Les négociations étaient dans l'impasse hier alors que le gouvernement a refusé les appels au cessez-le-feu lancés par les Chemises rouges. Les autorités accusent désormais l'un des leaders clés du mouvement de "terroriste", alors même qu'une trêve semblait envisageable lundi soir. Les groupes de défense des droits de l'homme, quant à eux, s'inquiètent de la gestion de la crise par les militaires
Les violences entre manifestants anti-gouvernementaux et militaires ont continué hier dans Bangkok, bien que peu d'incidents graves ont été signalés. Un incendie s'est déclenché le matin dans un bâtiment abandonné de quatre étages près de la Bangkok Bank à Din Daeng, tandis qu'aucun camion de pompier était disponible pour éteindre le feu, alors que les manifestants anti-gouvernementaux se rassemblaient dans le secteur. Quelques heures après, les forces de sécurité ont arrêté un enfant de 12 ans suspecté d'être responsable de l'accident. Selon le responsable du poste de police de Din Daeng, le garçon a voyagé de la province de Kamphaeng Phet à Bangkok et a rencontré certains manifestants Chemises rouges. Amusé par les scènes d'explosion et de combat, il aurait alors mis le feu au bâtiment pour "s'amuser".
Les négociations s'enlisent devant une obstination persistante
Le pouvoir thaïlandais a rejeté hier les appels répétés au cessez-le-feu des "chemises rouges", et exclu toute forme de négociation avant que les manifestants ne quittent Bangkok. "La situation pourra être réglée et nous pourrons aboutir à des négociations lorsque les manifestants se disperseront", a prévenu Satit Wonghnongtaey, ministre auprès du Premier ministre, excluant de fait tout dialogue.
Le Vice-premier ministre en charge des opérations de sécurité, Suthep Thaugsuban, a lui aussi rejeté la proposition des Chemises rouges pour un cessez-le-feu, après plusieurs jours de silence. "Cela n'a aucun sens. Les forces de sécurité ne tirent pas sur les civils. Elles exercent leurs fonctions en conformité avec les ordres des autorités", a-t-il réagi.
Pourtant, le secrétaire-général au bureau du Premier ministre en charge des négociations, Korbsak Sabhavasu, avait déclaré mardi qu'une trêve n'était pas exclue après que Nattawut a offert d'appeler tous les manifestants à retourner au site de Ratchaprasong en échange d'un cessez-le-feu de la part du gouvernement. Mais selon Sansern, le rapport de Korbsak montre "clairement" que le leader Rouge est impliqué dans les attaques terroristes à Bangkok, compromettant encore un peu plus les chances d'un accord. "Ce communiqué a apporté la preuve que l'on peut étiqueter Nattawut comme un leader terroriste majeur", a-t-il ajouté. Alors que Nattawut est considéré comme l'un des dirigeants du mouvement anti-gouvernemental les plus modérés et les plus appréciés par les manifestants, ce type d'annonce, qui plus est sans preuves, va plutôt à contresens des négociations.
En deux mois de manifestation, le gouvernement avait déjà accusé les Chemises rouges d'organiser un complot contre la monarchie, sans pour autant apporter de preuves sur le bien fondé de ces accusations. Les autorités avaient ensuite arrêté et accusé deux officiers de police d'être des sympathisants du Front uni pour la démocratie contre la dictature et d'avoir tenté d'attaquer à la grenade le temple du bouddha d'émeraude (Wat Phra Kheo), l'un des monuments les plus vénérés de Thaïlande. Mais outre leurs propres "aveux" rapportés par le directeur du Département des enquêtes spéciales, aucune preuve n'a été apportée ou rendue publique sur leur culpabilité.
Les associations de défense des droits de l'homme de plus en plus inquiètes
Un nombre croissant d'associations appellent à plus de retenue dans la gestion de la crise. Amnesty international a accusé hier matin l'armée thaïlandaise "d'usage inconsidéré de force létale", dans une campagne pour contenir les manifestations anti-gouvernementales. Selon le groupe de défense des droits de l'homme, les soldats violent la loi en tirant à balle réelle dans plusieurs secteurs de Bangkok.
"Les témoignages et les enregistrements vidéos montrent clairement que les militaires tirent à balles réelles sur des personnes non armées et qui ne posent aucune menace, ni pour les soldats ni pour les autres", déclare l'un des spécialistes de la Thaïlande chez Amnesty, Benjamin Zawacki. "C'est une violation flagrante de l'un des droits humain fondamental : celui de vivre", ajoute-t-il dans un communiqué. De plus, l'association de défense des droits de l'homme accuse les snipers de l'armée d'avoir tué deux infirmiers vêtus d'uniformes médicaux, ainsi qu'un garçon de 17 ans. De son côté, Human Rights Watch avait déjà critiqué cette semaine la désignation de "zones à balle réelle" par les autorités thaïlandaises, en précisant que cela les mettaient sur une "pente glissante" vers de graves violations des droits de l'homme.
L'Asean veut organiser une réunion "de principe" sur la crise thaïlandaise
Lors d'une conférence de presse, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, a appelé l'Association des nations d'Asie du sud-est (Asean) à se réunir pour parler de la crise thaïlandaise. "Je pense qu'il doit y avoir un échange de point de vue. Nous devons montrer que nous sommes concernés par la situation", a-t-il déclaré, dans une lettre adressée à l'actuelle présidence de l'Asean, le Vietnam.
Yudhoyono a précisé que, conformément à sa politique de non-ingérence, l'Asean n'interviendra pas dans les affaires intérieures de la Thaïlande. Néanmoins, il a déclaré que l'organisation devait apporter son soutien au gouvernement thaïlandais tout en lui conseillant d'éviter toute forme de violence, car la crise commence à affecter l'image de l'Asie du Sud-est. 67 personnes ont été tuées et près de 1.700 blessées depuis le début des manifestations, il y a un peu plus de deux mois.
Quentin WEINSANTO avec AFP mercredi 19 mai 2010
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