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Le Français Yan Marchal refoulé par la Thaïlande pour ses satires

Portrait de Yann MarchalPortrait de Yann Marchal
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 29 novembre 2021, mis à jour le 30 novembre 2021

Yan Marchal, un entrepreneur français connu pour ses vidéos satiriques sur la politique thaïlandaise, s'est vu refuser l’entrée dans le royaume samedi au motif qu’il serait "un danger pour la société", selon son avocate.

Yan Marchal, Français résident en Thaïlande depuis 18 ans, a atterri en France, dimanche, après s’être fait refouler la veille par les autorités thaïlandaises à son arrivée à Phuket.

L’entrepreneur de 48 ans avait atterri à Phuket samedi matin après des vacances en France, mais l'immigration lui a fait savoir qu’il ne pourrait pas entrer sur le territoire, invoquant un comportement constituant un danger pour la société, a déclaré son avocate, Nadthasiri Bergman.

La notification qui lui a été remise ne donne pas plus de détails.

Un porte-parole du gouvernement contacté par Reuters n'a pas répondu à une demande de commentaires sur cette affaire.

Près de 600.000 fans sur Tik Tok

Professionnel de la production de jeux vidéo, Yan Marchal est surtout connu pour ses satires politiquement engagées contre l’establishment militaro-royaliste thaïlandais sur les réseaux sociaux.

Son premier coup d’essai en 2019, avec la publication sur You Tube d’une parodie de la chanson du Premier ministre meneur du coup d’Etat de 2014, Prayuth Chan-O-Cha, lui avait valu plus d’un million de vues en quelques heures. Et aussi des remontrances de la police qui lui avait demandé de retirer la vidéo et de cesser ce genre d’activité.

Mais aujourd’hui Yan Marchal a un compte TikTok avec plus de 560.000 abonnés qui se délectent de ses vidéos réalisées en thaï moquant le gouvernement et la doxa ultra-conservatrice. 

Porte-voix des revendications pro-démocratie

Sur certaines vidéos, on peut le voir habillé d’un t-shirt portant des inscriptions appelant à l'abolition de la loi de lèse-majesté et à la réforme de la monarchie, revendications du mouvement pro-démocratie mené par une partie de la jeunesse thaïlandaise depuis l’an dernier.

Les conservateurs thaïlandais perçoivent la royauté comme sacro-sainte et considèrent les insultes contre le roi Maha Vajiralongkorn et la monarchie comme une menace pour la société. 

Le Français, qui venait de relancer son entreprise, Sanuk Games, avec trois employés, se voit donc mis à la porte de son pays d’accueil où vivent également ses deux enfants franco-thaïlandais âgés de 14 et 17 ans. 

"Je viens d’arriver chez mes parents et je vais y rester jusqu’à ce que sache où aller", nous a confié Yan Marchal dimanche par téléphone. "Il faut que je règle les affaires que je dois solder en Thaïlande avec un avocat", a-t-il ajouté, disant nourrir peu d’espoir de retour dans un futur proche.

Appel de la décision

En principe, lorsque l’on fait l’objet d’une procédure d’expulsion, il est possible de faire appel sous 48 heures. Or, Yan Marchal soutient que l’officier de l’immigration à Phuket ne lui a pas proposé le formulaire (TM11) pour soumettre sa demande d’appel. "Mon avocate me l’a envoyé par email puis l’a transmis rempli à plusieurs adresses du gouvernement, ce qui n’est pas la procédure habituelle", explique Yan Marchal.

Son avocate espère ensuite pouvoir demander à l’immigration, comme le veut la procédure, d’avoir accès au contenu du fichier à l’origine de la décision, afin de pouvoir contester cette dernière. Selon Yan Marchal, le motif d’expulsion serait infondé. "Je suis a priori la première personne à être expulsée sans avoir été condamné ni avoir été en séjour irrégulier". 

"Je vais donc suivre la procédure d’appel pour voir où cela mène, mais je vais tout de même préparer mes affaires comme si je ne retournais pas en Thaïlande".

Signes avant-coureurs

L’immigration avait déjà envoyé des signaux exprimant le malaise des autorités vis-à-vis de Yan Marchal l’an dernier, lorsque le Français avait demandé le renouvellement de son visa.

"Je ne pensais pas que la probabilité [d’une expulsion] était aussi grande, c’est pourquoi je ne m’étais pas vraiment préparé", explique Yan Marchal qui s’est acheté une nouvelle voiture cette année, et venait de relancer son entreprise avec trois salariés. 

"Ce que je vais leur proposer, c’est de continuer à distance, d’autant que nous avons travaillé comme cela pendant deux mois quand j’étais en France. Si cela ne fonctionne pas, j’envisagerai de monter un nouveau studio ailleurs".

Côté familial, Yan Marchal va déjà pouvoir revoir, à l’occasion des vacances de Noël, son fils de 17 ans qui souhaite par ailleurs faire ses études en France, et espère pouvoir s’organiser au mieux pour sa fille de 14 ans.

Aucun regret

Malgré les complications qui se présentent à lui, il ne regrette pas ses prises de position dans un pays où l’on n’aime pas que les étrangers se mêlent des affaires internes.

"Je n’ai pas de regret, j’ai été moi-même, j’ai fait ce que je voulais faire, j’espère que le régime thaïlandais changera pour le meilleur un de ces jours et que la libre expression y sera rendue possible pour permettre une meilleure gouvernance qui donne des chances au plus grand nombre".

Néanmoins, cette expulsion ne signe pas l’arrêt des activités du trublion français. 

"Désormais, la loi thaïlandaise sur la liberté d’expression ne s’applique plus à moi. Je pense donc que je vais continuer à pousser des clips, du moins tant que cela m’amuse de le faire et que j’ai une audience à qui cela plait". Une audience essentiellement thaïlandaise, d'autant que les contenus sont en langue thaïe. Sur Tik-Tok, il apparait que les réactions les plus sympathiques viennent en majorité des Thaïlandais, alors que les critiques les plus acerbes viennent le plus souvent d’étrangers vivant en Thaïlande, fait remarquer Yan Marchal.

Malgré tout, le Français essaye de voir le bon côté des choses. "L’idée de rester un peu en France ne me déplait pas pour plusieurs raisons à commencer par le fait d’être plus proche de mes parents qui prennent de l’âge. Il y a aussi que les deux années du Covid en Thaïlande n’ont pas été particulièrement agréables avec toutes les activités fermées. Après, en fonction des opportunités, s’il faut que je monte un studio ailleurs, je suis prêt à partir".

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