L'armée thaïlandaise a déclaré mardi soir avoir renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra et s'être emparé du pouvoir "afin de rétablir l'ordre". À la tête des putschistes, le général Sonthi Boonyaratkalin a rencontré le roi dans la soirée, instauré la loi martiale, abrogé la Constitution et dissous le gouvernement. Il a promis de rendre le pouvoir dès que possible au peuple thaïlandais. Le coup d'État du 19 septembre s'est déroulé dans un calme étonnant à Bangkok. Les militaires ont décrété férié la journée du lendemain en Thaïlande.
Les putschistes ont profité du voyage du Premier ministre Thaksin Shinawatra à New York pour assister à l'Assemblée des Nations Unies, et du déplacement de plusieurs autres ministres en France pour le festival culturel franco-thaïlandais "Tout à fait Thai", pour s’emparer du pouvoir à Bangkok.
La junte militaire qu'il dirige, et qui se fait appeler "Conseil pour la réforme politique", a abrogé la Constitution, instauré la loi martiale, dissous le gouvernement et mis en place un organisme chargé de mener des réformes politiques. Tout en annonçant sa prise de pouvoir, le groupe a précisé que cette situation était temporaire et que le gouvernement serait rendu au peuple thaïlandais dès que possible.
Les militaires accusent le Premier ministre Thaksin Shinawatra d'avoir divisé le peuple thaïlandais comme jamais dans l'histoire, d'avoir favorisé la corruption et empêché les organismes de contre-pouvoir de faire respecter l'esprit de la Constitution de 1997.
Loi martiale instaurée
Les rumeurs de coup d'État allaient bon train depuis la matinée alors que des mouvements de troupes inhabituels vers la capitale avaient été observés.
En fin d'après-midi, une douzaine de chars encerclaient le siège du gouvernement thaïlandais, dans le centre de la capitale.
Peu après, vers 17h (GMT) le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra tentait de s'opposer au coup d'état en décrétant l'état d'urgence et en limogeant le général Sonthi.
Mais son allocution, émise par téléphone depuis New York, ne sera retransmise que sur la chaine 9, les putshistes ayant pris le contrôle des autres canaux télévisés ainsi que des radios.
Finalement, en début soirée à Bangkok, le porte-parole des putschistes, un général en retraite, est apparu à la télévision pour annoncer que l'armée et la police contrôlaient la capitale et les provinces voisines et que la loi martiale était instaurée.
Rencontre du chef de la junte avec le roi
En fin de soirée, vers onze heures, heure locale, le général Sonthi et les chefs des forces armées ont rencontré le roi Bhumibol Adulyadej avant de retourner au siège du gouvernement à 1h30.
L'Union européenne, dont la présidence est assurée par la Finlande, a aussitôt fait part de sa vive préoccupation et appelé au retour à l'ordre démocratique. "Il est fortement regrettable que les institutions démocratiques semblent avoir été mises sous le contrôle des forces armées", a précisé le Premier ministre finlandais Matti Vanhanen, actuel président de l'UE.
À Washington, le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche a appelé "le peuple thaïlandais à résoudre ses désaccords politiques de façon pacifique et en accord avec les principes de la démocratie et du droit". Et enfin le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a dit souhaiter un retour "à un système démocratique dès que possible", tout en se disant confiant de la capacité des Thaïlandais à y parvenir.
Bangkok dans le calme
Bangkok est restée calme hier soir, et dans certains quartiers, la vie semblait continuer normalement. Vers minuit, autour de l'avenue Phitanulok, où se trouve le siège du gouvernement, on pouvait voir des engins blindés postés au milieu des rues qui laissaient passer véhicules, suscitant l’intérêt des habitants du quartier et autres curieux venus tout spécialement pour se faire prendre en photos.
L'aéroport international fonctionnait normalement. En revanche, aujourd'hui la bourse thaïlandaise, les services publics et les banques seront fermés, ainsi que les écoles. La France appelle ses ressortissants présents à Bangkok à éviter de sortir de chez eux.
Pierre Quéffelec, depuis Bangkok - 20 septembre 2006