Le ministre thaïlandais de la Santé, le Dr Cholnan Srikaew, a réitéré mercredi son intention de recriminaliser d’ici la fin de l’année la consommation récréative de cannabis en Thaïlande.
Dans une interview donnée à l’agence de presse Reuters, mercredi, le Dr Cholnan Srikaew s’est dit déterminé à faire interdire la consommation de cannabis en Thaïlande à des fins récréatives d'ici la fin de cette année, pour n’autoriser que l'utilisation thérapeutique.
La semaine dernière, le ministre avait déjà déclaré au journal économique américain Bloomberg que son gouvernement entendait faire adopter son projet de loi sur le cannabis par la chambre des représentants d’ici octobre prochain.
En 2018, la Thaïlande était devenue le premier pays d'Asie du Sud-Est à légaliser l’usage du cannabis médical. Mais la plante étant toujours classée comme stupéfiant, son usage et son exploitation commerciale demeuraient soumis à une règlementation stricte et des autorisations spéciales.
Lorsque le gouvernement précédent a décrété le retrait du cannabis de la liste des stupéfiants, en juin 2022, il l’a fait sans poser au préalable un cadre légal adéquat, laissant de nombreux vides juridiques dont les autorités ont tenté de colmater une partie en imposant dans l'urgence de règles fragmentaires.
Le cannabis en Thaïlande vers le milliard d'euros
Par la suite, le Parlement d’alors, très divisé sur la question, n’a pas été en mesure d’adopter un projet de loi sur le cannabis qui visait à permettre une légalisation complète de l’usage et du commerce de la plante.
Pendant ce temps, le retrait du cannabis de la liste des stupéfiants a fait exploser un secteur déjà florissant, donnant lieu à la création de plusieurs milliers d’entreprises liées au cannabis récréatif dans le royaume.
À ce jour, la Thaïlande compte environ 15.000 sociétés enregistrées dans le secteur cannabis y compris celles investies dans le domaine médical. Le nombre de dispensaires est estimé à environ 7.000 boutiques dans le royaume, principalement sur la capitale et les sites touristiques internationaux.
L’Université de la Chambre de Commerce Thaïlandaise (UTCC) prévoit que le secteur pèsera autour de 1,1 milliard d’euros d'ici l'année prochaine.
Jusqu'à 1.500 euros d'amende pour fumer un joint même chez soi
Selon le Dr Cholnan Srikaew, la nouvelle proposition de loi prévoit de punir l’usage récréatif du cannabis, où que ce soit, d’une amende pouvant aller jusqu'à 60.000 bahts (env. 1.500 euros). Les vendeurs de cannabis ou ceux faisant la promotion de produits dérivés encourraient pour leur part une amende pouvant atteindre 100.000 bahts (2.600 euros), ou une peine d'emprisonnement maximale d'un an, ou les deux.
Sans jamais vraiment avancer d'arguments tangibles de santé publique, le ministre, en poste depuis septembre dernier, estime qu’une réglementation répressive est nécessaire car, sans cela, le cannabis pourrait être "utilisé à mauvais escient" et "pourrait conduire à la fabrication d'autres drogues". Des caractéristiques attribuables à toutes sortes de produits ou de médicaments de grande consommation.
Le ministre a déclaré à Reuters qu'en vertu du projet de loi, des autorisations seraient requises pour le commerce du cannabis mais que les entreprises auraient le temps de s'adapter aux nouvelles réglementations, les magasins existants pouvant poursuivre leur activité jusqu'à l'expiration de leur licence et transformer ensuite leur activité pour se mettre en conformité avec la loi.
Non aux activités économiques dangereuses pour la santé publique
Cité par Bloomberg via le Bangkok Post, le fondateur du groupe de défense du cannabis Highland Network, Rattapon Sanrak, souligne que "le secteur du cannabis a explosé et est en plein essor", et que la recriminalisation aura des conséquences considérables, en particulier pour les petites entreprises et les exploitations agricoles. "[Cette loi] va nous obliger à fermer et à mourir au bout du compte", dit-il.
D'autres évoquent l'impact potentiel sur le tourisme, qui peine à se remettre des conséquences de la crise du Covid-19, ou encore l'effet négatif d’un tel chambardement sur l'image de la Thaïlande auprès des investisseurs, plutôt amateurs de stabilité et de visibilité.
À ce genre d'arguments, le ministre retorque : "Il est vrai que nous sommes soucieux de stimuler l'économie. Mais nous ne saurions soutenir une activité économique pouvant être dangereuse pour la santé publique".
Le Dr Cholnan Srikaew n'a pas précisé si les tout aussi juteux secteurs de l’alcool et autres drogues légales facilement détournables pour s’envoyer en l’air seraient les prochains "fléaux sanitaires" à éliminer coûte que coûte sur la liste du nouveau gouvernement. Affaire à suivre...