Sept partis politiques thaïlandais ont formé une coalition, mercredi, promettant de contrecarrer le parti affilié à l'armée afin de mettre fin à des années de pouvoir de la junte, à l’issue des premières élections dans le pays depuis le coup d'État de 2014.
Le Phalang Pracharat, parti aligné avec la junte, et son principal rival, le Puea Thai, ont tous deux revendiqué le droit de gouverner le pays après le vote de dimanche, provoquant une impasse politique, tandis que les accusations d’irrégularités foisonnent autour de bulletins de vote invalidés et de chiffres contradictoires.
Le Puea Thai, affilié à Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre auto-exilé, s'est uni à six autres partis mercredi pour tenter d'empêcher les factions soutenues par l'armée de diriger le pays.
"Nous voulons empêcher le régime de s'accrocher au pouvoir", a déclaré à la presse la candidate au poste de Premier ministre pour le Puea Thai, Sudarat Keyuraphan.
"Les partis qui sont du côté de la démocratie sont ceux qui ont reçu le plus de confiance et de consensus de la part du peuple", a-t-elle déclaré, lors d'une conférence de presse conjointe à Bangkok, reconnaissant toutefois que les résultats définitifs officiels ne sont pas encore connus.
La Thaïlande est dirigée par une junte depuis le putsch de 2014 dirigé par le général Prayuth Chan-O-Cha, aujourd’hui candidat au poste de Premier ministre sous la bannière du parti Phalang Pracharat.
Et si l'on en croit les résultats préliminaires, le Phalang Pracharat a surpassé le camp de la démocratie en remportant le vote populaire de dimanche avec 7,6 millions de suffrages.
Son principal rival, le Puea Thai, a obtenu 400.000 votes de moins, mais vise maintenant à remporter la majorité des sièges à la Chambre basse avec sa coalition nouvellement formée.
Ce bloc de sept partis estime pouvoir occuper 255 sièges sur les 500 sièges à pourvoir, mais, les résultats officiels n’étant pas encore à confirmés, les projections restent aléatoires. Une répartition plus précise des sièges à la chambre basse devrait être visible dès vendredi, des chiffres plus complets devant en principe être publiés.
Mais pour élire un Premier ministre, le Puea Thai doit réunir dans son camp plus de la moitié - soit 376 - des 750 sièges des chambres basse et haute combinées.
Or, depuis leur coup d'Etat, les militaires se sont assurés le soutien du Sénat, dont ils nomment les 250 membres, ce qui biaise l'équilibre du parlement (chambre haute et basse élisant le Premier ministre) en leur faveur. Le parti de la junte n'a donc besoin, lui, que de 126 sièges à la chambre basse pour atteindre la majorité parlementaire.
"Nous nous attendons à avoir une majorité à la chambre basse, mais nous devons attendre les résultats officiels", soit le 9 mai, a réagi Buddhipongse Punnakanta, du parti pro-junte, interrogé mercredi par l'AFP.
Les militaires devraient donc très probablement conserver le pouvoir, malgré cette coalition face à eux formée mercredi. Une coalition qui n'inclut pas deux autres partis très importants - Bhumjaithai et le Parti Démocrate - qui, ensemble, totalisent actuellement environ 70 sièges et peuvent encore basculer d’un côté comme de l’autre.
Et le Phalang Pracharat va lui aussi chercher à former sa propre alliance.
'Mandat du peuple'
Les élections du 24 mars, repoussées à plusieurs reprises depuis 2015, sont considérées comme un test pour une démocratie thaïlandaise bien mal en point, qui a connu au moins 12 coups d'État réussis depuis 1932.
Le Phalang Pracharat, qui a fait bien mieux que prévu en remportant la plus grande partie des votes populaires, a critiqué le fait que la coalition se présente comme le choix démocratique.
"S'il vous plaît, arrêtez d'utiliser la notion "de front démocratique", car dans cette élection, peu importe le nombre de voix que chaque parti obtient, tout le monde accède aux élections démocratiquement", a déclaré le secrétaire général du parti Phalang Pracharat, Sontirat Sontijirawong.
Une petite manifestation a eu lieu devant le siège du parti mercredi, dirigée par le militant Ekachai Hongkangwan qui a mis en garde les alliés potentiels de se joindre au Phalang Pracharat.
"Je ne veux voir aucun serpent entrer dans la fête", dit-il en jetant un répulsif pour reptiles sur le sol dans un effet théâtral.
En dépit des efforts de la coalition pour créer un front uni, il lui sera presque impossible d'obtenir les voix nécessaires à l'élection d'un Premier ministre, estime Aaron Connelly, chercheur à Singapour de l’International Institute for Strategic Studies.
Ils "semblent poser un marqueur, revendiquant la légitimité de s'opposer à la junte dans le prochain Parlement", a-t-il déclaré à l'AFP.
Les premiers résultats ont été sujets à controverse après que la Commission électorale a annoncé de manière inattendue qu'elle retarderait la divulgation des résultats définitifs.
Le président du parti Anakot Maï (Nouvel Avenir ou Future Forward en anglais), parti nouvellement formé qui ciblait les primo électeurs, a demandé un décompte rapide des votes dans tout le pays.
"Nous demandons à la commission électorale de s'acquitter de ses tâches de manière libre et équitable", a déclaré mercredi à la presse le chef du parti, Thanathorn Juangroongruangkit, après son adhésion à la coalition.