L'armée thaïlandaise s’est joint ouvertement au débat sur l'histoire et la démocratie du pays de Siam en organisant mercredi une cérémonie pro-royaliste, le même jour que les commémorations par les militants pro-démocratie de la révolution de 1932 ayant mis fin à la monarchie absolue.
Une déclaration militaire vue par Reuters jeudi confirme que les responsables de l'armée ont rendu hommage aux dirigeants de la tentative manquée de contre-révolution en 1933 connue sous le nom de Rébellion de Boworadet lors d'une cérémonie à l'intérieur du quartier général de l'armée à Bangkok.
Ces joutes sur la légitimité historique interviennent alors que de plus en plus de Thaïlandais dénoncent un système politique dominé par l'armée et que les monuments rappelant l'instauration de la démocratie en 1932, y compris celui célébrant la victoire sur la rébellion de Boworadet, ont été mystérieusement retirés des espaces publics.
Pour justifier l'organisation des coups d'État en 2006 et en 2014, l'armée a invoqué la protection de la monarchie. Après avoir mené le coup d’Etat de 2014 et dirigé le régime militaire que s’en est suivi pendant cinq ans, l'ancien chef de l'armée Prayuth Chan-O-Cha a été maintenu l'année dernière au poste de Premier ministre à l’issue d’élections contestée.
Les historiens ont souvent décrit la rébellion de Boworadet - du nom d'un prince qui l'a dirigée - comme une tentative de rétablir la monarchie absolue, mais le communiqué de l'armée stipule qu'elle s'opposait à une gouvernance "dictatoriale".
Le roi Maha Vajiralongkorn, qui est officiellement un monarque constitutionnel, est une figure puissante envers laquelle la Constitution impose le respect. Insulter le roi est un crime passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison en Thaïlande.
La déclaration de l'armée décrit l'instauration de la monarchie constitutionnelle et du parlement en 1932 comme "un coup d'État qui a renversé la monarchie".
"Le courage et le sacrifice du prince Boworadet et de Phraya Si Sitthisongkhram méritaient d'être loués pour leur rôle dans la protection de la monarchie avec loyauté et pour avoir voulu que le pays maintienne un véritable système démocratique", indique le manifeste.
Cette vision alternative de l’histoire est le produit de forces conservatrices qui cherchent depuis la fin des années 1950 à refondre le rôle du roi, selon certains historiens.
"C’est une tentative de l'armée pour créer une nouvelle version de l'histoire", explique Charnvit Kasetsiri, un éminent historien thaïlandais.