing.
L'improvisation va- t elle faire partie du voyage?
Antoine: On a quelques rendez-vous de pris mais on laisse volontairement la place à l'imprévu. On a un programme, on était obligé d'en avoir un pour nos partenaires et surtout parce qu'on veut garder une certaine diversité mais on restera souple. Si un endroit nous plait on y restera plus longtemps s'il le faut. Il va nécessairement y avoir des ajustements, ça fait partie du voyage. On a aussi envie de se mettre en contact avec des écoles, des laboratoires de recherche?
Alexis Lautier, un de vos parrains dit que vous allez faire un vrai voyage dans le sens du 18e siècle, prendre une caravane et partir. C'est vrai que votre façon de voyager aura un côté très aventurier mais à la fois utilisera tout ce que la société de communication et le village global permet: couchsurfing, connexion internet... c'est un atout pour vous non?
C'est vrai qu'on a la chance de pouvoir mêler ces deux manières de voyager: celle très aventurière, voir romantique de l'idée du voyage et l'autre beaucoup plus moderne qui nous permettra de porter à bien notre projet tel qu'on le voit c'est-à-dire par le partage de vidéo régulièrement avec les internautes.
Pierre Croux dit: voyager c'est revenir à l'essentiel: voyage dans le désert par exemple, on se rend compte qu'on n'a pas besoin de tant de choses: c'est une volonté personnelle? Se prouver qu'on peut vivre de peu?
Tristan: Vivre de peu de choses pendant mes voyages, randonnées c'est quelque chose que j'affectionne énormément. Quand tu as ton café chaud soluble et insipide mais que la beauté de l'endroit où tu te trouves te rend heureux, tu reviens à l'essentiel.
Antoine: La recherche de la simplicité, ou de l'humilité plutôt, cette capacité à s'émerveiller plus facilement c'est vrai que c'est quelque chose que le voyage permet.
Pour en savoir plus et suivre les aventures du trio montpelliérain, voir le site http://jeremycoste.wix.com/abroad3
Propos recueillis par Manon GAY jeudi 6 mars 2014