Des spécialistes des droits de l'homme de l'ONU ont exhorté vendredi l'UNESCO à ne pas accorder le statut de site du patrimoine mondial au parc national de Kaeng Krachan en Thaïlande, soulignant que des autochtones y étaient toujours arrêtés et expulsés de leurs terres.
S'étendant sur les provinces de Petchburi, Ratchaburi et Prachuap Kiri Khan, à trois heures de voiture de Bangkok, Kaeng Krachan est le parc naturel le plus vaste de Thaïlande, couvrant 2.915 kilomètres carrés. Il se situe au partage des eaux des fleuves Petchaburi et PranBuri, et abrite une faune et une flore d'une grande variété.
L'appel des experts indépendants vendredi intervient juste avant l'examen du dossier prévu lundi par un comité de l'UNESCO, auprès duquel le gouvernement thaïlandais essaye d’obtenir le classement au patrimoine mondial pour la troisième fois depuis 2016.
La Chine et la Russie font partie des pays soutenant la candidature thaïlandaise, selon leur proposition conjointe, qui ne fait pas référence à la communauté ethnique Karen vivant dans ce vaste et riche parc national de Kaeng Krachan qui se trouve dans la province de Petchburi, près de la frontière birmane.
Les responsables thaïlandais n'ont pas souhaité réagir aux inquiétudes des experts qui préviennent qu’un classement au patrimoine mondial priverait les Karen de leur droit de rester sur leurs terres où leurs techniques agricoles contribuent selon eux à préserver la biodiversité.
Dans un édito sans concession intitulé Forest dictatorship at Kaeng Krachan dénonçant l’approche gouvernementale de la question, la journaliste Sanitsuda Ekachai rappelait en mars dernier qu’après 25 ans de difficultés liées à la réinstallation forcée, la pandémie et la pénurie de nourriture ont fait réaliser aux Karen que rentrer chez eux était leur seul choix possible pour assurer leur sécurité et leur survie.
"Il s'agit d'un cas important qui crée un précédent et peut influencer les politiques sur la façon dont les droits des peuples autochtones sont respectés dans les zones protégées à travers l'Asie", ont déclaré les experts de l'ONU dans un communiqué.
"Les indigènes Karen du parc national continuent d'être expulsés de force et leurs maisons incendiées", ont-ils déclaré.
Plus de 80 membres de l'ethnie Karen ont en effet été arrêtés cette année, parmi lesquels 28 dont un enfant ont été inculpés pour "empiétement" sur leurs terres dans le parc, selon le communiqué qui souligne qu'il n'y a pas eu de consultations "en toute bonne foi" permettant aux Karens de participer au processus de nomination de l'UNESCO.
L'Union internationale pour la conservation de la nature a déclaré que l'UNESCO devrait suspendre la désignation du parc comme site du patrimoine mondial. Le groupe basé en Suisse demande que le gouvernement thaïlandais montre qu'il y a bien un soutien au projet de la part de tous les peuples autochtones touchés en leur garantissant l’usage des terres et des moyens de subsistance.