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Philippe Kridelka: “Peu de Belges en Thaïlande ont demandé de l’aide”

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Catherine Vanesse - Philippe Kridelka, ambassadeur du Royaume de Belgique pour la Thaïlande, le Cambodge, le Laos et la Birmanie
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 27 mai 2020

Lepetitjournal.com fait un point sur la situation des quelque 7.000 Belges estimés en Thaïlande dans la crise du Covid-19 avec l’Ambassadeur du Royaume de Belgique en Thaïlande, Philippe Kridelka

Depuis le mois de mars et la mise en place des mesures par les gouvernements du monde entier pour lutter contre la pandémie du nouveau coronavirus, de nombreux secteurs d’activités tournent au ralenti, et les ambassades et services consulaires n’y échappent pas. Après avoir aidé les touristes belges à rentrer au pays et assuré un suivi à distance en termes de documents administratifs, l’ambassade de Belgique se prépare à un retour presque normal à partir du 1er juin. 

Il y a actuellement 3.250 Belges inscrits auprès de l’ambassade de Belgique à Bangkok et 157 touristes belges recensés sur le site https://travellersonline.diplomatie.be/. Selon les estimations, la Thaïlande compterait au total près de 7.000 Belges.

Lepetitjournal.com/bangkok a voulu faire le point avec Philippe Kridelka, ambassadeur du Royaume de Belgique pour la Thaïlande, le Cambodge, le Laos et la Birmanie, sur la situation des Belges affectés par les mesures mises en place, sur la crise économique qui touche la Thaïlande, la prolongation de l’état d’urgence et sur les aides éventuelles qui existent pour les Belges à l’étranger. 

LEPETITJOURNAL.COM : Y a-t-il encore des Belges coincés en Thaïlande et qui souhaiteraient rentrer en Belgique ? 

PHILIPPE KRIDELKA: Le terme ‘coincé’ me semble exagéré. Il y a et il y a toujours eu des vols commerciaux entre la Thaïlande et l’Europe. Chaque année, il y a environ 120.000 touristes belges qui voyagent en Thaïlande. En mars et avril, ils étaient entre 500 et 2.000 touristes et 90% d’entre eux sont rentrés via des vols commerciaux ou via des vols charters organisés avec la Suisse, la France ou les Pays-Bas.

Par contre, au départ de Yangon, Vientiane ou Phnom Penh, il n’y a plus (ou presque plus) de vols commerciaux. Nous informons donc régulièrement les Belges des vols charters payants organisés par des pays amis, comme par exemple le vol qui pourrait être organisé par les Pays-Bas début juin au départ de Vientiane vers Amsterdam avec escale à Phnom Penh (le coût devrait être d’environ 850 euros).  

L’ambassade a-t-elle dû aider des touristes belges en difficulté financière ?

La plupart des Belges en vacances ici avaient le budget nécessaire. Nous avons donc eu très peu de demandes d’aide de Belges totalement désargentés et dans situations les plus difficiles. Nous avons servi d’intermédiaire en avançant la somme nécessaire en attendant d’être remboursés par la famille ou au retour du citoyen. 

Avec la prolongation des visas jusqu’au 31 juillet, nous avons aussi un certain nombre de Belges ‘Robinson’ qui ont fait le choix de rester, notamment dans les îles du sud et ils ont l’air très heureux, ils ont fait le pari de rester et ils ont beaucoup de chance, car finalement l’épidémie a largement épargné la Thaïlande. Par contre, après le 31 juillet, nous nous attendons à une deuxième vague de rapatriement. 

À ce jour, d’après les personnes qui se sont enregistrées sur le site https://travellersonline.diplomatie.be/, nous avons 157 touristes belges en Thaïlande, 40 au Cambodge, 13 au Laos et 11 en Birmanie. 

Parmi les expatriés et résidents belges, aujourd’hui, quelles sont les problématiques les plus courantes ?

Pour le moment, nous travaillons avec deux équipes en alternance pour assurer une présence à l’ambassade, à partir du 1er juin. L’ensemble de l’équipe sera de nouveau présente tous les jours au bureau où nous assurons l’ensemble des services consulaires sur rendez-vous. 

Les questions que nous recevons sont de 4 types : 

Les visas : que se passera-t-il après le 31 juillet ? Pour les touristes, en principe, ce sera fini, ils doivent préparer leur retour avant cette date même s’il y aura une période de tolérance de 7 jours après le 31 juillet. Pour les résidents, nous leur conseillons de se mettre à jour maintenant et de ne pas attendre la dernière minute. 

Les documents administratifs : Avec la crise, nous avons dû interrompre les entretiens pour les demandes de mariage. Nous avons une liste d’attente de 60 personnes, ces entretiens vont reprendre par vidéoconférence. Nous ne délivrons toujours pas de visa, l’espace Schengen est toujours fermé et donc même l’épouse thaïlandaise d’un Belge, si elle ne dispose pas de la nationalité belge ou d’un permis de résidence, ne peut y prétendre, les frontières restent fermées.

