Le roi de Thaïlande Maha Vajiralongkorn a déclaré dimanche "nous les aimons quand même" en parlant des manifestants qui appellent à limiter ses pouvoirs, qualifiant la Thaïlande de "pays du compromis". Il s’agit de ses tout premiers commentaires en public sur les manifestations.
Dans une rare interview, le roi Rama X a répondu aux questions d'un journaliste représentant Channel 4 News et CNN dimanche, alors qu’il faisait quelques pas au milieu d’une foule de quelques milliers de royalistes vêtus de jaune rassemblés dans ce qui est à ce jour la plus grande démonstration de soutien au monarque depuis le début des manifestations anti-gouvernementales qui appellent notamment à la réduction de ses pouvoirs et à la démission du Premier ministre.
Lorsque le journaliste britannique Jonathan Miller lui a demandé ce qu'il souhaitait dire aux manifestants, le roi a répondu: "Nous les aimons quand même". Interrogé ensuite sur la possibilité d'un compromis, il a déclaré : "la Thaïlande est la terre du compromis".
Mais Jutatip Sirikhan, l’une des chefs de file de la contestation âgée de 21 ans, n’est pas convaincue. "J'ai l'impression que ce ne sont que des mots. Le mot compromis est l’inverse de ce qui s'est réellement passé (...) comme le harcèlement et l'usage de la force ainsi que l'instrumentalisation de la loi", a-t-elle déclaré à Reuters.
Le Palais n'a fait aucun commentaire officiel sur les manifestations qui avaient commencé en juillet par demander le départ du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, avant de briser quelques semaines plus tard un vieux tabou en appelant à limiter les prérogatives du roi.
Les manifestants veulent notamment revenir sur les changements intervenus ces dernières années qui permettent aujourd’hui au monarque de contrôler directement certaines unités de l'armée ainsi que la fortune de la couronne évaluée à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Ils critiquent également le mode de vie dispendieux du roi qui réside la plupart du temps en Allemagne et fait de nombreux aller-retours furtifs pour assister à des événements officiels, et ils accusent la monarchie d'avoir permis à l'armée de dominer la scène politique pendant des décennies en acceptant des coups d'État comme celui par lequel le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha a pris le pouvoir en 2014.
Les plus grandes manifestations ont attiré plusieurs dizaines de milliers de personnes. Dimanche, aucune estimation officielle n’a été fournie pour quantifier la foule royaliste. Selon les journalistes de Reuters le nombre de fidèles au roi devait se monter à plus de 10.000 devant le Grand Palais à Bangkok.
L’une des figures du mouvement royaliste de contre-manifestation, Warong Dechgitvigrom, a déclaré que le roi lui avait demandé "d'aider à faire émerger la vérité".
Le gouvernement de Prayuth Chan-O-Cha avait interdit les manifestations le 15 octobre par un décret d’urgence renforcé, pensant mettre fin au mouvement. Plus de 80 personnes ont été arrêtées en quelques jours parmi lesquelles de nombreux leaders. Mais au lieu de l’affaiblir, les mesures répressives ont au contraire fait grandir la contestation, ulcérant une partie de la population et poussant davantage de personnes à descendre dans les rues pour manifester. Les autorités ont donc annulé les mesures d’urgence une semaine après leur mise en place.
Trois des principaux leaders ont été hospitalisés ce week-end après avoir été de nouveau arrêtés. L'un d'eux s'est évanoui en garde à vue provoquant la colère des manifestants. L’ONG Thai Lawyers for Human Rights a dit soupçonner que Panupong Jadnok, connu sous le nom de "Mike Rayong" , 24 ans, avait subi une prise d’étranglement par la police. Le porte-parole de la police Kissana Phatanacharoen a déclaré à Reuters "qu'il avait eu une réaction et avait donc été envoyé à l'hôpital", qualifiant les procédures d'arrestation de "normales".
Prayuth Chan-O-Cha a déclaré qu'il ne démissionnerait pas et rejette les accusations selon lesquelles les élections de l'année dernière auraient été préparées pour lui assurer la continuité du pouvoir.