Les nouveaux députés thaïlandais doivent voter mercredi pour désigner le Premier ministre, et le chef de la junte, Prayuth Chan-O-Cha, est en bonne position pour relever le défi posé par Thanathorn Juangroongruangkit, milliardaire charismatique à la tête du bloc pro-démocratie.
Prayuth, qui a pris le pouvoir en 2014, est pratiquement assuré de ce poste grâce aux 250 sénateurs nommés par la junte.
Mais il se trouve face à Thanathorn Juangroongruangkit, le chef du parti Anakot Mai (Nouvel Avenir), assailli de poursuites judiciaires mais adulé par la jeune génération, et qui a été proposé comme candidat au poste par la coalition anti-junte formée par sept partis.
La Thaïlande reste très divisée après 15 ans de coups d'État, manifestations violentes et gouvernements éphémères provoqués par une rivalité grandissante entre un establishment royaliste ultra-conservateur et des partis soutenus principalement par les classes pauvres et moyennes.
Le Parlement, mercredi, se prononcera sur le poste de chef du gouvernement, plus de deux mois après les élections, les premières depuis le coup d’Etat de 2014, un scrutin entaché d’allégations de décomptes erronés et d’achats de voix.
A la veille du vote parlementaire, la tension était palpable alors que les différentes forces en présence présentaient leur plaidoyer final en faveur de leur candidat.
" Prayuth a les qualités, il a la capacité, le leadership nécessaires pour faire le travail", a déclaré à l'AFP Uttama Savanayana, chef du parti du proxy par la junte, Palang Pracharat.
Troisième force
Prayuth bénéficie également d'un soutien important au sein du sénat, composé de chefs de l'armée et d'alliés de la junte, parmi lesquels son propre frère.
L'élection était largement perçue comme un choix binaire entre un gouvernement soutenu par la junte et des partis alignés sur l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et sa sœur Yingluck, dont le gouvernement avait été renversé en 2014.
Mais une troisième force inattendue a émergé menée par le jeune milliardaire Thanathorn. Le parti Anakot Mai a obtenu plus de six millions de voix et 81 sièges de députés, devenant le troisième plus grand parti politique de Thaïlande.
Le quadra spécialiste des réseaux sociaux fait partie d'une coalition comprenant la puissante machine politique du clan Shinawatra, le Pheu Thai, et cinq autres partis.
Ils ont convenu mardi de le proposer comme seul candidat au vote pour le Premier ministre.
Selon les analystes, Thanathorn constitue la plus grande crainte de la junte, et représente aussi un vent de changement pour les électeurs las de l’influence des Shinawatra.
Mais il est assailli de plaintes juridiques dont l’une a conduit à sa suspension provisoire du Parlement.
Il a déclaré mardi que la suspension n'avait rien à voir avec les qualifications requises pour être candidat au poste de Premier ministre, et il a appelé les partis indécis à le soutenir lors du vote.
"Le plus important est de ramener la Thaïlande à la démocratie", a-t-il déclaré à la presse. "Et pour empêcher Prayuth de revenir au poste de Premier ministre."
En supposant que le sénat thaïlandais vote selon les attentes de la junte, cela signifierait que Thanathorn aurait besoin de pas moins de 376 voix à la chambre basse, tandis que seulement 126 suffiraient à Prayuth.
Connu pour son tempérament irascible, il se peut que Prayuth Chan-O-Cha n’assiste pas à la séance. Mais à la veille du vote, il a reçu un coup de pouce non négligeable d’un parti moyen mais crucial qui lui a promis le soutien final dont il semble avoir besoin pour remporter le vote parlementaire.
La décision très importante pourrait provoquer des querelles si les opposants l'utilisent comme une plate-forme pour s’attaquer à la légitimité du général.
"Les politiciens vont essayer de faire des scènes... pour exposer Prayut", a déclaré Titipol Phakdeewanich, politologue à l'Université Ubon Ratchathani.
Cependant, cela n'affectera pas le résultat. "C'est tout ce qu'ils peuvent faire", a-t-il déclaré.