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Que penser de l’hypothétique réouverture de la Thaïlande aux voyageurs vaccinés ?

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REUTERS/Jorge Silva - De nombreuses incertitudes planent sur la réouverture de la Thaïlande aux voyageurs internationaux, entre le contexte épidémique et vaccinal, les contraintes imposées aux voyageurs et l’état de l’offre touristique
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 22 septembre 2021, mis à jour le 16 septembre 2022

Après Phuket et Samui, 25 provinces en Thaïlande devraient de nouveau accueillir les touristes à partir d’octobre, un bel effet d’annonce dont beaucoup attendent la mise en place concrète.

La Thaïlande pourrait ouvrir quatre provinces, -Chonburi, Chiang Mai, Petchaburi et Prachuap Khiri Khan-, dès le 1er octobre aux visiteurs étrangers complètement vaccinés sans avoir à subir une quarantaine de deux semaines dans un hôtel.

Initialement prévue pour le 1er octobre également, la réouverture de Bangkok est déjà reportée au plus tôt au 15 octobre. Une date qui correspond à la reprise du tourisme étranger dans 21 autres provinces (Chiang Rai, Lamphun, Mae Hong Son, Nan, Phrae, Sukhothai, Bueng Kan, Nong Khai, Ubon Ratchathani, Udon Thani, Kanchanaburi, Ratchaburi, Chanthaburi, Rayong, Trat, Ayutthaya, Nakhon Sri Thammarat, Ranong, Satun, Songkhla et Trang). 

Ces différentes phases font partie de l’extension du programme de réouverture du pays au tourisme international initié le 1er juillet avec la Phuket Sandbox. 
Phuket a en effet été la première province thaïlandaise à rouvrir sans quarantaine obligatoire aux touristes étrangers dans le cadre de ce projet pilote qui a été dupliqué le 15 juillet avec quelques variantes sur l’archipel de Samui. 

Selon l’Office du Tourisme de Thaïlande (TAT), plus de 33.000 visiteurs internationaux entièrement vaccinés ont fréquenté la plage de Phuket dans le cadre de son programme expérimental entre le 1er juillet et le 15 septembre 2021. Mais certains analystes estiment que beaucoup, au moins les trois-quarts selon certaines estimations, ne sont pas de vrais touristes.

C’est l’avis de Bill Barnett, directeur de C9 Hotelworks, une compagnie de consultance en hôtellerie. “Pour moi, la sandbox est avant tout une preuve que l’on peut voyager mais ce fût avant tout un moyen privilégié pour les expatriés vivant dans toute la Thaïlande de rentrer dans le pays, sans quarantaine de 14 jours”. 

A partir du 1er octobre, sur le même modèle que la Phuket Sandbox, les visiteurs qui se rendront depuis l’étranger dans l’une des quatre provinces (Chonburi, Chiang Mai, Petchaburi et Prachuap Khiri Khan) devront séjourner dans une zone déterminée entre 7 et 14 jours après leur arrivée et passer plusieurs tests de dépistage avant de pouvoir en sortir et voyager ailleurs dans le pays.

Mais compte tenu du contexte épidémique et vaccinal actuel -même si le nombre de cas baisse et que la vaccination s’accélère-, il n’est pas impossible que les autorités fassent marche arrière ou décident de reporter la date de l’ouverture. En effet, avant que celle-ci ne soit totalement approuvée, elle doit être validée par le Centre de gestion de la situation du Covid-19 (CCSA) et publiée dans la Gazette Royale. 

Des conditions encore trop floues

Face à l’incertitude, les acteurs du tourisme restent prudents, d’autant plus que les modalités pratiques pour les voyageurs n’ont pas encore été communiquées.

Les détails du programme de la Phuket Sanbox avaient été annoncés le 30 juin, 24h avant l’ouverture… Je pense que nous serons dans le même cadre de figure, il est impossible de se préparer dans ces conditions”, commente Marc De Laet, conseiller pour l’agence de voyage (réceptif) Asiajet.

