Le chef de la junte militaire au pouvoir en Thaïlande depuis le coup d'Etat de 2014, Prayuth Chan-O-Cha, a, sans surprise, été élu mercredi soir au poste de Premier ministre.
Le général de 65 ans a obtenu 500 voix contre 244 pour son unique rival, un jeune milliardaire à la tête d'une coalition anti-junte, d'après un décompte retransmis à la télévision.
La victoire de Prayuth Chan-O-Cha était pratiquement acquise car la nouvelle Constitution, adoptée en 2017, octroie à l'armée la nomination des 250 sénateurs.
Il n'avait donc besoin que de 126 voix parmi les 500 députés pour conserver son poste de Premier ministre.
Un seuil atteint facilement mercredi soir après deux mois d'intenses tractations du parti de la junte, le Palang Pracharat, qui a obtenu le ralliement de plusieurs mouvements conservateurs, au premier rang desquels le vieux parti démocrate.
Démission d'Abhisit
Face à Prayuth Chan-O-Cha, le milliardaire Thanathorn Juangroongruangkit, fondateur du nouveau parti d'opposition Anakot Mai (Nouvel Avenir), n'a pas pu faire le poids.
"Aujourd'hui ne marque pas une fin mais un début", a-t-il déclaré après l'annonce de sa défaite. "Nous allons travailler encore plus dur pour l'avenir de nos enfants", a-t-il ajouté.
Plébiscité notamment par la jeunesse, son mouvement avait créé la surprise aux législatives du 24 mars en devenant la troisième force politique du pays.
Depuis, les ennuis judiciaires, dénoncés comme politiques, se sont accumulés pour le charismatique homme d'affaires de 40 ans, suspendu temporairement de son mandat de député et à qui il était interdit d'entrer dans l'hémicycle.
Abhisit Vejjajiva, figure du parti démocrate et ancien Premier ministre, a créé l'événement mercredi en annonçant devant le Parlement démissionner de son poste de député.
"Je ne peux pas entrer dans l’assemblée et voter pour le général Prayuth Chan-O-cha, je ne peux pas faire ça", a-t-il lancé alors que la décision de soutenir les généraux divisait certains membres de son parti.
Dés pipés
Depuis les législatives du 24 mars, les premières depuis le coup d'Etat de 2014, l'opposition a dénoncé de nombreuses fraudes et critiqué la façon dont les dés avaient été pipés par les militaires.
Thanathorn n'avait quasiment aucune chance d'être élu, même si numériquement la coalition anti-junte qu'il représente était largement devant. Sans l'appui du Sénat, elle devait obtenir 376 voix à la Chambre basse pour pouvoir former un gouvernement, un chiffre quasiment impossible à atteindre.
Le bon score d'Anakot Mai, plébiscité par plus de 6 millions d'électeurs, montre en tout cas que le vieux clivage politique entre les factions "Rouges" -réformatrices et proches de l'influente famille Shinawatra- et les "Jaunes" -l'élite conservatrice alignée sur l'armée- est dépassé.
Le nouveau roi de Thaïlande Maha Vajiralongkorn a insisté début mai lors de son couronnement sur la nécessaire "unité" de son royaume.
Le monarque est intervenu deux fois pendant la campagne des législatives, les premières depuis le coup d'Etat de 2014. Il a opposé une fin de non-recevoir aux aspirations de sa sœur, la princesse Ubolratana, à faire son entrée en politique pour un parti proche de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.
Et la veille du scrutin, le souverain a exhorté les Thaïlandais à "soutenir les bonnes personnes" pour "empêcher le chaos", une déclaration perçue comme un soutien aux militaires.
Au final, "le nouveau Premier ministre aura beaucoup à faire pour moderniser le pays et réduire les fortes inégalités au sein de la population", a relevé auprès de l'AFP l'ancien gouverneur de la banque de Thaïlande, Chatumongol Sonakul, qui vient d'entrer au Parlement et a rallié le parti de la junte.
Prayuth Chan-O-Cha est perçu par ses défenseurs comme un gage de stabilité qui peut défendre l'unité du pays et l'empêcher de replonger dans les fréquentes crises politiques qu'il a connu.
Mais ses détracteurs soulignent que, depuis 2014, il a échoué à réformer le royaume, à moderniser l'économie et à réduire les inégalités.