L'employé d'un temple de Bangkok accusé d'avoir contribué à dissimuler 2.002 foetus humains provenant d'avortements illégaux a écopé hier de 20 ans de prison. Il avait plaidé coupable et permis d'arrêter une jeune femme soupçonnée de pratiquer des avortements illégaux dans son appartement, ce qui lui a permis de voir réduire la sentence initiale de 333 ans
Un tribunal thaïlandais a condamné à 20 ans de prison un fossoyeur accusé d'avoir aidé à cacher dans un temple de Bangkok 2.002 foetus humains provenant d'avortements illégaux retrouvés en novembre, a déclaré jeudi un officiel. Suchart Phumee avait été initialement condamné à deux mois pour chaque corps, après avoir plaidé coupable pour les charges de dissimulation de corps et d'assistance envers les cliniques illégales d'avortements, a déclaré le procureur de l'Etat Rucha Krairiksha.
La peine cumulée des sentences représentait 333 années. Mais l'homme de 38 ans, qui travaillait au temple bouddhiste de Phai Ngern où les corps avaient été cachés, a vu sa sentence réduite à 20 ans, avec 10 ans pour chaque charge, soit la peine d'emprisonnement maximale selon la loi thaïlandaise.
Un second suspect, Suthep Chabangbon, a pour sa part nié les accusations. "La cour a condamné le premier suspect et demandé d'accuser un second qui a nié les charges sept jours après", a ajouté Rucha.
Les foetus humains, enroulés dans des sacs de plastique, étaient restés par la suite sans protection pendant plusieurs journées en novembre, à l'intérieur de trois chambres funéraires du temple. Les temples bouddhistes entreposent souvent des corps dans des zones réfrigérées.
La crainte des esprits
La découverte macabre a choqué la Thaïlande et mis en évidence l'ampleur du phénomène des cliniques d'avortements, dans un pays où les femmes ne peuvent légalement avorter qu'en cas de viol et de dangers pour la mère.
La police a déclaré que certains corps avaient été entreposés sur plusieurs années. Suchart Phumee nous avait confié au début du mois qu'il récupérait les corps depuis dix ans. Il avait expliqué qu'il savait que recevoir les foetus était illégal mais il préférait les savoir dans le temple que dans un endroit quelconque. "Je ne peux pas arrêter ces gens de toute façon, et je me suis dit que si je refusais de prendre les corps qu'ils m'apportaient, ils iraient ailleurs pour s'en débarrasser, je ne sais où, dans les poubelles", nous avait-il confié. Suchart nous avait avoué avoir pris autour de 200 bahts par corps qu'il utilisait pour des offrandes, en précisant qu'il craignait de voir les esprits des foetus venir le hanter sinon.
La croyance en la survivance des esprits est forte et très répandue en Thaïlande. Le temple a d'ailleurs érigé un autel dédié à ces enfants non-nés au pied duquel des centaines de personnes viennent déposer des vêtements ou des jouets pour apaiser les esprits censés venir s'incarner dans trois statues d'enfants nommées Nak, Ngern, Thong (Bronze, Argent, Or).
La police a, depuis cette affaire, mené des opérations contre des cliniques illégales d'avortements, mais la plupart d'entre elles ont fermé lorsque le scandale a éclaté dans la presse. Une jeune femme a néanmoins été arrêtée en décembre, puis relâchée sous caution début janvier. Elle est suspectée d'avoir tenu une clinique illégale d'avortement dans un appartement. Selon la police elle aurait travaillé auparavant comme assistante dans une clinique du même genre avant de monter la sienne. Une autre femme et un homme sont également recherchés pour des faits similaires.
Le gouvernement, pour sa part, a suggéré d'interdire les relations sexuelles avec les filles âgées de moins de vingt ans et les parlementaires ont proposé d'assouplir la loi actuelle.
Kamheang Chaturachinda, présidente de la Fondation des droits reproductifs et de la santé des femmes de Thaïlande, a affirmé que 400.000 Thaïlandaises subissaient des avortements par des personnes non-habilitées et dans des conditions d'hygiène déplorables.
12 à 15% de ces femmes seraient des adolescentes, selon Chaturachinda, ancienne présidente du Collège royal thaïlandais des obstétriciens et des gynécologistes.
P.Q. avec AFP vendredi 28 janvier 2011
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