Le plan prévoyant d’accueillir sans quarantaine les visiteurs vaccinés sur l'île thaïlandaise de Phuket en juillet, suscite chez les professionnels un enthousiasme modéré empreint de certains doutes
L'initiative "Phuket Sandbox", qui doit démarrer le 1er juillet, permettra aux touristes vaccinés contre le Covid-19 l'arrivée sans quarantaine et la libre circulation sur la plus grande île de Thaïlande, Phuket. Ceux-ci auront également la possibilité de voyager ailleurs dans le royaume au bout de 14 jours.
A première vue, cela a tout l’air d’une belle opportunité de vacances privilégiées, cela d’autant que l’île, surnommée la Perle d’Andaman, n’a quasiment pas été fréquentée depuis plus d’un an et ajoute donc au package des attraits naturels revigorés comme jamais.
Mais au fur et à mesure où l’on avance vers le concret, apparaissent toutes sortes de conditions imposées ou modifiées au fil des dernières semaines par les autorités qui plombent quelque peu les espoirs d’une grande reprise du tourisme. Passage obligé par des hôtels agréés, multiples test PCR, assurance Covid-19 onéreuse, application de suivi, etc.
Incertitude sur les conditions
De nombreux professionnels du secteur se plaignent de l'incertitude suscitée par les incessants changements de règles ces dernières semaines qui ont selon eux tout pour dissuader les candidats au voyage d’effectuer leur réservation. Le plan "Phuket Sandbox" ne sera sans doute pas finalisé avant la fin du mois.
"Ce sera un processus lent. Aucun d'entre nous ne s'attend à une occupation à 100% le 2 juillet", explique Anthony Lark, président de la Phuket Hotels Association.
"Nous constatons toutefois déjà un fort intérêt, en particulier de la part de la clientèle du Moyen-Orient, du Royaume-Uni, d'Europe et de Scandinavie, pour revenir progressivement à Phuket", indique-t-il.
La quarantaine au retour de vacances
Quoiqu’il en soit, les réservations d'hôtel sur Phuket correspondaient vendredi à moins de 20% d’occupation.
Et au-delà des seules règles thaïlandaises, d’autres facteurs extérieurs subsistent. Certains marchés clés, comme la Chine, le Japon et la Malaisie imposent en effet toujours des restrictions au retour, tandis que les autorités sanitaires thaïlandaises ont interdit les visiteurs de certains pays à haut risque, comme l'Inde.
Un propriétaire d'hôtel de Phuket, qui a souhaité garder l'anonymat, estime que la sandbox n'est qu'un "ramassis de sottises" qui n’apportera que très peu, en partie parce qu'une grande partie du public cible - la classe moyenne et les riches asiatiques - doit se mettre en quarantaine à son retour au pays.
"Plus de 50% du tourisme de Phuket vient de Chine", rappelle l'hôtelier. "Sans ce marché, ce sera difficile."
Les critiques pointent également de certaines conditions comme les tests obligatoires, l'utilisation d'une application de suivi ou encore une assurance obligatoire couvrant au moins 100.000 dollars pour le traitement Covid-19.
Les compagnies aériennes veulent y croire
Toujours est-il que plusieurs grandes compagnies aériennes étrangères soutiennent le plan et proposent des vols directs, notamment Emirates, El Al, Air France, Qatar Airways, British Airways et Cathay Pacific, selon l’Office du tourisme de Thaïlande (TAT).
Singapore Airlines a déclaré à Reuters qu'après avoir recensé un certain intérêt chez ses clients, elle ferait passer ses vols vers Phuket de deux par semaine à sept à partir de juillet.
Thai Airways s’est bien entendu impliquée et propose des vols directs vers Phuket depuis six villes européennes à partir de juillet, même si la compagnie thaïlandaise ne s’attend à ne remplir qu’une partie de ses appareils, avec environ 100 passagers attendus sur la première semaine, selon un représentant du groupe.
Le gouvernement n’espère toutefois pas pouvoir accueillir plus de 129.000 visiteurs dans le pays au troisième trimestre avec la Phuket Sandbox, bien loin des chiffres habituels.
La Thaïlande n'a accueilli que 28.701 visiteurs au cours des quatre premiers mois de cette année.
L'association hôtelière de l'île prévoit une augmentation progressive du taux d'occupation, de 10-20 % entre juillet et octobre, à 30-40 % vers la fin de l'année, réservations locales incluses.
Première injection pour 60% de la population de Phuket
De son côté, Phuket s'est empressé de vacciner 70% de ses habitants - une condition au plan de réouverture -, et 60% d'entre eux auraient reçu une première dose jusqu'ici, un taux bien supérieur à la capitale Bangkok et au reste de Thaïlande.
Phuket enregistre moins de 10 cas d'infection au Sars-Cov-2 par jour depuis mai, date à laquelle la province insulaire a imposé aux visiteurs du reste de la Thaïlande un test négatif pour pouvoir entrer.
Le Premier ministre Prayuth Chan-ocha a déclaré jeudi que la Thaïlande rouvrirait ses portes aux visiteurs dans les 120 jours, et a qualifié cela de risque calculé mais nécessaire.
Si la "Phuket Sandbox" se passe bien, les autorités prévoient de reproduire le programme dans des destinations comme Krabi, Koh Samui ou encore Chiang Mai.
"C'est une situation totalement nouvelle. Vous essayez de rouvrir le pays au tourisme pour aider l'économie mais en même temps il convient d’être prudent", explique Chattan Kunjara Na Ayudhya, vice-gouverneur de TAT.
La Thaïlande a perdu environ 50 milliards de dollars de revenus touristiques l'année dernière lorsque les arrivées de touristes étrangers ont plongé de 83% passant de 39,9 millions en 2019 à 6,7 millions en 2020. Une baisse attribuée aux restrictions mondiales sur le voyage dans le contexte de la pandémie et aux mesures particulièrement strictes imposées par la Thaïlande qui pendant quelques mois interdit purement et simplement l’entrée aux étrangers avant d’imposer la quarantaine obligatoire. Phuket qui accueillait habituellement 10 millions de touristes par an a été particulièrement touchée par les pertes d'emplois et les fermetures d'entreprises.