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Des milliers de jeunes femmes emprisonnées pour trafic de drogue

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Meesh
Écrit par Agence France Presse
Publié le 20 février 2019

Devenues trafiquantes de drogue pour se payer un frigo, plaire à un petit ami ou imiter leur mère, des milliers de Thaïlandaises purgent de lourdes peines de prison, dans un pays des plus touchés par le trafic de méthamphétamines.

A 27 ans, Mai en est à son deuxième séjour derrière les barreaux. Son drame: avoir cédé au "yaba", ces cachets de méthamphétamines - littéralement le "médicament qui rend fou" - consommés couramment en Thaïlande, du chauffeur de taxi à l'étudiante.
Incarcérée à Ayutthaya, à une heure au nord de Bangkok, elle purge une peine de trois ans pour 20 pilules de yaba découvertes sur elle.

"La quantité de yaba était supérieure à ce qui est considéré comme un usage personnel. Alors j'ai été condamnée pour vente", explique Mai, dont le petit ami est lui aussi en prison pour trafic de méthamphétamines.

Cette ancienne toxicomane, mère d'un petit garçon né en prison, sortira en mai 2016, sans espoir de remise de peine en Thaïlande où la politique anti-drogue est l'une des plus répressives au monde.

Trois ans, c'est une peine "de routine" dans ce pays d'Asie le plus affecté par les méthamphétamines après la Chine. Plus de 95 millions de cachets y ont été saisis en 2012, souligne l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Bangkok.

A la prison d'Ayutthaya, un salon de coiffure à côté de la salle des enfants aux murs couverts de dessins, et de coquets massifs de fleurs accueillent le visiteur.

Mais Mai, uniforme bleu clair comme 650 autres détenues, évoque à demi-mots la dureté de la vie et les "missions à accomplir" sans salaire.

La visite des dortoirs est interdite comme la caméra dans l'atelier de couture, où les détenues assises à même le sol cousent des perles sur des T-shirts, pour 100 bahts par mois (2,5 euros). Le produit de la vente est destiné au budget de fonctionnement de la prison.

La parole par l'écriture

Pour tenter de changer la vision de ses concitoyens sur la prison dans son pays, l'écrivaine Orasom Suddhisakorn y a organisé des ateliers d'écriture. "Nous voulons que la société regarde les prisonniers comme des êtres humains", estime l'auteure des recueils de témoignages dont "Facekook" ("kook" pour prison en thaï), vendus à plusieurs milliers d'exemplaires.

Une détenue y raconte comment, jeune divorcée, elle s'est retrouvée à vendre du yaba pour élever son fils, une autre comment son petit ami "farang" (occidental) l'a utilisée comme mule, ou comment telle autre a suivi la tradition familiale, où tout le monde vit de ce trafic.

Sawapa, 23 ans, emprisonnée pour une poignée de cachets de yaba, est parmi la vingtaine de détenues réunies ce jour-là dans une salle de cours aux ordinateurs recouverts d'une housse. La bibliothèque voisine est remplie de brochures techniques et de manuels bouddhistes, sans l'ombre d'un roman.

Ces ateliers "m'aident à mieux organiser mes pensées. Cela me fait penser au passé, à ma famille, à la façon dont je vivais", explique Sawapa.

Sa mère rêve qu'elle reprenne ses études et lui destine toujours son épicerie. Mais la sortie est loin: 26 juin 2018.
Cette répression, même celle des petits trafiquants, contribue à faire de la Thaïlande l'un des pays aux taux les plus élevés au monde de prisonnières: 14% de la population carcérale, contre 3% en France, selon l'ICPS (International Centre for Prison Studies).

Près de la moitié des prisonnières purgent une peine pour trafic ou possession de yaba, selon l'administration pénitentiaire.
A la prison d'Ayutthaya, le chiffre monte à 80%, selon la direction de l'établissement.

Orasom Suddhisakorn est une des rares voix à prôner un meilleur accompagnement des prisonniers. D'autres réclament un allègement des peines pour drogue, la politique du tout répressif ne faisant pas reculer le trafic.

"Les peines de prison sont extrêmement longues (...) 20, 30 ou 40 ans, quand ce serait trois ans dans d'autres pays", critique Danthong Breen, de l'ONG de défense des droits de l'Homme UCL, qui se bat depuis des années contre un système aux condamnations extrêmes.
 

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