Frappés de plein fouet par la disparition des touristes chinois, les grands hubs touristiques d'Asie du Sud-Est se tournent vers leurs marchés nationaux respectifs pour atténuer l’effet des restrictions de voyage provoquées par l'épidémie de coronavirus.
Pour compenser la chute de l'activité, les entreprises touristiques de la région cassent leurs prix espérant stimuler le tourisme domestique.
Avec sa grande richesse culturelle, ses plages de sable blanc, sa flore marine luxuriante et des coûts de voyage abordables, l'Asie du Sud-Est est le lieu de vacance favori des touristes chinois, qui sont les premiers visiteurs étrangers de la région. Mais les restrictions de voyage vis-à-vis des gens venant de Chine, où le coronavirus fait rage depuis fin janvier, ont entraîné de fortes pertes dans le secteur hôtelier de la région.
Aux Philippines, le gouvernement et les acteurs touristiques ont lancé la semaine dernière une campagne de voyages menée par le président Rodrigo Duterte. "Venez avec moi et soyez mon compagnon de voyage. Je voyagerai aux Philippines", a lancé Rodrigo Duterte dans un discours vidéo, assurant que le virus ne présentait aucun risque pour les touristes philippins dans leur propre pays.
Les entreprises membres du Congrès du tourisme des Philippines offrent des réductions allant jusqu'à 50% sur les hôtels, des surclassements gratuits et des services inclus comme le petit-déjeuner.
D'autres entreprises proposent aux clients individuels des tarifs préférentiels pour les visites et l'hébergement à l'hôtel qui sont 15 à 30% moins chers, selon Arwin Paul Lingat, président d'un groupe d'agents touristiques. A Manille, le Golden Phoenix Hotel a réduit ses tarifs des deux tiers, a déclaré sa directrice du marketing, Christine Ann Ibarreta.
Deux fois le marché européen
Les autorités sanitaires chinoises signalent chaque jour des centaines de nouveaux cas d'infection à coronavirus, qui ont tué au moins 2.118 personnes, principalement en Chine. La propagation du virus a incité certains pays à fermer leurs portes aux voyageurs venant de Chine, qui constituent une importante source de croissance pour de nombreuses économies d'Asie du Sud-Est.
L'Asie du Sud-Est a accueilli plus de 29 millions de voyageurs de Chine continentale en 2018, en hausse de 15% par rapport à l'année précédente, selon les données le Statistical Yearbook 2019 de l’ASEAN. Cela représentait presque le double de l'ensemble du marché européen et près de cinq fois le nombre de touristes nord-américains.
Les compagnies aériennes d'Asie du Sud-est ajustent leurs tarifs pour les rendre plus abordables aux locaux. Le plus grand transporteur à bas coût d'Indonésie, Lion Air, a réduit ses tarifs jusqu'à 60% sur certains vols.
Aux Philippines, Cebu Pacific, propose des sièges sur ses vols pour seulement 2 dollars avant taxes, tandis que Philippine Airlines a lancé des remises promotionnelles de 20% à 40% .
La Thaïlande, destination préférée des touristes chinois en Asie du Sud-Est, propose désormais des forfaits spéciaux pour ses ressortissants les plus âgés permettant de convertir leurs dépenses en déductions fiscales pour leurs enfants.
Le gouvernement thaïlandais accorde également des allégements fiscaux et des prêts à taux réduits pour prévenir les licenciements.
Le Vietnam, deuxième destination de la région pour les touristes chinois, a fait savoir qu'il supprimerait les frais d'entrée de certaines attractions touristiques une fois l'épidémie terminée. Il a également simplifié les procédures de visa pour certains arrivants non-chinois. L'épidémie de coronavirus pourrait faire perdre au Vietnam 5,9 à 7,7 milliards de dollars de recettes touristiques au cours des trois prochains mois.
Pas assez pour compenser le tourisme international
L'Indonésie, première économie d'Asie du Sud-Est, s'est également engagée à augmenter les dépenses et les incitatifs pour atténuer l'impact économique du virus.
Son principal pôle touristique, Bali, a enregistré 20.000 annulations, selon Hariyadi Sukamdani, chef de l'association des hôtels et restaurants du pays.
À Kuala Lumpur, un groupe industriel de 3.600 membres a prévu pour avril son tout premier salon de voyage "Cuti Cuti Malaysia" (vacances en Malaisie), exclusivement axé sur le tourisme domestique. "Les hôtels individuels, les compagnies aériennes, les agences de voyages, les parcs à thème, les centres de plongée, ont réduit leurs tarifs, certains de 20% et 30%", a déclaré à Reuters Tan Kok Liang, président du groupe.
Malgré ces efforts, les experts du secteur estiment que les entreprises locales ne feront pas mieux qu’amortir peu ou prou le terrible coup porté par l’épidémie au secteur touristique de la région.
Aux Philippines, le gouvernement et les responsables du secteur considèrent que le tourisme intérieur ne pourrait raisonnablement permettre de récupérer que 10 à 20% des 22 milliards de pesos (435 millions de dollars) de pertes de recettes mensuelles estimées.
"Pour être honnête, le marché intérieur ne compensera pas ce que le marché international apporte ici", a avoué le président du Congrès du tourisme, Jose Clemente, lors d'une réunion. "Notre objectif pour l’heure est avant tout de survivre à la tempête (...) Ce que nous nous efforçons de faire, c'est d'avoir de la trésorerie."