Les pensions : Un retraité belge a le droit de recevoir sa pension en Thaïlande, mais pour cela, il faut introduire une série de documents officiels et envoyer régulièrement des certificats de vie par services postaux, mais pour le moment, cela prend des mois! Des retraités belges nous ont contactés angoissés à l’idée de perdre leur pension. L’ambassade se charge dès lors de servir d’intermédiaire avec l’Office National des Pensions à Bruxelles. 

Circulation en Thaïlande entre les provinces : nous délivrons un document officiel en thaïlandais expliquant pourquoi Mr X doit se rendre d’une province à une autre, donc lors des contrôles entre les provinces, il peut présenter ce document de l’ambassade. 

Y a-t-il des résidents ou expatriés qui se retrouvent en difficulté suite à la perte de leur emploi ou de l’arrêt de leur business ? Quelles sont les aides qui existent pour eux ?

Nous avons reçu relativement peu d’appels à l’aide des Belges, pas plus que d’habitude suite au coronavirus. En termes d’aides, mis à part la France, aucun pays de l’Union européenne n’octroie d’aides sociales. Donc dans le cas d’un Belge qui fait face à la perte de son emploi ou à des problèmes graves, l’ambassade fera ce qu’elle pourra pour faciliter le rapatriement. Une fois en Belgique, il a alors accès au CPAS (Centre public d'action sociale) et à tous les dispositifs d’aides sociales qui existent dans notre pays. 

Quels sont les secteurs les plus touchés par la crise ? 

Ce sont évidemment les Belges qui sont dans la restauration, l’hôtellerie, le tourisme. C’est une catastrophe pour beaucoup d’entre eux. Nombre d’entreprises et d’entrepreneurs ont dû se séparer d’une partie de leur personnel ou ils ont diminué les salaires, ils serrent les dents, mais beaucoup devraient tenir jusqu’à la fin de l’année avec des baisses de chiffre d’affaires entre 50 et 90%. « La Terrasse », le délicieux restaurant belge de Phuket a déjà réouvert son établissement de plage. Et le fameux « Blue Elephant » de Bangkok rouvre le 1er juin. « La Plantation » à Kampot, où un couple franco-belge produit le meilleur poivre du monde, attend avec impatience de pouvoir reprendre les exportations vers l’Europe à un rythme normal. Il faut que l’économie reprenne à la fin de l’année sinon cela risque d’avoir de graves conséquences. 

Ceci dit, j’ai le sentiment que la confiance envers la Thaïlande est toujours là. D’une part, le pays est peu touché par le virus, le pays a des infrastructures médicales solides. Le gouvernement thaïlandais a annoncé un plan de relance de 15% de son PIB. Les échanges commerciaux n’ont pas été interrompus, comme en témoigne l’autorisation d’importer en Thaïlande, depuis le mois dernier, les délicieuses pommes de notre Hesbaye, ainsi que le bœuf « Blanc-Bleu-Belge » de première qualité. 

Une entreprise belge installée en Thaïlande est leader mondial dans une série de produits high-tech pour le transport aérien (comme les taies d’oreillers utilisées dans les avions). Ils ont rajouté une ligne de production dans leur usine pour produire des masques. Donc, nos investisseurs s’adaptent et continuent à y croire, notamment dans le « Eastern Corridor » (pots d’échappement catalytiques pour l’industrie automobile, chimie, logistique, travaux d’infrastructures sophistiquées, et bien sûr l’usine de chocolat belge inaugurée l’an dernier par SAR la Princesse Léa de Belgique !). 

D’autre part, le filet de sécurité sociale est extrêmement faible en Thaïlande. Il y a 26 millions de personnes qui se sont inscrites pour toucher les 5.000 bahts d’aides mensuelles, cela démontre le fait que la Thaïlande a une grosse faiblesse à ce niveau-là et ce n’est pas un facteur qui contribue à l’optimisme des investisseurs potentiels dans les années qui viennent. 

Il va falloir encore vivre avec la menace du Covid-19 pendant des mois et il va falloir s’organiser au niveau de l’économie, de notre vie sociale, des écoles, etc. 

Êtes-vous inquiet de la mise en place et de la prolongation de l’État d’urgence ?

Avec l’ensemble de nos partenaires de l’Union européenne, nous sommes très attentifs. Depuis le coup d’État de 2014, il y a eu un retour en arrière. Depuis, il y a eu des élections, il y a un certain débat politique, une certaine liberté de la presse, etc. Après, il ne faudrait pas que le gouvernement thaïlandais donne l’impression d’utiliser le Covid-19 pour rétablir la situation d’avant les élections de mars 2019. Nous suivons cela de très près et nous avons un dialogue franc avec nos partenaires et amis thaïlandais, mais oui, il y a une certaine inquiétude. 

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