L’Alliance française de Bangkok déménage ce week-end de Sathorn sur son nouveau site de Lumpini, transportant avec elle plus de cent ans d’histoire. Son tout nouveau directeur, Christian Mérer, qui s’est porté volontaire pour relever le défi de cette transition, ne cache pas son enthousiasme. Il voit en effet dans ce changement une opportunité à saisir pour installer l’Alliance comme un pôle culturel majeur de la capitale
Christian Mérer a pris ses fonctions de directeur de l'Alliance française le 1er septembre. Il arrive des Philippines où il occupait le poste de Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle (COCAC) depuis 2009. Diplômé en philosophie et lettres (agrégation et doctorat), il est entré au ministère des Affaires étrangères en 1995 où il a exercé dans les domaines de la coopération culturelle, de l’enseignement français à l’étranger et du développement. De 1996 à 2001, il dirige des Service culturels et de coopération en Chine (à Canton) avant de partir au Viêt Nam (Hô-Chi-Minh-Ville) au même poste de 2001 à 2005. De 2005 à 2009, il occupe la fonction de chef de service, Asie Moyen Orient, Océan Indien, Océanie à l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Etranger (AEFE), relevant du ministère des Affaires étrangères.Il avoue que si l’Asie ne lui était pas prédestinée, la région est devenue une destination privilégiée au fil des postes, tout en soulignant qu’il s’agit d’une des zones les plus dynamiques du monde.
Lepetitjournal.com - Quand l’Alliance déménage-t-elle, comment cela va-t-il se passer ?
Christian Mérer - Sur le site de Sathorn, toutes nos équipes auront déménagé pour le 30 septembre. Nous ouvrons le site de Lumpini au public le 1er octobre (entrée au 179 Thanon Wittayu).
C’est un très gros travail. L’électricité est mise, l’ensemble du réseau de communications est au point, on est au stade des finitions à J-10.
Bien entendu c’est un grand changement. Ce sont 80 ans d’histoire sur ce terrain de Sathorn qui s’achèvent. Pour toutes les équipes, les enseignants, la médiathèque, les équipes pédagogiques, c’est vraiment une étape nouvelle, mais tout se passe bien.
L’inauguration officielle aura lieu le 16 octobre à 14h sur le nouveau site de Lumpini, sous le haut patronage de la princesse Sirindhorn, en présence de Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la Francophonie, et de hautes personnalités telles le vice-Premier ministre M. Phongthep Thepkanjana et le Gouverneur de Bangkok M.R. Sukhumbhand Paripatra. Il s’agit d’un événement protocolaire exclusivement sur invitations (350), qu’accompagneront le Président de l’Alliance française, le Docteur Jingjai Hanchanlash, et l’Ambassadeur de France en Thaïlande, M. Thierry Viteau.
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Pouvez-vous nous donner un avant-goût de ce que sera la nouvelle Alliance ?
La nouvelle Alliance française est située au cœur d’une nouvelle zone de développement, proche du parc Lumpini (non loin du MRT), qui comprendra des aires de bureaux, des malls commerciaux et un espace destiné à des structures culturelles.
Nous disposons d’une surface utile de 5.000 m2 sur 5 étages et d’un toit qui fera terrasse. Le terrain lui même fait 1.600 m2. Nous aurons ainsi un centre très moderne, doté des derniers équipements, un peu plus spacieux en termes d’espaces aménagés que le site actuel de Sathorn Thai. Il y aura 28 salles de classe de 30m2 en moyenne avec des équipements interactifs (tableaux et ordinateurs), une très belle médiathèque avec un espace enfants et un lieu de détente, pour laquelle nous avons un nouveau projet de médiathèque numérique. L’auditorium de 240 places, très moderne, avec une bonne qualité de son, sera au cœur de nos événements artistiques et des grandes rencontres de l’Alliance. Les centres d’art (danse, musique, beaux arts, mode) sont une remarquable spécificité de l’Alliance de Bangkok. Il y aura aussi une salle multimédia, et une galerie, en mezzanine au-dessus de l’entrée.
A l’entrée, vous trouverez la librairie Carnets d’Asie, que vous connaissez bien pour son fonds exceptionnel, et le café 1912, qui sera géré par notre nouveau partenaire M. Hugues Réveillé. C’est un projet de qualité de restaurant français avec une partie thaïe et une pâtisserie étoffée.
Nous hébergerons les instituts de recherches IRASEC, IRD, ainsi que Campus France qui assure la promotion des études supérieures en France.
L’Alliance sera ainsi un centre de culture et de langues polyvalent, avec une plate-forme de services où chacun va jouer son rôle et renforcer l’attractivité de l’ensemble. Il s’agit de valoriser au mieux ces richesses et compétences diverses afin d’attirer le plus possible de visiteurs sur le site, dans une atmosphère que nous souhaitons des plus conviviales.
Quels grands changements ce déménagement pourrait-il impliquer ?
