La Cour constitutionnelle thaïlandaise a suspendu jeudi le très populaire leader du parti anti-junte Anakot Mai, de toute activité parlementaire, en acceptant de statuer sur une plainte contre lui.
Cette intervention est le tout dernier coup porté contre le jeune milliardaire charismatique Thanathorn Juangroongruangkit et son parti Anakot Mai (Nouvel Avenir), formation nouvelle tournée vers la jeunesse, qui avait assommé les espoirs de la junte le 24 mars en obtenant plus de six millions de voix lors des élections, mais qui fait l’objet de plus d'une douzaine de plaintes.
L’affaire porte sur des allégations selon lesquelles il aurait détenu des actions d’une société de médias lorsqu’il s’est inscrit comme candidat aux élections législatives, en violation des règles électorales.
La Cour a décidé "d'accepter la requête pour statuer sur l’affaire et en avertira l'accusé", a-t-elle indiqué dans un communiqué, ajoutant que son statut de député était suspendu jusqu'au verdict, mais sans donner de date pour le rendu du jugement.
Cette décision fait que le dirigeant du troisième parti thaïlandais manquera par conséquent la première séance du Parlement vendredi et, donc, ne pourra voter pour élire le président de la Chambre basse samedi.
Thanathorn, qui dénonce un "sabotage politique", affirme que ses parts détenues dans V-Luck Media avaient été légalement transférées en janvier, soit plusieurs semaines avant qu’il ne se lance dans la course électorale.
Jeudi, il a réagi en appelant les Thaïlandais à s’unir pour "mettre un terme à la dictature". "Je demande aux personnes qui aiment la justice de se lever et de se battre ensemble", a-t-il déclaré devant le siège de son parti, alors que ses partisans criaient "Bats-toi Thanathorn!"
Le vote pour désigner le Premier ministre pourrait avoir lieu la semaine prochaine.
Mais la Cour constitutionnelle, qui a dissout en février un autre parti opposé à la junte et compte à son actif plusieurs autres dissolutions ces dernières années de partis dérangeant les élites traditionnelles, pourrait carrément interdire Thanathorn de faire de la politique, lui infliger une peine de prison et dissoudre le parti Anakot Mai tout entier.
Le jeune dirigeant politique est en effet aussi accusé de sédition -ce qui peut potentiellement le conduire en prison pour sept ans-, et fait l’objet d’une enquête pour violation présumée de la loi sur le crime informatique après la diffusion d’une discussion sur Facebook Live l'an dernier dans laquelle il critiquait la junte.
Dans un paysage politique bicolore et relativement bloqué, Anakot Mai, qui a remporté 80 sièges de députés, constitue une grande bouffée d’air frais et d’espoir pour une jeunesse qui a grandi dans les cycles de turbulences politiques entre 2006 et 2014 qui ont fait alterner élections avec manifestations sanglantes suivies de coup d’état militaires ou judiciaires et ainsi de suite.
Mais si Thanathorn est mis hors course, "le parti aura moins de force ou d’élan au Parlement", estime Attasit Pankaew de la faculté de sciences politiques de l’Université de Thammasat.
La Cour Constitutionnelle thaïlandaise est considérée par de nombreux analystes comme un organe fortement politisé. Au cours des douze dernières années, la haute institution a dissous plusieurs partis liés au clan Shinawatra, et destitué plusieurs chefs de gouvernement dudit clan, contribuant à des renversements de pouvoir.