La police thaïlandaise a arrêté mercredi l'avocat militant Anon Nampa en lien avec la manifestation du 3 août au cours de laquelle il avait appelé à la réforme de la monarchie. C’est la deuxième fois qu'il est arrêté ce mois-ci.
L’homme de 36 ans fait partie des leaders d'un mouvement qui organise des manifestations quasi quotidiennes depuis la mi-juillet. Il a été le premier à appeler ouvertement à des changements sur la position du roi Maha Vajiralongkorn vis-à-vis de la Constitution, brisant un vieux tabou.
Anon Nampa a été accusé de sédition, a déclaré un policier sous couvert d’anonymat car il n'était pas autorisé à parler aux médias. Il n'a pas donné plus de détails. Quant à l’accusé, qui fait déjà l’objet de charges similaires contre lui, ni lui ni son avocat n'étaient disponibles pour commenter.
Le journal Prachathai rapportait dans la nuit sur sa page Facebook que trois autres militants avaient également été arrêtés vers minuit.
La police avait fait savoir qu'elle avait des mandats d'arrêt contre Anon Nampa et cinq autres militants. Ils avaient tous assisté à un événement au cours duquel un appel avait été lancé pour des réformes concernant la monarchie, ainsi que la rédaction d’une nouvelle Constitution, l’organisation d’élections et la fin du harcèlement des opposants au gouvernement.
Le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha a dit qu'il avait pris bonne note des demandes des étudiants mais qu'elles ne devraient pas toucher la monarchie.
"Il y a 67 millions de Thaïlandais", a déclaré Prayuth aux journalistes. "Je pense que la majorité n'est pas d'accord avec les manifestants."
Des militants pro-royalistes ont mené des contre-manifestations pour soutenir le gouvernement et dénoncer les appels à la réforme de la monarchie, mais n’ont jamais rassemblé à chaque fois plus de quelques dizaines de personnes.
Un nouveau groupe de traditionnalistes qui se fait appeler "Thai Pakdee" (Thaïlandais loyaux) a été inauguré mercredi dans un hôtel de Bangkok par le politicien conservateur Warong Dechgitvigrom qui a déclaré que la monarchie du roi Maha Vajiralongkorn était attaquée. Il compte 200 membres.
"Le père de la nation est harcelé... Comment le peuple thaïlandais peut-il rester sans rien faire?", a déclaré Warong Dechgitvigrom, cité par Reuters.
"Notre combat doit s’exprimer en ligne et hors ligne", a-t-il dit, ajoutant que son groupe était non violent et n'avait fixé aucune date de manifestation ou autres actions.
Thai Pakdee a exposé trois revendications: pas de dissolution du parlement, un maximum de poursuites judiciaires contre quiconque cherche à renverser la monarchie, pas de changement à la Constitution sauf via le canal approprié.
Toute forme d’atteinte à l’image de la monarchie peut entraîner une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans en vertu de la loi de lèse-majesté, mais cette loi très sévère est mal perçue et est très critiquée par les défenseurs des droits de l’homme et à l’étranger.
Prayuth Chan-O-Cha a d’ailleurs déclaré en juin que le roi avait demandé qu’il n’y ait aucune poursuite en vertu de la loi de lèse-majesté. La sédition, dont sont accusés les manifestants arrêtés, peut leur valoir jusqu'à sept ans de prison.
Le mouvement de protestation étudiant a rassemblé plus de 10.000 personnes dimanche à Bangkok, la plus grande manifestation depuis plus de six ans. Et cette semaine, les lycéens de plusieurs établissements ont exprimé leur soutien en faisant le salut à trois doigt symbole de résistance à l’autoritarisme durant le rassemblement matinal, lorsque l’hymne national est joué et le drapeau est levé.
Plusieurs centaines de jeunes se sont également rassemblés mercredi au ministère de l'Éducation pour exiger plus de liberté dans les écoles.
Outre le fameux salut révolutionnaire, beaucoup portaient des rubans blancs en signe de soutien aux manifestations anti-gouvernementales.
Dans le même temps, le ministère de l'Économie et de la Société numériques a déposé une plainte pour cybercriminalité contre l'universitaire exilé Pavin Chachavalpongpun pour avoir créé un groupe Facebook considéré comme critique à l'égard de la monarchie, a fait savoir un porte-parole.
Le groupe, appelé Royalist Marketplace, compte plus d'un million de membres. En juin, Anon Nampa avait plaidé la cause des gens qui exprimaient leurs opinions sur cette page qui avait alors près de 500.000, selon le journal Prachathai.
Le ministère a déclaré qu'il avait agi en voyant que Facebook n'avait pas donné suite à sa demande pour faire fermer le groupe.
"L'action du ministère est la forme la plus grossière de censure de l'information. Elle va à l'encontre de la liberté d'expression à laquelle nous avons tous droit", a déclaré Pavin Chachavalpongpun à Reuters.