On vient de fêter le centenaire de l’Alliance française de Bangkok, qui est aussi la plus importante d’Asie en termes d’effectifs d’étudiants et en volume d’activités. Quand on prend en compte l’histoire de l’Alliance à Bangkok - 1912, 1926, 1962 - on remarque qu’elle a beaucoup changé. Dès le début elle a déménagé. Et quand elle ne déménageait pas il y avait d’ambitieux projets de constructions. En ce sens, l’Alliance suit le mouvement des grandes métropoles d’Asie qui connaissent un développement des plus rapides. Elle a toujours bénéficié du haut patronage et du précieux appui de la famille royale, très attachée à cette institution francophone. La France, à travers le ministère des Affaires étrangères, lui a apporté un important soutien financier.
Nous espérons non seulement que notre public va nous demeurer fidèle (la Thaïlande représente un potentiel francophone important), mais qu’à terme le nouveau centre va jouer de sa pleine attractivité.
L’élément nouveau est que nous serons au cœur de Bangkok, dans une zone de développement, à côté du parc Lumpini. L’endroit devrait connaitre dans les 3 à 5 années à venir un développement important avec semble-t-il un pôle culturel (ce n’est cependant pas encore complètement arrêté), un pôle de bureaux, un centre commercial de qualité, et un jardin au milieu avec des parkings sous-terrains.
Si on raisonne en termes de captation de nouveaux publics, éducatifs, culturels, milieux d’affaires, on est vraiment bien placé pour les années à venir. C’est un pari gagnant, et nous bénéficierons de la logique de proximité.
Nous offrons des cours de français, des événements culturels, mais le but à terme est d’attirer un maximum de public sur place, que les gens viennent ! Pour cela dès 2014 nous mettrons l’ensemble de l’Alliance en scène pour des spectacles et des expositions qui lui donneront une grande visibilité.
Quid des nuisances dues aux travaux qui s’annoncent tout autour et de la voie d’accès?
En effet, il y aura un chantier proche de l’Alliance française, mais cette zone de développement n’est pas vraiment mitoyenne, elle donne sur la voie d’accès et sur Rama 4 plutôt. Nous espérons que le chantier sera isolé et procédera étape par étape. Donc il faut relativiser cet aspect des nuisances.
L’accès par Rama IV sera fermé dès le 1er octobre. Il y aura une entrée unique qui se fera par le 179 Thanon Wittayu, à l’angle sud de l’Ambassade du Japon. L’Alliance aura prochainement sa propre route, autonome, tandis qu’en parallèle, il y aura une route qui desservira les trois ambassades (Japon, Australie, Nouvelle-Zélande). Pour l’instant, nous avons une route provisoire de 400 mètres avec un éclairage de nuit qui mène à l’Alliance française et à son parking de 42 places.
Il y aura un gardiennage à l’entrée avec un système de tickets, pour le parking, et des laisser-passer.
Nous ne sommes pas situés très loin des métros souterrain (MRT Lumpini à 600m) et aérien (BTS Saladaeng un peu plus loin). Des stations de moto-taxis se mettront en place. Et l’accès en voiture sera bien indiqué.
Pour l’heure, nous n’avons pas remarqué de baisse dans les inscriptions de cours à l’Alliance du fait du transfert.
Qu’en est-il des espaces extérieurs, notamment en vue de l’organisation d’événements phares tels que le 14 juillet et la Fête de la Francophonie?
On va étudier la question car la zone est encore en aménagement. L’espace devant l’Alliance n’est pas immense, c’est 12 mètres de large sur 40 de long. Pour l’instant, il faut que l’on s’installe, mais nous souhaitons continuer car ces manifestations en plein air sont très populaires. Il faut que l’on voie comment intégrer la Fête de la Francophonie et le 14 juillet à ce nouveau bâtiment.
On envisage notamment d’aménager la terrasse sur le toit, que nous devons encore sécuriser pour permettre l’organisation de soirées, de concerts, et d’expositions.
Comment comptez-vous investir ces lieux tout neufs ?
On communique beaucoup sur cet emménagement. Sur le dernier trimestre 2013 on va d’abord s’installer tout en respectant l’agenda. Il y aura la programmation habituelle de l’Alliance, que les gens connaissent, et qui va continuer jusqu’en décembre.
Et puis, afin de présenter la nouvelle Alliance au public, nous avons prévu 2 journées portes ouvertes, l’une plutôt destinée aux étudiants, l’autre à la communauté francophone et francophile en général. En 2014, avec l’appui de l’Ambassade et de nos partenaires, nous allons essayer de lancer 3 à 4 grands événements qui mettront toute l’Alliance en scène et lui conféreront un maximum de visibilité. Tous les acteurs du site pourraient d’ailleurs être mobilisés, la médiathèque, l’auditorium, le restaurant, la librairie, etc. L’Alliance française doit devenir un haut lieu d’exposition de Bangkok.
Donc le but est d’organiser quelques moments clés pour mettre en scène les lieux - dont la terrasse sur toit - sachant que le nouveau site sera aussi un observatoire de l’évolution de Bangkok (on est au cœur du nouveau Bangkok !).