Un scepticisme que partage La-iad Bungsrithong, présidente de l’association des Hôtels pour le Nord de la Thaïlande, d’autant plus que l’espace aérien international n’est pas encore totalement ouvert. Actuellement, aucun vol international n’arrive à Chiang Mai et les liaisons aériennes entre le nord et Phuket sont trop sporadiques, voire inexistantes avec Koh Samui. 

À Chiang Mai, d’ici la fin de l’année 2021, je ne m’attends pas à mieux que quelques centaines de visiteurs. À Koh Samui, depuis le 15 juillet, ils en ont eu seulement 800, je ne pense pas que nous ayons davantage. Et cela ne va certainement pas apporter une aide suffisante au secteur du tourisme”, a déclaré la directrice du RatiLanna Riverside Spa Resort dans une récente interview donnée à Lepetitjournal.com.  

Selon certaines agences de voyages, le casse-tête vient également de l’obligation de rester pour une période de 7 ou 14 jours dans une seule province. Pour l’heure, deux options se dessinent pour les voyageurs : un séjour de 7 jours à Phuket suivi de 7 jours dans une autre province, ou un séjour de 14 jours dans une seule province, avant de pouvoir circuler librement dans toute la Thaïlande.

Actuellement, les autorités ne parlent pas d’ouvrir une province complète, mais seulement de certains districts. À Chiang Mai, cela concerne seulement quatre de ses 25 districts: le centre-ville de Chiang Mai, Mae Rim, Mae Taeng, et Doi Tao. Même Doi Inthanon n’est pas accessible !, s’étonne Olivier Rymer, directeur de l’agence Les Voyages d’Angèle. "Que voulez-vous faire à Chiang Mai pendant 14 jours ?” 

Dans la province de Petchaburi, seul le district de Cha-am serait accessible. Idem à Prachuap Khiri Khan avec le district de Hua Hin. Dans la province de Chonburi, les voyageurs pourront séjourner à Bang Lamung District (Pattaya) et Sattahip. 

Réticences de certaines provinces

En plus des conditions de voyages floues ou contraignantes, certaines provinces elles-mêmes émettent des doutes sur une possible ouverture tandis que d’autres souhaitent miser d’abord sur un tourisme domestique. 

Pour le gouverneur de Bangkok, Aswin Kwanmuang l'accueil des touristes étrangers ne pourra se faire que si trois conditions sont réunies rapporte le Bangkok Post. La première condition est d’avoir un taux de vaccination de 70% de la population dans la capitale. À ce jour, seulement 42% des Bangkokois ont reçu deux doses. Compte tenu du rythme actuel de la campagne de vaccination, la date la plus optimiste pour atteindre un taux de 70% de la population vaccinée est le 22 octobre. Ensuite, le gouverneur de la capitale estime qu’il faudrait que le nombre de nouveaux cas de coronavirus continue de diminuer, ce qui semble en bonne voie puisque le dernier pointage mardi faisait état d’un peu plus de 10.000 cas d’infection contre 14.000 vendredi - le pic de cette troisième poussée épidémique débutée en avril a été atteint à la mi-août avec environ 23.000 cas. Enfin, Aswin Kwanmuang souhaite aussi voir une baisse significative du nombre de patients malades du Covid-19 dans les hôpitaux. 

À Hua Hin, le vice-président de l'Association hôtelière thaïlandaise (THA), Udom Srimahachota, estime que la réouverture prévue pour les étrangers risque de faire plus de mal que de bien et conseille de la retarder au mois de décembre, rapporte ThaiPBS. D’après lui, les stations balnéaires de Hua Hin et Cha-am connaissent un regain d’intérêt auprès des Thaïlandais et le tourisme domestique pourrait connaître un pic au mois d’octobre avec les vacances scolaires de milieu d’année. Dès lors, il estime que le gouvernement devrait se concentrer en priorité sur une nouvelle campagne incitative comme celle initiée l’an dernier, “Travel Together”, permettant aux Thaïlandais de bénéficier de 50% de rabais dans les hôtels et les restaurants.

