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Les manifestants thaïlandais donnent 3 jours au PM pour démissionner

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REUTERS / Jorge Silva - L'une des leaders de la contestation thaïlandaise, Patsaravalee "Mind" Tanakitvibulpon, a été arrêtée peu après avoir lancé un ultimatum au Premier ministre pour démissionner, le 21 octobre

Les jeunes manifestants thaïlandais ont donné mercredi au Premier ministre trois jours pour démissionner. La leader qui a fait l'annonce a été arrêtée dans les deux heures, même si Prayuth Chan-O-Cha avait déclaré un peu plus tôt qu'il était prêt à lever les mesures d'urgence imposées la semaine dernière en vue de "désamorcer" la situation.

Des dizaines de milliers de personnes se sont de nouveau rassemblées à Bangkok mercredi pour marcher vers la Maison du gouvernement où se trouvent les bureaux du Premier ministre thaïlandais. 

Emmenés principalement par des étudiants et des lycéens, ils manifestent depuis plus de trois mois pour demander la démission du Premier ministre, un changement de Constitution et des réformes visant à réduire certaines prérogatives de la monarchie du roi Maha Vajiralongkorn.

Ils ont déclaré que cette septième journée consécutive de manifestation depuis l’interdiction par les autorités des rassemblements politiques était un succès après qu’ils ont remis à un fonctionnaire une lettre de démission factice destinée à Prayuth Chan-O-Cha.

"Notre combat ne sera pas terminé tant qu'il n’aura pas démissionné. S'il ne démissionne pas dans les trois jours, il aura de nouveau à affronter le peuple", a déclaré à la foule l’une des leaders de la manifestation, Patsaravalee 'Mind' Tanakitvibulpon, âgée 25 ans.

Manifestation anti-gouvernement a Bangkok
Des policiers ont bloqué momentanément les manifestants dans leur marche vers la Maison du gouvernement, le 21 octobre 2020 à Bangkok. Photo REUTERS / Athit Perawongmetha

La jeune femme a ensuite été arrêtée pour des accusations liées à la manifestation du 15 octobre, selon la police. Elle rejoint ainsi plusieurs dizaines d'autres militants arrêtés au cours de ces deux dernières semaines. Son avocat a déclaré qu'elle avait été accusée d'avoir enfreint les mesures d'urgence.

Alors qu’elle était emmenée, elle a déclaré: "Je ne suis pas inquiète. C'est le jeu du gouvernement."

Dans un discours télévisé, Prayuth Chan-O-Cha avait déclaré un peu plus tôt dans la journée qu'il était prêt à lever les mesures d’urgence imposées la semaine dernière interdisant les rassemblements politiques de cinq personnes ou plus et la publication d'informations considérées dangereuses pour la sécurité nationale.

"Je ferai le premier pas pour désamorcer cette situation", a déclaré le Premier ministre, qui est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2014 avant d’être reconduit l’an dernier à l’issue d’élections controversées.

"Nous devons maintenant nous éloigner du bord de cette pente glissante qui peut facilement nous entraîner vers le chaos", a-t-il ajouté, affirmant que les discussions devraient plutôt se tenir au Parlement - où ses partisans bénéficient d’une majorité encore plus confortable depuis la dissolution en février par la Cour constitutionnelle du parti d’opposition Anakot Mai (ou Future Forward), important parti d'opposition porteur de valeurs progresssistes qui rassemblait essentiellement cette jeunesse thaïlandaise aujourd’hui dans la rue.

Ces manifestations étudiantes constituent la menace la plus importante à laquelle l'establishment militaro-royaliste thaïlandais ait été confronté depuis des années après la répression dans le sang du mouvement des Chemises rouges en 2010. Ces jeunes, qui empruntent -et adaptent- de façon remarquable aux tactiques novatrices développées l’an dernier par les manifestants de Hong Kong, ont fait preuve jusqu’ici d’une audace inédite en osant placer de manière explicite le statut de la monarchie au cœur de l’équation démocratique. Les lois de lèse-majesté thaïlandaises, parmi les plus sévères au monde, prévoient des peines de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans pour chaque insulte à la royauté.