Que pouvez-vous nous dire de la situation du français en Thaïlande, et de l’évolution des effectifs d’étudiants à l’Alliance ?
Il y a une petite baisse structurelle liée à la concurrence des autres langues (chinois, anglais) et l‘évolution du contexte. 2006 a vu la fin du français obligatoire à l’université. Mais de façon générale nous maintenons un public fidèle de plus de 4.000 étudiants, ce qui est positif. Il nous faudra sans doute développer nos cours extra muros, afin de mieux répondre à la demande universitaire, et renforcer notre offre aux entreprises. Il nous faut en fait nous adapter à de nouveaux publics, comme par exemple celui des entreprises, auxquelles nous sommes très attachés, étant en outre membre de la Chambre de commerce Franco-Thaïe. Globalement, l’Alliance, très réactive et des plus flexible, a réussi à s’adapter malgré la hausse de la concurrence du chinois et de l’anglais notamment avec la construction de l’ASEAN. Le français bénéficie comme vous le savez d’un certain nombre d’atouts : tout d’abord le patronage de la Princesse Sirindhorn, une image privilégiée dont bénéficie la France dans ses domaines de prédilection (patrimoine, mode, culture…), la qualité des études supérieures en France… Il nous revient d’exploiter au mieux ces avantages, en liaison étroite avec l’Ambassade de France.
Vous avez œuvré dans les services culturels, comment percevez-vous l’Alliance française ?
J’ai une longue expérience du travail avec l’Alliance. En Chine c’était très important de travailler avec le réseau des Alliances qui s’étaient maintenues malgré les aléas de l’histoire, et constituaient de vraies vitrines de la France, des instances privilégiées pour le dialogue.. J’ai aussi beaucoup travaillé avec les Alliances aux Philippines où j’ai participé à l’ouverture d’une Alliance dans le sud du pays, à Cebu, avec l’appui d’un mécène. J’ai donc toujours privilégié les synergies entre les Alliances et les services culturels des ambassades.
La Fondation Alliance est une institution prestigieuse et une marque connue dans le monde. Le réseau des Alliances bénéficie d’une longue histoire et d’une implantation mondiale. C’est une très ancienne et vénérable maison qui a su se moderniser et demeure bien implantée dans le tissu local. C’est la force de cette entreprise à vocation culturelle qui réinvestit dans la promotion de la langue et la culture française, tout en privilégiant aussi l’échange interculturel.
Le public est très large : il va des classes moyennes aux étudiants, aux professeurs d’université, aux artistes, mais aussi aux milieux d’affaires. L’Alliance est au cœur d’un réseau d’influence.
Sa carte forte, c’est d’être en mesure de travailler avec tous ces éléments conjoints, en partenariat étroit avec l’Ambassade de France.
En ce sens, nous sommes confiants quant à l’avenir de l’Alliance française de Bangkok, à son attractivité, et à la fidélité de ses publics.
Comment voyez-vous l’articulation de la collaboration entre le service culturel de l’Ambassade avec l’Alliance ?
L’Alliance et l’Ambassade oeuvrent dans une même perspective en termes de diffusion et de promotion de la culture française, du renforcement des liens entre les deux pays, avec des moyens différents.
On ne peut travailler qu’en synergie, tout le monde y a intérêt ! C’est d’ailleurs ce que nous envisageons au travers notamment de l’organisation de grands événements culturels à venir.
Vous êtes ici et à ce poste par choix. Pourquoi ce choix de l’Alliance de Bangkok, le pays ou la fonction?
C’est aussi bien le pays que le poste qui ont influé sur mon choix. L’Alliance française de Bangkok est un centre extrêmement visible, connu, dans le réseau mondial des Alliances françaises. Ce qui m’attire, c’est donc ce potentiel qui est très riche, à un moment où il va falloir développer.
Il y a ici un défi important qui consiste à capitaliser l’histoire, l’attractivité de cette institution, et à la repositionner, en modernisant l’image, le contenu. Bangkok change énormément, l’Alliance déménage, je veux faire en sorte que l’Alliance continue de briller dans ce nouveau contexte.
Ce que j’aime dans les Alliances c’est cette adaptabilité très forte au changement, et il faut travailler là-dessus. Actuellement, la zone Asie est celle qui évolue le plus rapidement et qui a le plus riche potentiel mondial. Il est opportun d’être au cœur de ce changement. Avec l’ensemble des équipes de l’Alliance, nous allons définir un nouveau projet qui la mette en scène de façon visible, afin que les gens viennent sur place. C’est le but.
Dans ce projet, je tiens à souligner que nous envisageons aussi de travailler en interaction étroite avec les Alliances de province qui sont sources de programmes culturels.
L’ensemble du travail à venir est un travail d’équipes et de partenariats. Je remercie l’ensemble des équipes et des amis de l’Alliance française de Bangkok à cet égard, et plus particulièrement le Docteur Jingjai, président de l’Alliance française de Bangkok, pour son dévouement permanent, ainsi que les membres du conseil d’administration.
Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 26 septembre 2013
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