Signe encourageant

Néanmoins, si l’incertitude continue de planer sur les dates possibles ou les conditions d’entrées dans le royaume, les discussions autour d’une possible réouverture sont perçues de manière positive par les acteurs du tourisme, un secteur laminé par les mesures sanitaires imposées à partir de mars 2020. Dans le nord de la Thaïlande, La-iad Bungsrithong souligne que 70% des hôtels sont fermés depuis le mois d’avril et, sur les 30% ouverts, les taux d’occupation sont inférieurs à 10%. 

Envisager une ouverture, cela nous permet de nous remettre en route, c’est toujours mieux que de rester à se morfondre! Je pense aussi que c’est important d’en parler afin de préparer la population et de restaurer la confiance, le Covid-19 ne va pas disparaître, nous devons apprendre à vivre avec tout en nous ouvrant de nouveau au tourisme”, commente-t-elle. 

Pour l’agence Easia, les effets de la Phuket Sandbox se font sentir surtout maintenant. “Nous avons accueilli nos premiers clients à Phuket au début du mois de septembre et nous avons de plus en plus de demandes de voyage pour la haute saison", se félicite Nathalie Delevaux, directrice Thaïlande d’Easia. "Il y a eu beaucoup de communication autour de Phuket, nous y avons d’ailleurs monté un programme très original. Pour les autres provinces, j’attends et ensuite je lancerai la communication envers mes clients”. 

Marc De Laet de chez Asiajet, estime que “cela va dans le bon sens". "Le tourisme ne reviendra pas au niveau d’avant le Covid-19 avant longtemps, dit-il, mais on voit que la Thaïlande montre des signes d’ouverture, dans la région elle fait office de pionnier”.

5 à 6 ans pour revenir aux niveaux de 2019

D’autres sont par contre plus perplexes. Pour le directeur de l’agence Novaway, Philippe Chandru, l’ouverture de la Thaïlande reste hypothétique, même si l’on ne se projette qu’au 1er janvier 2022.  

Tous les mois, nous avons des annonces d’ouverture et des chiffres de vaccinations qui ne tiennent pas la route et, au final, nous n’avons aucune visibilité. Comment peut-on croire qu’en janvier la population sera suffisamment vaccinée et que le gouvernement lèvera toutes les contraintes, cela reste hypothétique! Je ne m’attends pas à une reprise avant le mois de mars 2022 et encore cela restera marginal, car nous entrerons à ce moment-là dans la basse saison touristique. Et nous serons à deux années sans touristes”, conclut-il.

Lors d’un webinar organisé le 9 septembre par les Conseiller du Commerce Extérieur de la France (CCEF) sur la situation en Thaïlande, Patrick Basset, le directeur général opérationnel Asie du Sud-Est & Nord-Est et Maldives du groupe AccorHotels, s’était dit confiant sur le long terme soulignant le fort potentiel touristique de la Thailande "capable d’atteindre les 60 millions de visiteurs". 

Toutefois, il estime qu’il faudrait 5 à 6 ans au secteur touristique du royaume pour panser ses plaies et revenir aux niveaux de fréquentation de 2019.
Sur 90 hôtels gérés par Accor en Thaïlande, seulement 40 sont ouverts, 5 ont été reconvertis en hôtels de quarantaine (AQI), 14 en hospitel tandis que 31 sont fermés.

Le groupe hôtelier, qui comptait dans le royaume 14.000 employés avant la crise du Covid, a réduit de moitié sa masse salariale et Patrick Basset estime que sur l’ensemble du secteur, ce serait au moins 3 à 4 millions de personnes qui auraient perdu leur emploi. "C’est assez inquiétant pour le futur parce qu’on s’aperçoit que les gens cherchent à se rediriger vers d’autres industries" a-t-il souligné. "Cela veut dire qu’au moment de la réouverture, nous aurons certainement perdu beaucoup de personnel (qui était formé). Les standards ont déjà baissé, et il va falloir plusieurs mois pour les faire remonter (...) et former le personnel nouveau".

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