Arroseur arrosé

La plupart des manifestations se sont déroulées de manière relativement pacifique jusqu'à présent, mais la police a utilisé des canons à eau contre les manifestants vendredi dernier, ce qui a eu pour effet d’ulcérer une bonne partie de l’opinion, entraînant davantage de détracteurs dans l’action contestataire anti-gouvernementale.

Mercredi, la police anti-émeute a brièvement ralenti la marche vers la Maison du gouvernement avant de laisser passer la foule.

Les manifestants affirment que Prayuth Chan-O-Cha et sa junte ont soigneusement préparé, au cours des cinq ans de régime militaire entre 2014 et 2019, les élections de l'année dernière à l’issue desquelles le putschiste et sa clique ont pu conserver le pouvoir. Les manifestants accusent également la monarchie d'avoir permis des années de domination militaire.

Le palais, qui a pour politique de ne jamais faire aucun commentaire auprès des médias, reste silencieux sur ces manifestations.

Le Premier ministre a déclaré que les manifestants devraient attendre la séance d'urgence prévue la semaine prochaine au Parlement. Un Parlement dont la chambre haute a été entièrement nommée par la junte selon la Constitution elle aussi rédigée sous le régime militaire.

"Les manifestants ont fait entendre leur voix et leurs points de vue", a déclaré Prayuth Chan-O-Cha. "Il est maintenant temps pour eux de laisser leurs points de vue se réconcilier avec ceux des autres segments de la société thaïlandaise."

Contre-manifestation royaliste a Bangkok
Des anciens élèves royalistes de l'Université Ramkhamhaeng s'y sont rassemblés mercredi pour condamner l’attitude insultante des manifestants à l’égard de la monarchie. Photo REUTERS / Soe Zeya Tun

Quelques affrontements sans gravité ont également eu lieu mercredi entre des dizaines de royalistes et des manifestants anti-gouvernementaux à l'Université Ramkhamhaeng.

Les royalistes vêtus de jaune ont avancé vers les manifestants étudiants avant que les deux parties se lancent des insultes. Certains ont jeté des bouteilles d'eau et des objets divers avant que les pro-démocratie ne se retirent et que la police ne s’interpose.

"Je vous en supplie, faites ce que vous voulez, mais ne touchez pas à la monarchie", s’est exclamé Sirimongkol Ruampan, l'un des royalistes, âgé de 24 ans. "Je ne crois pas à la violence. Je supplie à nouveau de ne pas entraîner la monarchie dans la politique."

Entouré de quelques partisans royalistes brandissant des portraits du roi, Pansuwan Na Kaew, un représentant des anciens élèves de l'Université Ramkhamhaeng, a lu une déclaration condamnant la manifestation anti-gouvernementale du 14 octobre lorsque des manifestants ont fait le salut à trois doigts lors du passage inattendu de la voiture de la Reine Suthida qui s’est retrouvée au beau milieu de leur manifestation sur l’avenue Phitsanulok.

Dans sont discours, il a enjoint "ceux qui ont tiré les ficelles derrière l'incident à prendre la responsabilité", semblant faire référence à des politiciens d'opposition. Il n'a toutefois pas questionné les raisons ayant conduit à ce que le convoi royal, qui était censé passer par l'avenue Ratchadamnoen, s'est retrouvé sur le site manifestation, prenant la foule par surprise, comme le soulignait la semaine dernière le journal Khaosod English

Trois officiers font l’objet d’une enquête censée déterminer la raison pour laquelle le convoi est sorti du parcours sécurisé emprunté préalablement par le roi lui-même -et le plus direct pour atteindre sa destination- pour effectuer un tel détour et passer sur un axe aussi risqué potentiellement. 

Les contre-manifestants royalistes ont exhorté les jeunes fidèles à la monarchie à se rassembler le 31 octobre à l'Université Ramkhamhaeng.

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